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L’anti-showbies

Coureuse inlassable et taulière discrète des Red Flames, Julie Biesmans est un peu le genre de joueuse qu’on remarque surtout quand elle n’est pas là. Portrait d’un couteau-suisse avide de kilomètres.

Il paraît que jadis, Marc Wilmots écrivait en premier le nom d’Axel Witsel sur sa feuille de match au moment de coucher son onze diabolique. Ives Serneels fait-il de même avec Julie Biesmans? On ne sait pas si le sélectionneur des Red Flames a placé le Taureau de Dongelberg parmi ses mentors. Ce qu’on sait en revanche, c’est qu’il y a bien un peu de Witsel en Biesmans, l’infatigable numéro 20 noir-jaune-rouge. Et pas uniquement parce que la milieu de terrain a elle aussi passé des années au Standard à l’époque où l’entité rouche dominait le football belge.

Avec son sens de l’infiltration, son passing exceptionnel et sa lecture du jeu, on pourrait la rapprocher d’un Vanaken.» Cécile De Gernier, ancienne coéquipière au Standard

«C’est vrai que comme lui, elle est très utile à son équipe grâce à la simplicité de son jeu et aux kilomètres qu’elle enquille, y compris sans le ballon. Elle apporte de l’équilibre au collectif grâce à son abattage», analyse Imke Courtois, ex-internationale aujourd’hui consultante pour Sporza. «Même au niveau caractère, ils se ressemblent un peu: ce sont des gens qui ont la tête sur les épaules. Tu retires toujours quelque chose d’intéressant d’une conversation avec eux», surenchérit Cécile De Gernier, son homologue francophone sur la RTBF. «En fait, avec son sens de l’infiltration, son passing exceptionnel et sa lecture du jeu, on pourrait également la rapprocher d’un Hans Vanaken», poursuit la comparse de Lise Burion.

La discrète

Yana Daniëls, qui a côtoyé Julie au cours de leurs études puis à Bristol durant la saison 2017-2018, y va elle d’une comparaison plus mécanique. «C’est un vrai Hoover (une marque d’aspirateurs, ndlr): elle aspire et nettoie tout. Tu lui donnes la balle et elle effectue des tâches que personne ne va remarquer.»

C’est peut-être là la marque de fabrique de Biesmans: son importance n’apparaît jamais plus que quand elle n’est plus là pour s’engouffrer dans les espaces, conserver et gratter les ballons. Pas spectaculaire, mais élégante, régulière et surtout précieuse, Biesje, pour les intimes, dispose d’un style de jeu qui colle parfaitement à sa personnalité: généreuse, mais discrète. «C’est vrai que je ne suis pas super à l’aise quand l’attention se porte sur moi», confirme cette jeune femme de 28 ans dont l’humilité est inversement proportionnelle à son engagement sur le terrain. Et qui est aujourd’hui incapable d’égrener son propre palmarès (une quinzaine de trophées en Belgique, plus une Coupe des Pays-Bas avec le PSV tout de même). «Je préfère travailler pour le groupe. Je laisse aux autres le soin d’être le visage de l’équipe à la télé ou sur le terrain», ajoute cette fidèle lieutenant, une «perle pour n’importe quel coach», dixit De Gernier.

Pour Serneels, par exemple, qui la cuisine un peu à toutes les sauces chez des Flames avec lesquelles elle cumule plus de dix ans de service, deux EUROS et une centaine de caps. Sous le maillot national, elle évolue en tant que numéro 6, défenseuse centrale voire excentrée sur la gauche de la ligne médiane. «À choisir, je préfère toutefois être dans l’axe au milieu, car je peux alors prendre des mètres, boucher les trous. J’adore ça», dit cette infatigable marathonienne, qui préfère se positionner en fonction des autres et les guider sur le pré comme en dehors. Une leadeuse naturelle qui «n’a pas besoin de beaucoup de mots pour se faire comprendre et se soucie des gens qui l’entourent», précise Daniëls à propos de la vice-capitaine de la sélection. «Même si sur le terrain, peut-être devrait-elle être plus grande gueule», questionne toutefois De Gernier…

Une ado au Standard

Cette absence d’ego, peut-être lui vient-elle de cette ascension express qui la voit passer en 2008 de son club de Bilzen, sa ville natale où, gamine, elle tape le cuir avec Pieter Gerkens et Thibaut Courtois, au Standard alors qu’elle n’a encore que quatorze ans. Une situation complexe pour cette ado «timide», mais qui se révèle salutaire. «J’étais la petite au milieu de joueuses plus âgées qui m’ont beaucoup aidée. Avec elles, je n’avais pas le choix: je devais m’élever à leur niveau. Le tout dans une autre langue en plus, même s’il y avait des néerlandophones. Mais ça m’a endurcie mentalement et ça m’a permis de devenir plus forte dans les duels.»

Passée une saison chez les jeunes et une autre à cirer le banc pour ne pas se brûler, Biesmans prend finalement ses marques au sein du milieu d’un Standard qui est à l’époque la référence au niveau féminin. Avec en point d’orgue cette folle saison 2014-2015, à l’issue de laquelle les Rouches remportent la BeNeLigue devant les mastodontes néerlandais. «C’était de belles années!», rembobine Julie. «Il y avait plein de supporters dans le stade. C’est la preuve que si tu mets vraiment les moyens dans le foot féminin, eh bien ça marche!»

La vie hors du foot…

2017 marque un tournant dans le parcours de Biesmans, qui sort d’un bail de neuf ans à Liège. Son diplôme en sciences de l’éducation de la KUL en poche, elle file à l’anglaise du côté de Bristol dans la foulée d’un EURO 2017 qui lui fait comprendre qu’il y a peut-être un coup à jouer dans l’univers professionnel. Là-bas, elle prend du muscle, acquiert de l’assurance et surtout un paquet d’expérience dans un championnat où tout va plus vite. «J’ai aussi appris à me battre contre la relégation. Dans la tête, ça blinde», explique-t-elle.

Ses courses folles l’emmènent finalement au PSV dès 2019, la faute à un mal du pays qui finit par la ronger dans le sud-ouest de l’Angleterre. Un club ambitieux, où la section féminine bénéficie d’un accompagnement optimal et qui surtout permet à Biesmans de se réinstaller près de ses proches en Belgique. Car même en étant passionnée, Julie n’a pas que le foot dans la vie. «C’est quelqu’un d’instruit, qui est conscient du monde extérieur», confirme Imke Courtois. Allergique à l’injustice, elle va jusqu’à mettre sa discrétion de côté pour devenir l’ambassadrice de Plan International, une ONG qui vise à améliorer les conditions de vie des femmes à travers le monde, et de Think Footure, une asso qui promeut la pratique du football chez les filles.

«Profondément gentille», «intelligente», fausse lente mais vraie sympa, Julie Biesmans est avant tout un monument du football belge. Et tant pis si ça la gêne…

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