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Dopage: voici les principales techniques de triche de la Russie

Corruption, échantillons trafiqués, falsification de données: depuis cinq ans, plusieurs enquêtes ont démontré l’étendue des techniques de triche en Russie pour cacher un système de dopage impliquant des rouages de l’État, jusqu’aux services secrets, aboutissant à une exclusion de la Russie des Jeux olympiques pendant quatre ans et du Mondial de foot 2022.

Voici un panel, non exhaustif, de ces techniques de triche.

Trafics d’influences

Fin 2011, la Russie est dans le viseur du service antidopage de la fédération internationale d’athlétisme (IAAF), qui dispose des noms de 23 athlètes aux passeports biologiques suspects. Mais pour plusieurs d’entre eux, la procédure à l’IAAF traîne en longueur, autorisant les Russes à disputer les JO de Londres-2012 ou les Mondiaux-2013 à Moscou. Parmi eux, la marathonienne Liliya Shoboukhova, ou des médaillés de Londres comme Sergey Kirdyapkin (or au 50 km marche), Olga Kaniskina (argent au 20 km marche) et Yuliya Zaripova (or au 3.000 m steeple), dont les titres seront retirés pour dopage.

« Je voulais éviter la sanction de 15 athlètes russes en même temps », a reconnu l’ancien patron de l’IAAF (1999-2015), le Sénégalais Lamine Diack, devant la justice française, compétente parce que des sommes d’argent ont été blanchies à Paris. Il a aussi concédé avoir reçu des fonds russes, évoquant la somme d’1,5 million de dollars (1,3 million d’euros), pour mener des campagnes politiques au Sénégal.

L’enquête a montré que Shoboukhova avait dû payer de son côté l’équivalent de 450.000 euros de pots-de-vin à sa propre fédération pour être épargnée.

Au labo de Moscou, la disparition des contrôles positifs

D’après le « rapport McLaren » commandé par l’Agence mondiale antidopage (AMA), le laboratoire de Moscou agissait sous l’influence directe du ministère des Sports quand un contrôle s’avérait positif. Une fois informé, le ministère tranchait en envoyant le code « sauver » ou « quarantaine ». Dans le premier cas, l’échantillon positif était tout simplement enregistré comme négatif dans la base de données du labo antidopage. Dans son rapport final, le juriste canadien Richard McLaren estime que plus de 500 contrôles positifs ont été blanchis par cette méthode, entre 2011 et 2015. C’est l’une des raisons pour lesquelles l’AMA avait exigé de récupérer toutes les données brutes des contrôles du labo.

Sotchi-2014, le point d’orgue

Aux Jeux olympiques d’hiver de Sotchi, la Russie joue à domicile. Mais sur les bords de la mer Noire, impossible de truquer les résultats, gérés par le Comité international olympique (CIO). « Mais on est des tricheurs de haut vol », prévient l’ancien directeur du laboratoire antidopage de Moscou, Grigori Rodtchenkov, dans un film consacré à l’affaire, Icare. Alors, c’est le contenu même des échantillons qui a été modifié, a révélé le médecin, qui a fui aux Etats-Unis. De nuit, les flacons stockés dans le laboratoire antidopage passaient discrètement par un trou de souris dans une autre salle, où leur contenu était changé avec de l’urine « propre » fournie en amont par les athlètes russes et gardée dans un bâtiment attenant du FSB. Ce service secret avait même mis au point une méthode pour ouvrir et refermer les flacons, censés être inviolables.

Faux documents

Le dopage à grande échelle dans l’athlétisme a conduit l’IAAF à suspendre la Russie en novembre 2015. Mais la porte des compétitions internationales est restée ouverte à des sélections d’athlètes « neutres », triés sur le volet. Aux Mondiaux-2017 de Londres, le sésame est accordé à Danil Lysenko, qui décroche l’argent au saut en hauteur et incarne alors la génération du renouveau. Mais le 25 juin 2018, il se voit notifier un troisième manquement à ses obligations de localisation pour les contrôles inopinés (« no show »), synonyme de suspension. Pire, l’enquête de l’Unité d’intégrité de l’athlétisme (AIU) a dévoilé que la fédération russe lui avait fourni de faux documents pour attester de sa bonne foi. Le 21 novembre dernier, l’AIU a annoncé la suspension de la fédération russe d’athlétisme (Rusaf) et de sept officiels, dont le président de Rusaf, Dmitri Chliakhtine, remplacé depuis.

La falsification des données

En septembre 2018, l’AMA conditionne la levée de la suspension de l’agence russe antidopage (Rusada) à la remise de l’intégralité des données brutes des contrôles de l’ancien laboratoire de Moscou. Le but: confondre enfin les sportifs dopés que le système russe a protégés. Après deux allers-retours à Moscou, une équipe de l’AMA finit par récupérer une quantité astronomique de données début 2019. Mais grâce à des experts informatiques de l’université de Lausanne, les enquêteurs de l’AMA ont acquis la conviction que des données ont été falsifiées, pour certaines fin 2018-début 2019, juste avant leur remise. Ainsi, des « centaines » de résultats de contrôles suspects ont disparu. Mieux, de faux messages, prétendument écrits par le Dr Rodtchenkov, devenu la bête noire de Moscou, ont été insérés dans le système de gestion de l’information du laboratoire (LIMS) pour accuser l’ancien patron du labo. C’est ce qui vaut à la Russie une exclusion des JO pendant quatre ans.

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