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En Argentine, le rugby en prison lutte contre la récidive

Pour les détenus de la prison de hauté sécurité de San Martin, près de Buenos Aires, le rugby est un instant de liberté, une manière de canaliser l’agressivité et les autorités judiciaires constatent qu’il minimise la récidive.

Chaque mardi, ils sont environ 80 participants à l’activité à se rendre sur le terrain de sport de la maison d’arrêt. Le sésame est d’être retenu par l’entraîneur pour disputer une rencontre à l’extérieur de la prison. Pendant leur tournée en Argentine, ils ont eu l’honneur de recevoir l’équipe d’Angleterre la semaine dernière.

L’entraîneur bénévole, Eduardo « Coco » Oderigo, est un ancien joueur de rugby et avocat. Il a créé les Spartiates en 2009, malgré des résistances de tous types, avec un ancien procureur, José Barbaccia, et un chef d’entreprise, Daniel Lanusse, qui entraînent avec lui.

La première rencontre s’est jouée contre une équipe de gardiens de prison. « On les a battus », se souvient-il en souriant. Puis vint le tour d’une équipe du pouvoir judiciaire, avant qu’ils ne soient invités par des clubs.

Chez les Spartiates, le taux de récidive passe de 65% en moyenne, à 5%.

« Des 200 que nous avons vu sortir ces dernières années, seulement sept ont rechuté », se vante-t-il.

28 prisons

Johny Acevedo, 29 ans, a été condamné pour meurtre lors d’une attaque à main armée. Il est incarcéré depuis sept ans, et il lui en reste six à purger. Ce solide gaillard joue depuis deux ans, comme deuxième ligne, et le rugby lui a permis de revoir son fils, venu l’encourager sur le bord du terrain, un jour de match contre le club de Newman.

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« Sa mère ne voulait pas qu’il vienne me voir en prison, mais là, elle l’a laissé aller. Depuis, je suis sorti sept fois pour jouer des matches et j’ai pu voir Santino à chaque fois. Il y a un avant et un après », confie le détenu, qui a terminé sa scolarité en prison et envisage désormais une carrière universitaire.

Bientôt, les détenus pourront joueur sur une pelouse synthétique, qui remplacera un terrain boueux, jonché de pierres.

Dans l’unité N.8 de la prison de San Martin, on ne sent pas le froid humide de l’automne austral. Comme chaque mardi, les hommes sortent de leur cellule qui donne sur un long couloir, saluent amicalement les entraîneurs.

« Pour les Spartiates, un grand abrazo des Pumas », peut-on lire sur un maillot bleu ciel et blanc, dédicacé par les joueurs et accroché au mur d’une pièce commune.

Une photo rappelle qu’en décembre 2015, des ex-Spartiates ont été reçus par le pape au Vatican.

Dans la cour, il y a du linge qui sèche au soleil. Des représentations de Jésus et du pape François ont été peintes sur un mur.

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Ismael, 40 ans, doit sortir fin juin, après 17 ans de détention, pour des braquages en récidive. « Je n’ai jamais tué personne », précise-t-il. Dehors, il veut renouer avec sa passion: la boulangerie et la pâtisserie. En prison, il a donné des cours à d’autres détenus.

Depuis un an et demi, le rugby a gagné 28 prisons en Argentine, pays où le football est bien plus populaire que le rugby, un sport qui se démocratise mais qui était pratiqué historiquement par l’élite.

Gabriel Marquez, 24 ans, s’est pris de passion pour le rugby qu’il a découvert en prison. C’est le capitaine des Spartiates. Il regrette de ne pas avoir connu le rugby avant. Il pense que cela l’aurait aidé à ne pas tomber dans le piège de la drogue et de la délinquance.

Dans 10 mois, il espère sortir, grâce à une promesse d’emploi. Le rugby, dit-il, c’est « deux heures de liberté qui nous font oublier la détention ».

Pour la réinsertion, les trois entraîneurs font jouer leurs connaissances dans le secteur privé pour faire embaucher leurs protégés.

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