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Gailhaguet démissionne, emporté par le scandale de violences sexuelles dans le patinage

Le long règne de Didier Gailhaguet à la tête du patinage français est terminé. Le président de la Fédération des sports de glace (FFSG) a pris la porte samedi, contraint à la démission par le vaste scandale de violences sexuelles qui touche sa fédération et tout le sport français.

Le long règne de Didier Gailhaguet à la tête du patinage français est terminé. Le président de la Fédération des sports de glace (FFSG) a pris la porte samedi, contraint à la démission par le vaste scandale de violences sexuelles qui touche sa fédération et tout le sport français.

Moins d’une semaine après l’appel à la démission lancé par la ministre des Sports, Roxana Maracineanu, et face à l’inquiétude de plus en plus forte des clubs de patinage, Didier Gailhaguet a jeté l’éponge lors d’un conseil fédéral exceptionnel, sans vote, mettant fin à un règne quasi ininterrompu, et souvent sans partage, depuis 1998.

« Dans un souci d’apaisement, j’ai pris avec philosophie, dignité, mais sans amertume la sage décision de démissionner », a-t-il annoncé aux journalistes à la sortie de cette réunion. La présidente du conseil fédéral, Maryvonne Del Torchio, qui a demandé à rencontrer Roxana Maracineanu, assurera l’interim, avant de nouvelles élections dans un délai de cinq semaines, selon les statuts de la FFSG.

Gailhaguet, 66 ans, a dénoncé « la dictature ministérielle et notamment la honteuse menace d’un retrait de l’agrément » de la fédération brandi par la ministre des Sports.

Pour Roxana Maracineanu, qui remporte son bras de fer contre un patron de fédération, « c’est une première étape ». Elle a assuré sur Twitter que les « démarches engagées » par son ministère « (visaient) à analyser les dysfonctionnements qui ont permis à des agissements graves de se produire dans la durée au sein de la fédération ».

Plus directe, la championne de patinage Sarah Abitbol, à l’origine des premières révélations d’abus sexuels, a estimé dans L’Obs qu' »il reste à nettoyer toute la fédération où il a tous ses amis. Ceux qui se sont tus et ont soutenu son système, sont toujours là-bas ».

Silence

C’est une page qui se tourne dans l’univers des institutions sportives. Ancien patineur puis entraîneur de Surya Bonaly et conseiller de Brian Joubert, Didier Gailhaguet avait dirigé la fédération quasiment sans interruption depuis 1998, sauf une parenthèse entre 2004 et 2007.

Les 29 et 30 janvier, plusieurs anciennes patineuses ont accusé trois entraîneurs d’avoir abusé d’elles entre la fin des années 70 et le début des années 90, quand elles étaient adolescentes, provoquant une crise sans précédent dans le sport français. Sarah Abitbol a ainsi accusé son entraîneur Gilles Beyer, de l’avoir violée entre 15 et 17 ans, dans les années 1990-1992, dans son livre « Un si long silence » (Plon).

Si Abitbol n’a brisé le silence que trente ans plus tard, la ministre des Sports a pointé le rôle de Gailhaguet dans le maintien de Gilles Beyer dans le circuit du patinage, malgré des soupçons en 2000.

A l’époque, un courrier de parents dénonçant ses attitudes inappropriées, avait provoqué une enquête administrative, qui avait conduit le ministère des Sports à mettre fin aux fonctions de Beyer le 31 mars 2001.

Mais l’entraîneur avait réintégré le club parisien des Français volants, coordonné dans les années 2010 des tournées de gala de l’équipe de France et figurait dans l’encadrement des Bleus aux Championnats du monde juniors 2011.

Roxana Maracineanu avait dénoncé un « dysfonctionnement général » et pointé la « responsabilité morale et personnelle » de Gailhaguet.

Le patron du patinage avait d’abord choisi la contre-attaque, pointant le rôle du ministère des Sports de l’époque dans le maintien de Beyer dans le patinage, et attaquant Maracineanu, qualifiée de « ministre moralisatrice ».

« Ingérable »

Mais d’autres voix s’étaient jointes à l’appel de la ministre, et l’inquiétude montait de plus en plus dans les clubs, sur tout le territoire.

« Il faut du renouveau », a demandé samedi le président de l’Acsel Caen, Ludovic Le Guennec, membre du conseil fédéral. « Au niveau des structures, des personnes. Nos sportifs le méritent. On a besoin de repartir à zéro, surtout après les épisodes qu’on a pu vivre. »

Avant le scandale, la fédération avait déjà dû faire face aux ennuis du patineur Morgan Ciprès, ciblé aux Etats-Unis par une enquête pour avoir envoyé des photos obscènes à une adolescente de 13 ans, puis au contrôle positif à la cocaïne fin septembre de Laurine Lecavelier, cinquième des Championnats d’Europe 2019, révélé en janvier par l’Equipe.

L’inamovible patron du patinage français s’est déjà sorti, lui, de périlleuses ornières.

Eclaboussé par une affaire de tricherie aux JO de Salt Lake City en 2002, il avait été interdit de toute fonction dans le patinage international pendant trois ans. En 2004, il avait également dû démissionner de la présidence de la FFSG sur fond de problèmes de gestion. Mais il s’était réinstallé dans le fauteuil de président en 2007.

Les révélations dans le patinage se sont étendues à d’autres sports. Vendredi, la fédération d’équitation (FFE) a promis une « série d’actions » après les accusations contre trois encadrants d’une ex-cavalière professionnelle.

Deux jours plus tôt, dans le football, le président du SCO d’Angers, Saïd Chabane, visé par des plaintes de quatre femmes, dont une salariée et deux anciennes salariées du club, a été mis en examen pour « agressions sexuelles aggravées ».

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