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Casse-tête olympique pour la piscine des JO de Paris 2024

La natation française l’attend depuis des décennies et c’est le seul grand équipement sportif qui doit sortir de terre pour les Jeux olympiques de Paris 2024. Mais le centre aquatique de Saint-Denis vire au casse-tête : plus cher que prévu, sa gestion après les Jeux inquiète aussi.

« Cette piscine olympique, c’est un serpent de mer dont on entend parler depuis 1985 », quand Paris avait échoué face à Barcelone pour accueillir les Jeux d’été de 1992, constate le consultant Armand de Rendinger, qui vient de publier « Le Pari olympique de 2024, chance ou malédiction? » (Éditions Vigot). Depuis cette époque, le dossier est ressorti lors des candidatures malheureuses de Paris pour les JO de 2008 et de 2012, attribués à Pékin et Londres, avant de regagner les placards.

Dans le dossier de Paris-2024, le projet s’est déjà déplacé d’Aubervilliers à Saint-Denis, à côté du Stade de France. Avec la promesse d’héritages multiples. En configuration post JO, le centre aquatique garderait un bassin de 50 m, une fosse à plongeon et des tribunes pour 2.500 personnes, pouvant être portées à une capacité de 5.000.

De quoi accueillir des championnats d’Europe de natation, un pôle d’entraînement et le siège de la fédération, tout en laissant des lignes d’eau pour les scolaires et des pratiquants dans un département, la Seine-Saint-Denis, qui en manque beaucoup. Enfin, le projet est vu comme un levier pour l’aménagement de cette zone enclavée au nord de Paris.

Mais de nombreuses questions sont apparues. Evalué à 130 millions d’euros en phase de candidature, la facture du chantier est encore incertaine à cause d’aléas comme la dépollution du site. Les terrains appartiennent à la ville de Paris mais sont occupés par le groupe Engie, qui y a des bureaux et doit libérer les lieux moyennant une contrepartie. Début avril, un rapport remis à l’Etat a jeté un froid en évaluant les risques de surcoûts à 160-170 millions d’euros.

– « Cluster du sport » –

Autre question, qui va conduire l’opération ? La loi a confié la maîtrise d’ouvrage à la Métropole du Grand Paris (MGP), mais élus et représentants de l’Etat craignent qu’elle n’en ait pas les moyens techniques et que son président, Patrick Ollier, conduise une opération coûteuse pour faire une vitrine de la métropole.

« Quand on veut tuer son chien, on dit qu’il a la rage! Qu’on laisse nos équipes travailler ! », s’insurge auprès de l’AFP M. Ollier, réfutant tout gigantisme architectural et toute volonté redoutée par certains de construire un parc de loisirs type « Aquaboulevard ».

« Nous cherchons des solutions pour que ces équipements puissent attirer une clientèle qui ne soit pas seulement locale », corrige-t-il, « car c’est bien la MGP qui paiera le déficit de fonctionnement ». Selon le rapport d’experts remis à l’Etat, un « cluster » du sport est à l’étude, incluant commerces et activités.

C’est l’autre grande peur de tous les acteurs: un déficit d’exploitation aussi profond qu’une fosse à plongeon olympique. Même si une piscine n’est jamais rentable, les chiffres qui circulent ne rassurent pas, avec des prévisions de 500.000 à 1,5 million d’euros de pertes annuelles.

Face à ces interrogations, de nouvelles hypothèses ont émergé. Si l’idée de déplacer le site ou de démonter tout l’équipement après les Jeux semble écartée, celle de ne laisser qu’une piscine de proximité a ses partisans. Certains acteurs du dossier calculent que les économies réalisées permettraient de participer au plan de financement de piscines en Seine-Saint-Denis, un scenario évoqué dans une note révélée par Le Parisien.

« On ressort d’autres débats » pour tuer le projet initial, dénonce le directeur général de la Fédération française de natation (FFN), Laurent Ciubini, pour qui « l’abandon du projet serait catastrophique » pour la natation française.

Le patron du Comité d’organisation des Jeux olympiques (Cojo) Tony Estanguet s’est récemment voulu rassurant: « il y aura un héritage permanent très fort en Seine-Saint-Denis autour du centre aquatique », a-t-il promis, citant un bassin de 50 m et une fosse à plongeon.

Dans l’immédiat, les équipes techniques réfléchissent aux solutions pour réduire les risques de surcoût. « Entre ne rien laisser et dépenser 250 millions d’euros, il y a du chemin », résume un acteur du dossier.

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