Jonas Creteur

« L’UCI et d’autres acteurs du cyclisme ont enfin compris. Mieux vaut tard que jamais »

Notre rédacteur Jonas Creteur observe comment l’UCI et les autres dirigeants/acteurs du cyclisme ont trouvé le chemin de la modernisation pour la nouvelle saison. Le film doit être vendu plus cher, et à plus de gens. « Le business du sport n’a jamais été aussi lucratif depuis la pandémie. »

« Les gens appréhendent chaque changement comme une altération, même quand il constitue une amélioration. Mais il faut persévérer, malgré cette résistance.» Ce sont les propos récemment tenus par Richard Plugge, le CEO de Jumbo-Visma, à NRC, à propos de la manière dont son équipe, qui était le vilain petit canard il y a sept ans, s’est muée en magnifique cygne qui a transformé le peloton du WorldTour, en remettant tout en question et en réfléchissant constamment. «Ce que je fais aujourd’hui ne sera plus assez bon demain.» À l’encontre du conservatisme inhérent au cyclisme.

L’UCI et d’autres acteurs du cyclisme ont enfin vu la lumière. Mieux vaut tard que jamais.

Ce conservatisme a régné trop longtemps à l’étage directorial des principaux acteurs du cyclisme, souvent divisés. Il a conduit à un modèle de business décousu, aux nombreux manquements. À un calendrier (WorldTour) surchargé et dénué de transparence. À un WorldRanking basé sur un système de points absurde. À une couverture télévisée hyper-classique, avec beaucoup trop peu de données. Sans plate-forme digitale ni réseaux sociaux susceptibles de séduire les jeunes amateurs de sport. Avec des organisateurs de courses qui vendent les droits TV chacun de leur côté, ne récoltant que des cacahuètes.

Mais il y a de l’espoir. Les acteurs contemporains sont dignes des Oscars, avec des stars charismatiques, hommes et femmes, comme Tadej Pogacar, Remco Evenepoel, Wout van Aert, Mathieu van der Poel et Annemiek van Vleuten. Encore faut-il vendre le film plus cher et à plus de personnes. Ou, pour reprendre les termes de Plugge: «Réveiller le géant endormi.» C’est le bon moment, car le business du sport n’a jamais été aussi lucratif depuis la pandémie. Tous sports confondus, les droits TV pesaient cinquante milliards d’euros en 2022 et leur valeur va encore augmenter, notamment parce que des plate-formes de streaming comme Apple TV, Amazon Prime, Disney+ et Netflix sont entrées dans la danse, pas seulement pour les droits de retransmission en direct, mais aussi pour du contenu exclusif, comme des documentaires. Drive to Survive a changé la donne en Formule 1 et ce sera sans doute le cas de la série documentaire que Netflix va consacrer cette année au dernier Tour de France.

Plus important encore, l’UCI et d’autres acteurs du cyclisme ont enfin compris. Mieux vaut tard que jamais. Grâce à l’insistance de Richard Plugge. Ces derniers mois, avec Patrick Lefevere, il a dirigé les réunions du groupe de réflexion One Cycling, qui ont réuni l’UCI, les équipes, les organisateurs et le syndicat des coureurs.

On y a discuté des manquements évoqués ci-dessus et, fait nouveau, on s’y est partiellement attaqué. En accordant la priorité à la sécurité et en revoyant les barèmes du WorldRanking 2023, en attribuant beaucoup plus de points aux grands tours, aux monuments, aux championnats du monde et aux Jeux Olympiques. Selon une devise: faire appel aux meilleurs acteurs pour les meilleurs films. En 2026, ça doit aboutir à une «UCI Champions League», avec un calendrier WorldTour aminci et sans chevauchements d’épreuves.

D’ici là, nous espérons qu’il y aura également une plate-forme en ligne globale, qui permette de générer plus de rentrées grâce à la consommation digitale du sport. Velon, l’association de (seulement) dix formations du WorldTour, lance cette année le Road Code, conçu grâce à la technologie controversée Web3/blockchain. Pour 99 euros par an, le «cycling’s first fan universe» vous donne accès à des données «exclusives» et à des récits en coulisse. Est-ce suffisamment intéressant pour inciter l’amateur moyen de cyclisme à débourser cette somme? L’avenir nous le dira.

Les tentatives de Velon et de One Cycling n’en sont pas moins dignes d’éloges. Comme le disait le philosophe grec Héraclite : «Le changement est la seule constante.» Il est indispensable si le cyclisme veut un jour se défaire de son statut de petit poucet dans le paysage sportif mondial. Ou au moins en devenir un petit géant.

Notre magazine évolue aussi: en plus de ce numéro, le cinquantième de l’histoire dédié au cyclisme (voir les unes dans les pages suivantes), nous publierons aussi un Guide du Giro, un Guide du Tour et un Spécial fin de saison en 2023. Bonne lecture!

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