© Getty Images/iStock

Bilan de la 1ere journée du tournoi des Six nations: les choix « mystiques » d’Eddie Jones, une Irlande qui affirme ses ambitions, Gabin Villière détonateur de la France

Après chaque journée, jusqu’à la fin du tournoi, nous vous ferons un petit bilan de la journée du tournoi des Six nations de rugby. Cette semaine, l’on revient sur la victoire laborieuse du favori français, la débâcle du XV à la Rose, mais aussi sur la maîtrise totale de l’Irlande contre un pays de Galles à l’agonie.

Ecosse – Angleterre 20-17

L’Angleterre a payé son arrogance et ses choix tactiques douteux dans le temple écossais de Murrayfield. Il ne reste que deux minutes à jouer et le XV à la Rose hérite de la possibilité de tenter un but de pénalité qui lui aurait permis, s’il avait été converti, d’arracher un score de parité. Les hommes d’Eddie Jones en veulent plus, eux qui semblaient bien partis pour une victoire aisée à l’heure de jeu. Malgré son pack surpuissant, l’Angleterre se cassait finalement bien les dents sur le valeureux XV du Chardon. Elle jouait sa pénaltouche à proximité de l’en-but écossais. Sauf que la rentrée effectuée par Jamie George était ratée et contrée par des joueurs locaux qui pouvaient ainsi garder leur précieuse victoire.

L’Angleterre a probablement perdu ses chances de succès à la 66e avec le carton jaune que s’est vu attribué le talonneur Luke Cowan-Dickie, qui en tant que dernier défenseur devant son en-but, a volleyé le ballon en touche le ballon devant un ailier écossais. Une erreur lourde de conséquence alors que son équipe menait 10-17 à ce moment de la rencontre puisque l’arbitre était contraint d’accorder l’essai au XV du Chardon qui revenait ainsi à hauteur de son invité du jour.

Ces unités d’avance, les Anglais avaient été les chercher grâce à un essai de leur nouveau prodige Marcus Smith à la 53e. Mais le jeune ouvreur de 22 ans manquait ensuite la transformation. Avec ces deux points en plus, le XV à la Rose se serait sans doute contenté du but de pénalité en toute fin de match. Le scénario de la rencontre basculait déjà une première fois.

Après le carton jaune de Cowan-Dickie, l’Ecosse a acculé son adversaire du jour devant son en-but. Murrayfield entonne à pleins poumons le Flower of Scotland, l’hymne de sa sélection, pour porter ses couleurs vers la victoire. Finn Russel a converti son seul but de pénalité de la soirée à la 72e minute pour permettre aux locaux de virer en tête (20-17). Un résultat qu’ils parviendront donc à conserver avec une force de caractère exceptionnelle qui a procuré beaucoup de joie à cette nation du rugby trop peu souvent habituée aux succès dans la compétition.

Luke Cowan-Dickie, l’anti-héros dans le coeur des Anglais, s’est forcément excusé par la suite sur les réseaux sociaux :« Je veux m’excuser auprès de vous. Je vous ai laissés tomber, les gars. Chaque fois que je joue pour mon pays, je ne veux rien de plus que vous rendre fiers. Merci pour tout le soutien. J’ai hâte de rebondir la semaine prochaine ! « 

Le sélectionneur Eddie Jones n’a en revanche pas échappé aux critiques acerbes après ce revers douloureux. Le choix de remplacer Marcus Smith à la 64e minute ne passe pas auprès de nombreux observateurs d’outre-Manche. « Pourquoi sortir Marcus Smith alors qu’il apportait ce dont l’Angleterre avait besoin ? », s’est interrogé Daniel Schofield duTelegraph qui estime que son pays n’a plus vraiment joué après ce choix tactique. « Garder ses meilleurs joueurs sur le terrain, c’est la règle numéro 1 dans le sport. Il ne faut pas toucher à ce qui fonctionne. », a réagi Clive Woodward, ancien sélectionneur lui aussi souvent critiqué de l’Angleterre mais qui n’a pas joué la carte du soutien à la profession envers le technicien australien du XV à la Rose. « L’Angleterre aurait dû l’emporter mais a finalement perdu à cause des choix « mystiques » d’Eddie Jones », a encore ajouté Woodward.

Le sélectionneur australien de l'Angleterre n'a pas été épargné par les critiques de la presse après le fiasco de Murrayfield.
Le sélectionneur australien de l’Angleterre n’a pas été épargné par les critiques de la presse après le fiasco de Murrayfield.© iStock

Le joueur du match : Marcus Smith

Amené à remplacer au pied levé le métronome Owen Farrell, opéré aux chevilles et forfait pour ce Six nations, Marcus Smith a fêté sa 4e sélection avec une prestation de grande classe dans le temple de Murrayfield. Le nouveau joyau de la couronne anglaise, qui évolue au sein des Harlequins, a marqué 3 pénalités pour permettre à ses couleurs d’accrocher leurs hôtes en première mi-temps. A la 53e minute, il s’offrira le seul essai anglais, même si les deux points de transformation manqués pèseront finalement lourd dans la balance. Avant sa sortie jugée « incompréhensible » pour George Ford à la 64e, Smith avait marqué une autre pénalité qui avait permis aux Anglais de mener de sept points. Un joueur à revoir, mais qui s’annonce déjà une alternative à court terme et un successeur de grande qualité à long terme d’Owen Farell.

Irlande – pays de Galles 29-7

L’Irlande a envoyé un signal fort ce samedi sur sa pelouse de Dublin. Elle est prête à contester les rêves français de victoire dans le tournoi des Six nations. La victoire sans discussion contre le pays de Galles a en tout cas aiguisé l’appétit des joueurs au maillot vert. Vainqueurs des champions du monde néo-zélandais lors d’un test-match en novembre dernier, le quinze au Trèfle n’a laissé que très peu d’occasions à son adversaire gallois de marquer des points. Le peuple irlandais, qui avait rempli à ras bord les gradins de l’Aviva Stadium, a d’abord rendu hommage à Tom Kiernan, l’un de ses anciens joueurs qui a occupé ensuite le rôle de président de la Fédération. L’homme de 83 ans est décédé la semaine dernière.

Tadhg Beirne et Jonathan Sexton en ont fait voir de toutes les couleurs au pays de Galles.
Tadhg Beirne et Jonathan Sexton en ont fait voir de toutes les couleurs au pays de Galles.© iStock

L’Irlande a eu la mainmise sur le ballon pendant quasiment la totalité de la rencontre et la bande d’unJonathan Sexton , encore brillant ce samedi, a décroché le bonus offensif à l’heure de jeu après un 4e essai signé du 3/4 centre Garry Ringrose. Avant cela, Andrew Conway (44e, 51e) avait déjà coulé la défense galloise par deux fois, répondant au premier essai réussi dès les premières minutes par Bundee Aki, l’autre 3/4 centre du XV au Trèfle. Redoutables en mêlée, brillants pour contrer les touches et précis comme du papier à musique dans leur jeu offensif, les Irlandais viendront au stade de France sans crainte et avec beaucoup d’ambitions. Le tournoi des Six nations est devenu le terrain de jeu préféré des Diables verts, tenants du titre et vainqueurs à six reprises de la compétition depuis 2005.

On attendait en revanche beaucoup mieux des Gallois qui ont connu un véritable off day. Bousculés dans les duels, ils n’ont pas su ressortir les ballons proprement et ont été dominés tant dans la possession que dans l’occupation du terrain. Ils peuvent remercier un léger relâchement des joueurs locaux en toute fin de match qui a permis à Taine Basham d’inscrire l’essai de l’honneur entre les poteaux. De quoi atténuer la sévérité du score, mais pas le constat d’une rencontre à sens unique où le XV du Poireau a semblé aussi faible qu’une Italie, habituelle détentrice de la cuillère de bois.

Le joueur du match : Tadhg Beirne

On aurait évidemment pu choisir Jonathan Sexton, qui a encore montré qu’il tenait encore un niveau incroyable malgré ses 36 ans. Donnant le tempo, réussissant des passes dans toutes les positions, l’ouvreur a été un véritable maestro dans ce match. Mais, il y a un petit bémol. Habituellement précis sur les coups de pied arrêtés, Sexton a manqué deux pénalités et une transformation. Certes, le vent violent qui secouait Dublin explique en partie ces ratés, mais on profite de l’occasion pour mettre en avant un autre joueur: Tadhg Beirne. Le deuxième-ligne a été omniprésent dans la conquête et a porté un pack irlandais dévastateur. Un homme de l’ombre que les Français auront intérêt à bien tenir à l’oeil le week-end prochain.

France – Italie 37-10

Longtemps raillée, la France retrouve de sa superbe ces derniers temps sous la houlette d’un Fabien Galthié qui a hérité d’une jeune génération prometteuse et douée portée par un Antoine Dupont, nouveau meilleur joueur du monde. Mais malgré cet élan retrouvé, la France n’en reste pas moins la France, toujours susceptible de déjouer, surtout quand elle prend un adversaire par dessus la jambe. C’est ce qu’elle a un peu fait pendant 20 minutes contre une Italie habituée à encaisser les gifles depuis des années dans le Six nations. Mais malgré quelques petites alertes, les Bleus ont quand même puni les transalpins en leur passant cinq essais. Pour parvenir à se défaire d’un adversaire courageux, les Hexagonaux ont pu compter sur l’inspiration d’un Gabin Villière intenable sur son aile. Le joueur de Toulon s’est offert un triplé d’essais (40e, 49e et 80e) et s’est aussi proposé au soutien de ses partenaires comme sur le deuxième essai du match signé Grégory Alldritt.

Gabin Villiere était l'homme à tout faire ce dimanche contre l'Italie au stade de France.
Gabin Villiere était l’homme à tout faire ce dimanche contre l’Italie au stade de France.© iStock

Les Italiens avaient pourtant pris les devants dans ce match en inscrivant un essai dès la 6e minute de jeu par l’entremise de Tommaso Menoncello idéalement servi sur une ouverture au pied de Paolo Garbisi. Mais comme la Squadra n’a pas su tenir la distance, elle a relancé les Bleus quelques minutes plus tard avec une perte de balle de Varney qui a lancé involontairement Anthony Jelonch sur la voie de l’essai. Le premier essai de Villière juste avant la pause après une magnifique séquence de jeu démarrée depuis la ligne arrière aura eu raison des espoirs italiens qui craqueront ensuite totalement, comme souvent, lors du deuxième acte.

Le joueur du match: Gabin Villière

Même s’il se prénomme Gabin, Villière n’avait rien d’un singe en hiver ce dimanche sur la pelouse du stade de France. L’ailier de Toulon, qui revendique son jeu très fortement basé sur le physique, s’est rapidement mis en confiance dans le match en réceptionnant un ballon difficile alors qu’il était sous pression. Il a marqué son premier essai comme un pur ailier. Lors du second, il a remporté son duel avec le dernier défenseur avant de s’offrir un dernier déboulé tout en muscles dans les dernières secondes. On lui pardonnera bien une faute un peu stupide ou une mauvaise passe en touche. Gabin était bien celui qui avait vaincu le clan des Italiens, même si l’on soulignera aussi les prestations convaincantes de Damien Penaud et de Cyril Baille.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire