Jaad Alami: « Mon rêve, ça a toujours été les JO sous le drapeau belge »
Si l’année 2018 aura été superbe pour le sport belge, certains espèrent que 2019 les mettra enfin en lumière. C’est le cas de Jaad Alami (26 ans), champion du monde de boxe chinoise en 2012 et 2013, qui veut laisser les pépins derrière lui pour retrouver le haut niveau.
Il n’est pas bien grand, mais ne vous y fiez pas : Jaad Alami, double champion du monde de boxe chinoise en 2012 et 2013, devient grand sur le ring. Celui-là même qu’il espère retrouver bientôt, lui qui a enregistré des succès inédits en Belgique dans son sport.
» Ce n’est pas une discipline commune chez nous, c’est ça qui m’a attiré » observe-t-il. » Mes oncles et mes frères étaient fans de boxe et, à 6 ans, ils m’ont emmené dans une salle de Schaerbeek. J’étais si petit que les gants m’arrivaient aux coudes et que le short me tombait sur les chevilles « , se rappelle-t-il.
Rapidement, son talent saute aux yeux et ses frères l’initient à la boxe anglaise, à la boxe thaï, avant qu’il n’opte pour la chinoise. Alami multiplie alors les succès : » J’ai enchaîné les championnats de Belgique, dont je suis sorti vainqueur à deux reprises. J’ai ensuite été sélectionné pour le championnat d’Europe, à Budapest. On m’a prévenu très tard et, sur place, j’apprends finalement que c’est un championnat… du monde ! « .
Un amateurisme et un manque de préparation auxquels s’ajoute la maladie : » J’ai attrapé une otite, maigri jusque 49 kilos alors que ma catégorie était de -55 kg. J’ai remporté le titre au mental. J’ai ensuite affronté le gagnant de la catégorie -65, puis un gars de la catégorie supérieure, un monstre de 80 kilos, m’a proposé un combat faute d’adversaire « , se rappelle Jaad.
» J’ai pris un coup de genou qui m’a brisé la coquille et le jury a interrompu le combat contre l’avis du médecin. J’avais gagné tous les rounds. Mais en voyant mon adversaire saluer le jury comme sa famille, j’ai compris « .
Retardé par les blessures
Par la suite, les choses se compliquent. En 2013, Alami se blesse et est éloigné des rings pendant plus d’un an. » Vu son style explosif, les blessures nécessitent une longue revalidation : il doit être à 100% « , explique Redwan El Khadiri, son préparateur physique. » Il faut aussi encadrer le boxeur pour qu’il ne baisse pas les bras. En Belgique, vous êtes tout seul, les fédérations ne font rien pour aider les combattants « .
Après cette blessure, Jaad fait une rencontre déterminante : celui qu’il considère désormais comme un père adoptif, Peter Boone, chirurgien reconnu dans le monde des sports de combat. » J’ai immédiatement été convaincu de son talent « , se souvient ce dernier. » C’est un heavyweight dans le corps d’un flyweight, avec un potentiel de K.O terrible « .
Reste désormais à bien choisir sa voie car, à 26 ans, Alami, prêt à reprendre la compétition, ne veut plus traîner. Même si le temps ne joue pas – encore – contre lui. » Ce n’est pas sa dernière chance « , juge Redwan. » En sports de combat, l’expérience fait beaucoup. En MMA, certains arrivent au top à 30 ans. Et en anglaise, 26 ans est l’âge idéal. Je suis sûr qu’en deux ans, il peut arriver au top « .
Karl Bruylants, qui a entraîné de nombreux combattants au sein du gym de Daniella Sommers ( multiple championne de boxe, championne du monde de kickboxing, ndlr), a travaillé avec Jaad : » S’il a un peu plus de chance sur le plan physique, il devra aussi pouvoir se concentrer sur la boxe. Financièrement, en Belgique, c’est difficile. Si Jaad pouvait s’entraîner full-time, tout serait possible pour lui au vu de ses capacités. Mais le soutien des fédérations et des sponsors est insuffisant « .
Manque de moyens
Les sports de combat en Belgique restent en effets marginaux et peu rémunérateurs. » La Belgique a compté et compte encore beaucoup de champions, mais aucun ne gagne d’argent avec ses victoires « , déplore Boone. » Il faut vraiment en vouloir pour se lancer à fond là-dedans chez nous « , résume El Khadiri, champion d’Europe de kudo ( art martial mixte japonais, ndlr) en 2007.
» Quand j’ai subi des blessures, à l’époque, je devais me débrouiller « . Un abandon qui jure avec ce que Jaad constate aux Pays-Bas, où il s’est entraîné souvent. » Je faisais le trajet jusqu’à Amsterdam, chez Mike’s Gym, où s’entraîne Badr Hari ( champion de boxe thaï, qui compte 110 victoires dont 103 par KO pour 120 combats professionnels, ndlr). Ils m’ont proposé un contrat avant ma blessure. Aujourd’hui, le problème, ce sont les déplacements. Là-bas, ils ont tout : logement, sponsors. C’est un autre monde « .
Un engouement différent de la part du public aussi. » L’année passée, aux championnats de K-1 ( kick-boxing japonais, ndlr), j’ai vu tous ces Néerlandais chanter leur hymne, tu vois qu’ils sont fiers. J’aimerais rendre les Belges fiers de leurs combattants. Beaucoup optent pour leur pays natal. La fédération marocaine m’a contacté. Mais ça n’a aucun sens pour moi, je suis Belge. Mon rêve, ça a toujours été les JO sous le drapeau belge « .
Si Alami n’écarte aucune option, deux possibilités s’ouvrent à lui : la boxe anglaise et le MMA. » Le principal défaut de Jaad est sa taille, mais même s’il est petit, il a un punch incroyable et reste toujours dangereux sur le ring « , pointe Karl Bruylants. Des qualités qui en font un adversaire redoutable pour les combattants de MMA, auxquels il s’est déjà frotté.
Avec du beau linge
Alami s’est, en effet, entraîné un an au Canada, au sein de l’équipe Tristar, où il a côtoyé Georges Saint-Pierre, l’un des plus grands combattants de l’histoire de l’UFC ( Ultimate Fighting Championship, ndlr). » J’ai affronté en sparring Zach Makovsky ( combattant de l’UFC, champion poids-coqs de Bellator, ndlr) et il m’a assuré que j’avais le niveau « .
Comme le souligne El Khadiri, » la plupart des champions de MMA sont champions dans leur sport avant « . Et si le MMA a ses détracteurs, qui le jugent contraire à l’esprit des arts martiaux, force est de constater qu’il rencontre le succès. » Les arts martiaux traditionnels n’attirent plus autant de public aujourd’hui « , estime Boone. En Belgique, les Cage Warriors, qui sont une option pour Alami, font souvent escale.
L’avenir est peut-être là pour les combattants rêvant de professionnalisme. Sans se laisser aveugler par le strass et les paillettes que promet l’UFC. » En bas de l’échelle, tu gagnes peu et si tu perds, tu peux vite disparaître. C’est pour ça qu’après mon stage au Canada, je n’ai pas persisté alors qu’on me proposait une porte d’entrée en UFC « .
Alami est à la croisée des chemins : après avoir fait la fierté de la commune d’Anderlecht, il doit maintenant revenir au sommet.
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