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James Harden: le génie impopulaire

En 30 ans, aucun joueur n’a inscrit en moyenne plus de points que James Harden durant la phase classique de cette saison de NBA. Pourtant, The Beard n’est pas apprécié par tout le monde. Pourquoi ?

Quelque 36,1 points par match. Cela semble irréel, mais c’est la réalité : c’est la moyenne de James Harden durant la saison régulière. La septième plus haute de l’histoire de la NBA. Cinq des six autres sont au nom de Wilt Chamberlain, et datent des années 60.

Ce qui est encore plus significatif, c’est que Harden est le joueur qui a inscrit le plus de points en moyenne depuis Michael Jordan en 1986/87. À l’époque, le jeune ailier des Chicago Bulls avait marqué 37,1 points par match. Par la suite, seul Kobe Bryant (LA Lakers) a réussi à approcher cette moyenne en 2005/06, lorsqu’il a carburé à 35,4 points par match.

Tout aussi impressionnant : le nombre de points que le shooting guard des Houston Rockets a inscrit en moyenne en plus que le n°2 du classement, Paul George : 8,1 ! Un écart aussi grand que celui qui sépare George du numéro 31 du classement. Ce n’est pas un hasard si Harden a réalisé 8 des 10 plus hauts scores en un match, dont deux fois 61 points.

C’est surtout entre la mi-décembre et la fin février que The Beard a carburé au super : en 32 matches, il a atteint durant cette période une moyenne de 41,1 points par match, avec toujours au moins 30 points par rencontre. C’est la série la plus longue depuis Chamberlain en 1961/62.

Le taux d’efficacité avec lequel Harden a réalisé ces scores est tout aussi remarquable, surtout pour un high volume shooter (qui tire fréquemment). Son true shooting percentage (qui combine les lancers-francs, les tirs à deux points et à trois points) est, à une exception près, le plus élevé (61,6%) depuis l’introduction du tir à trois points. Il n’est devancé au classement que par… Harden himself, la saison dernière (61,9%).

Un révolutionnaire…

La moyenne du guard des Rockets n’était cependant, alors,  » que  » de 30,4 points. La différence entre la saison actuelle et la précédente ? Encore plus de tirs tentés, parmi lesquels 1.028 tirs à trois points, soit 142 ( ! ) de plus que le record précédent établi par Stephen Curry en 2015/16. Avec Curry, Harden est le joueur qui a le plus transformé la NBA au cours des dernières années, en repoussant le centre de gravité de l’attaque jusqu’au-delà de la ligne des trois points.

Son équipe, Houston, est d’ailleurs celle qui a le plus tenté sa chance depuis cette distance de toute l’histoire. Avec, pour justification, le fait que des tirs supplémentaires pris derrière la ligne des trois points (à un pourcentage de réussite moins élevé) rapportent toujours plus qu’un certain nombre de tirs  » normaux « , à deux points.

Harden a apporté une dimension supplémentaire en perfectionnant le step-back three pointer – le tir à trois points en reculant – qui est devenu sa marque de fabrique. En désarçonnant dans un premier temps son défenseur, puis en effectuant un pas en arrière, il se crée de l’espace pour se libérer.

L’exécution du mouvement (analysé de manière scientifique par des spécialistes) dure moins d’une seconde. Cette seconde a déjà été décrite comme  » la seconde la plus dangereuse de la NBA « . Les défenseurs savent ce que Harden va faire, mais même les meilleurs ne parviennent pas à l’empêcher de tirer.

Leur seul espoir est qu’il rate. Mais cela n’arrive pas souvent : avec son step-back three pointer, Harden inscrit en moyenne 1,2 point par tir. C’est mieux que la meilleure équipe offensive de la NBA, les Golden State Warriors, qui marque 1,15 point sur tous les tirs qu’elle se crée.

…décrié par les puristes…

Stratégie de défense : se coller à Harden pour l’obliger à pénétrer vers l’anneau. En espérant qu’il se heurte à un centre plus grand que lui. Ça fonctionnait autrefois, mais plus aujourd’hui. Aucun autre joueur de NBA ne pénètre plus vers l’anneau que lui : 19,6 drives en moyenne. Grâce à son floater, un ballon lobé, Harden parvient à éviter les longs bras tendus devant lui. Ou si ce n’est pas le cas, il provoque une faute, car dans cet exercice-là également, il est passé maître : avec 11 lancers-francs par match, il est le numéro un en NBA. Et il les réussit à 88%…

De plus, Harden ne néglige jamais ses partenaires : il a aussi délivré 7,5 assists par match. Seuls six joueurs de NBA font mieux. Combiné avec son grand nombre de tirs, le guard a ainsi été impliqué dans 40,5% des attaques des Rockets. À une exception près, c’est le plus haut usage rate de l’histoire de la NBA (après Russell Westbrook en 2016/17, 41,7%). C’est sans doute dû en partie aux blessures de ses coéquipiers Chris Paul et Clint Capela, qui ont forcé Harden à porter l’attaque seul sur ses épaules.

C’est aussi pour cette raison-là que sa grande efficacité est remarquable, car Harden reçoit très peu l’occasion de souffler. Il s’accorde lui-même moins de temps de repos en défense, alors qu’autrefois, il lui arrivait parfois de prendre ses tâches défensives à la légère. Seul Paul George (2,21) a réalisé plus d’interceptions que Harden (2,03) la saison dernière. Et même en situation de un-contre-un sous l’anneau, il s’est révélé comme l’un des meilleurs guards défensifs de la ligue.

Un attaquant d’une autre planète, et un défenseur plus doué que la moyenne. Pourtant, Harden est loin d’arriver en tête dans les sondages de popularité des fans, et de ses collègues. Ce sont surtout que puristes du basket, ceux qui insistent sur l’aspect collectif du jeu, qui n’apprécient pas Harden monopolise trop le ballon.

…et source d’irritation

The Beard a réalisé, par exemple, plus de 1 contre 1 à lui seul que n’importe quelle autre équipe de NBA (de 15 joueurs). Et aujourd’hui déjà, à 29 ans, il est le meilleur tireur à trois points unassisted (des tirs qu’il se crée tout seul) de toute l’histoire.

Une autre source d’irritation, c’est le fait que les arbitres oublient trop souvent de lui siffler un marché lors de ses step-back. Et qu’ils sifflent aussi trop de fautes sur sa personne – d’où le grand nombre de lancers-francs qui lui sont accordés.

Ce sont des éléments qui peuvent jouer un rôle lors de l’élection du MVP de la saison. Car, malgré des chiffres historiques, Harden n’a aucune garantie d’être élu. Giannis Antetokounmpo a, lui aussi, réalisé une saison phénoménale avec les Milwaukee Bucks.

Mais James Harden s’en fiche. La seule chose qui l’intéresse vraiment, c’est un titre de NBA. La saison dernière, avec Houston, il n’a échoué que dans les finals de la Conférence Ouest, face au futur champion, Golden State. Cette saison, les Warriors rencontreront déjà les Rockets en demi, dans les play-offs, s’ils éliminent Utah Jazz au premier tour.

Et dans ce cas-là, il faudra vraiment un Harden des grands jours, celui qui inscrit 36 points en moyenne, pour barrer la route de Kevin Durant, Stephen Curry et Cie.

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