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L’heure du départ

Plus de 48 années dans le journalisme, dont 28 dans la peau de rédacteur en chef. Il est temps de céder le témoin. Et dans un moment pareil, on prend le temps de se souvenir de quelques temps forts d’une carrière. On se demande par exemple si on exerçait encore, ces derniers temps, le même métier qu’il y a vingt, trente ou quarante ans. Par exemple, on a connu le temps, sur le Tour de France, où un membre de la rédaction prenait deux fois par semaine le train pour Paris, où il allait chercher dans les locaux du journal L’Équipe les films photos qui allaient être développés à Bruxelles. Chaque soir, les photographes qui couvraient la course les remettaient à un coursier qui les acheminait dans ces bureaux parisiens.

Fait-on encore le même métier qu’il y a vingt, trente ou quarante ans?

On a aussi connu la période où, en tant que journaliste débutant, on devait parfois s’enfermer dans une cabine minuscule, sans aucun luxe, pour retaper des textes qu’un collègue à l’étranger avait dictés. Il était impératif qu’il articule correctement, pour éviter les coquilles, mais ça ne se passait pas toujours bien. Et un bon fou rire collectif suivait alors! À l’époque, une rédaction était une équipe. Tout était permis, rien n’était imposé. Et les journalistes, pour la plupart, avaient grandi avec le sport qu’ils couvraient et ils l’adoraient.

Des souvenirs forts, on en a un nombre incalculable. Notre premier reportage par exemple. C’était lors de l’été 1974 et le Néerlandais Hans Croon entraînait Waregem. Juste avant le coup d’envoi d’un match de championnat contre le Standard, alors que l’équipe s’échauffait sur un terrain annexe, on a abordé Croon pour lui demander si une interview serait possible. Il nous a directement répondu que ce serait sans problème. Il a immédiatement appelé sa femme et lui a demandé de préparer un bon plat à base de fromage. Pour lui, ce serait plus sympa comme ambiance pour faire une bonne interview.

Jacques Sys
Jacques Sys © belga

En un peu moins d’un demi-siècle, près de 5.000 reportages ont été au programme. On a rencontré EddyMerckx chez lui à Tervuren et on a été surpris ce jour-là de découvrir un champion aussi humble. On est allé chez Jean-Pierre Papin, avant sa signature à Bruges. Il habitait avec sa femme et son gamin dans un petit studio de la très triste Valenciennes. Quand, des années plus tard, il a été sacré meilleur joueur étranger de l’histoire du Club, il n’avait pas oublié ce moment passé ensemble. Pendant longtemps, les sportifs d’élite ont été approchables. Ils disaient ce qu’ils pensaient. C’était l’époque où les responsables de la communication n’existaient pas. Pas plus que les déclarations prémâchées.

On a eu, sur notre route, pas mal de défis. Des Coupes du monde, des Championnats d’Europe. Toujours avec le même objectif: pondre des reportages qui ne seraient pas dans les quotidiens. Il y a eu la Coupe du monde 2006 en Allemagne, un conte d’été parce que l’Est et l’Ouest s’étaient réunifiés. Il y a eu la Coupe du monde 2010 en Afrique du Sud où on a été confronté au fossé gigantesque entre riches et pauvres. Ou encore l’EURO 2012 en Pologne et Ukraine, quand on a bossé au milieu de milliers de touristes qui se baladaient gaiement dans Kiev et Lviv, deux villes bombardées dix ans plus tard.

Bien sûr, on ne peut pas éternellement se plonger dans le passé et son romantisme. Les médias sont à l’image de la société, tout doit toujours aller plus vite. On n’a plus le temps pour réfléchir, pour argumenter, pour analyser. Il y a un nivellement, né de la chasse aux scoops.

Depuis des dizaines d’années, ce magazine se distingue sur ces plans-là parce que nous avons toujours pris le temps de creuser. Ça ne pas va changer. À partir d’octobre, c’est Bart Aerts qui aura la responsabilité rédactionnelle du magazine. Dans un monde des médias en constante évolution, avec son regard frais, il lui donnera une nouvelle impulsion et continuera à développer le côté multimédia. Aidé par la force du groupe Roularta. Ce magazine restera ainsi une référence dans le monde du sport.

Portez-vous bien.

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