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Comment devient-on « sport olympique » ? Entre critères et luttes d’influence

Cette année et après 112 ans d’absence, le golf fait son retour dans le programme olympique. Trois Belges sont susceptibles d’y participer. Mais qui décide, et sous quels critères, quel sport est digne d’être olympique ?

À chaque édition des Jeux ou presque, des sports se voient dotés ou dépossédés de leur statut d’ « olympique ». En 2008, à Pékin, le BMX est devenu un sport olympique. Cette année, ce sera au golf de faire son retour à la compétition après 112 ans d’absence.

Et pour fêter cette participation un tant soit peu inattendue, un golfeur, au moins, représentera la Belgique cet été à Rio. Il s’agit de Thomas Pieters (28e au ranking olympique). Il pourrait se voir rejoint par Nicolas Colsaerts ou Chloé Leurquin (respectivement 52 et 57e) le 11 juillet en cas de qualification. Mais les Belges ne pourront y participer tous trois pour la simple et bonne raison qu’au maximum deux pratiquants de ce sport sont autorisés par nation aux JO.

Le rugby à sept est également une discipline qui connaîtra les joies des JO cette année. En contrepartie, en 2012, le baseball et le softball (baseball féminin) se sont vus retirés du programme. Si certains sports peuvent donc s’enorgueillir de participer aux JO, d’autres disciplines criaillent et regrettent une mise à l’écart.

Qui décide ?

Le pouvoir décisionnaire revient en réalité au Comité international olympique (CIO) qui établit une hiérarchie des différentes disciplines. Mais pour qu’un « jeu » voie sa candidature analysée pour une participation aux JO, il faut d’ores et déjà que celui-ci soit pratiqué par les hommes dans au moins 50 pays présents sur trois continents. Pour les femmes, le sport en question doit concerner 35 pays disposés sur trois continents également. Il s’agit là du premier critère exclusif.

Le sport, représenté par une fédération, ayant résisté au caractère filtrant de la première condition, voit alors sa candidature analysée par le CIO, via différents critères. Ainsi sont évalués les caractéristiques techniques du sport en question, son histoire, son universalité, sa popularité, son image, la santé et la sécurité des athlètes ainsi que le développement futur de la fédération, les coûts et autres. Tels sont, officiellement, les grands groupes dans lesquels sont répartis pas moins de 33 critères de sélection.

Majoritairement sportifs, certains d’entre eux comprennent des caractères financiers et populaires. Ainsi, un sport ne sera pas sélectionné si celui-ci bénéficie d’une faible couverture médiatique, offre une visibilité médiocre aux sponsors et par conséquent engendre peu de revenus pour le pouvoir organisateur.

Des critères qui posent question lorsque l’on sait que « selon la Charte Olympique, le rôle du CIO est (notamment, NDLR) de s’opposer à toute utilisation abusive politique ou commerciale du sport et des athlètes ». Le tout est de mesurer le caractère « abusif » de la chose…

Des luttes d’influence

D’autant que la mise en place d’exigences commerciales du sport dans la sélection des disciplines pour les JO n’est pas le seul reproche à imputer au CIO. En effet, « les luttes d’influence politico-diplomatiques ont toujours existé dans l’attribution ou non d’un « brevet » olympique à certains sports », avait déclaré Patrick Clastres, au journal le Monde en 2013.

« En 1896, le programme originel est le fruit d’un compromis diplomatique où chacune des nations – européennes et nord-américaines – tente d’imposer ses sports », explique-t-il. La France militait alors pour l’inscription du cyclisme, l’Allemagne et d’autres pour la Gymnastique. « Avec la guerre froide, le programme olympique redevient un enjeu national et le biathlon est clairement une concession aux états communistes » continue l’historien.

Les Jeux Olympiques jouent la carte de la mondialisation, ce qu’appellera Patrick Clastres, « l’olympisation du monde ». La prochaine étape est de conquérir l’intérêt asiatique. En 1964, le Judo obtient le brevet, le Taekwondo en 2000. Des intégrations olympiques perçues comme des « concessions à l’Asie ». Le reste n’est que du lobbying, passant par des bonnes relations entre les dirigeants des différentes fédérations et les responsables du CIO.

Ainsi, en 2012, le Baseball et le Softball sont sortis du programme simplement suite à une mésentente entre le Comité international olympique et la Major League Baseball (MLB). Pour cause, les organisateurs des Jeux voulaient voir évoluer des vedettes lors de leur évènement mais il était hors de question pour la MLB de s’en séparer.

Les luttes d’influence ne s’arrêtent pas là selon Patrick Clastres. Ainsi, il affirme dans le Monde, que si le pentathlon, pourtant une discipline non-universelle et peu médiatisée, est toujours reprise dans la liste des sports des JO, « elle le doit à des dirigeants très influents. Ce sont les élites traditionnelles des milieux de l’équitation et de l’escrime. Les milieux des hauts gradés et de l’aristocratie y sont surreprésentés. Et cette tendance se retrouve au CIO ».

Quentin Droussin

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