© GETTY

Thorgan Hazard: « On restera une équipe joueuse jusqu’à la fin »

On a réussi à faire une interview de Thorgan Hazard sans le bassiner avec des questions sur son frère. Parce qu’il le vaut bien.

Des crampes en fin de match contre le Danemark. Et l’impasse sur le match à Saint-Pétersbourg contre la Finlande pour soigner à Tubize un bobo au genou. Pas de doute, la machine souffre après une saison compliquée sur le plan physique. Mais Thorgan Hazard est dans le coup. Deux matches (quasi) complets sur le terrain pour commencer cet EURO, c’est fait. Un but aussi, contre les Danois. Au bout du mouvement parfait pour égaliser, initié par Romelu Lukaku tout en puissance et prolongé par Kevin De Bruyne tout en finesse, il y avait son pied gauche. Pour un septième but en 37 matches. Pas mal pour un gars qui, dans le couloir gauche qu’il occupe seul, doit tout faire… Justement, la conversation commence sur ce thème. Lâche-toi, frérot.

Je fais souvent partie des joueurs qui parcourent le plus de kilomètres, aussi bien avec Dortmund qu’avec l’équipe nationale. »

Thorgan Hazard

Ton entrée dans le tournoi, elle te convient?

THORGAN HAZARD: Ça va, je crois qu’il y a pire, hein… Et il ne faut pas oublier que je joue à une position difficile. Ce rôle de wingback est complexe. Il faut à tout moment essayer d’être là offensivement, mais il faut aussi bien défendre avec la défense. Et jusqu’ici, je trouve que je me suis bien débrouillé.

Tu n’as pas été surpris d’être titulaire pour les deux premiers matches?

HAZARD: Pas trop. Ça fait un petit moment que le coach me donne beaucoup de temps de jeu à cette place-là. Forcément, j’espérais être titulaire pour le début de l’EURO. Avec Dortmund, la saison a été assez difficile, j’ai eu des blessures, mon temps de jeu ne correspond sûrement pas à ce que j’espérais. Mais en équipe nationale, chaque fois que je suis revenu depuis la fin de ma dernière blessure, j’ai joué.

Le plus difficile à ce poste, c’est de ne pas oublier le travail défensif?

HAZARD: Non, justement, ceux qui jouent là sont focus sur le boulot défensif. Que ce soit Yannick Carrasco, Nacer Chadli ou moi. Parce que le coach met beaucoup l’accent là-dessus. Le plus difficile, c’est d’être encore frais sur les phases offensives. Tu dois être présent dans ta surface pour défendre, tu dois être présent dans l’autre surface pour attaquer. Dans ce système, c’est la position qui demande le plus d’efforts. Mais ça va, j’ai toujours aimé courir!

« Ton corps doit s’habituer à un enchaînement de blessures »

Tes stats en kilomètres parcourus sont fort différentes de celles dans les matches où tu joues à une autre place?

HAZARD: Pas trop parce que je fais souvent partie des joueurs qui parcourent le plus de kilomètres, aussi bien avec Dortmund qu’avec l’équipe nationale. Même quand je joue comme attaquant en club, je bouge beaucoup, je tourne en général à une moyenne de onze à douze kilomètres. Contre la Russie, j’étais à 11,2. Contre le Danemark, je ne sais pas, mais j’ai eu des crampes, ça veut dire que j’étais bien fatigué.

Il y a chaque fois un debriefing là-dessus?

HAZARD: En équipe nationale, on en discute avec la personne qui gère les datas. On voit combien de kilomètres on a faits, combien de sprints,… À Dortmund, on nous envoie les chiffres après chaque match.

Quand tu t’es écroulé à cause des crampes en fin de match contre le Danemark, les supporters t’ont sifflé parce qu’ils croyaient que tu cherchais à gagner du temps…

HAZARD: Je peux te dire que ce n’était pas de la simulation… (Il rigole). Ça a commencé dans le mollet droit, puis dans le gauche. Le risque de crampes est plus important quand tu n’enchaînes pas les matches, et ça a été mon cas cette saison. Si tu joues chaque semaine, normalement tu n’as pas le problème. J’ai eu des blessures, je revenais, puis je retournais sur le banc, je me blessais encore, c’était difficile et ton corps doit s’habituer à ça. C’est pour ça que c’est bien de finir les matches, même avec des crampes. Ça permet au corps d’être mieux préparé pour les matches suivants.

Thorgan Hazard, buteur contre le Danemark:
Thorgan Hazard, buteur contre le Danemark: « On ne m’a jamais vraiment donné l’occasion de brûler les étapes. »© BELGAIMAGE

« Je n’ai pas bien géré mes pépins physiques »

Tu as dit récemment que tes blessures cette saison n’avaient pas que des aspects négatifs, que ça t’avait permis de mieux connaître ton corps. C’est-à-dire?

HAZARD: C’était la première fois de ma carrière que j’avais des blessures musculaires. À 28 ans. Pas mal. Tu as des joueurs qui commencent à en avoir à 18 ou 19 ans. Mais je ne savais pas comment réagir. Quand ça ne t’est jamais arrivé, tu sens un petit truc, mais tu ne sais pas si tu peux continuer à tout donner. Ou si tu dois t’arrêter. Je n’ai pas bien géré. J’ai voulu reprendre très vite avec le groupe. Après ma troisième blessure, j’ai fait un seul entraînement et j’ai dit que je voulais bien être dans le groupe pour le match du week-end. C’était une erreur, j’aurais dû me réentraîner au moins une semaine avant de reprendre.

C’est quand même plus le rôle des médecins et des kinés de gérer ça, non?

HAZARD: Ça n’a pas été bien géré, mais Dortmund était en panne d’attaquants. Erling Haaland et Youssoufa Moukoko étaient blessés. Il fallait vite un attaquant. Vu que je m’étais entraîné la veille, ils ont cru que j’étais prêt. Moi aussi. Je suis rentré, et après quelques minutes, je me suis à nouveau déchiré le même muscle. C’était reparti pour deux mois. Ce sont des choses qui ne m’arriveront plus, maintenant je prendrai mon temps. C’est ce que j’ai voulu dire quand j’ai dit que je connaissais mieux mon corps.

Devenir un vrai attaquant, c’est gai pour toi, non?

HAZARD: Globalement, j’aime bien changer régulièrement de poste. Aller à gauche, à droite, en numéro 10, devant. Depuis que je suis petit, mes coaches font ça avec moi et ça me plaît. Ça m’a permis d’apprendre pas mal de trucs dans des rôles fort différents. Il y a quelques années, quand on m’a demandé si j’avais envie de jouer wingback, je n’ai pas hésité. J’ai déjà fait ça avec Dortmund aussi. Tout ce que je veux, en fait, c’est être sur le terrain.

« J’ai quitté ‘Gladbach pour gagner quelque chose »

À Dortmund, tu es pour la première fois dans un club qui vise des trophées. C’est différent comme pression? Ce n’est plus une équipe qui veut gagner, mais une équipe qui doit gagner.

HAZARD: J’ai quitté Mönchengladbach pour gagner quelque chose. Et ça marche puisque cette année, on a eu la Coupe d’Allemagne. Quand tu joues à Zulte Waregem ou à ‘Gladbach, tu sais que c’est peu probable. Même si on est passés tout près du championnat et de la Coupe avec Waregem.

Un Soulier d’Or, ça console?

HAZARD: Oui, mais ce n’est pas la même chose qu’un prix collectif. La Coupe d’Allemagne avec Dortmund, c’est mon tout premier trophée. Je l’ai soulevée cette Coupe, c’était une sensation que je ne connaissais pas. Et ça donne envie d’en avoir beaucoup d’autres!

Le fait que tu sois entré quand le match était plié, ça change quelque chose, ça a rendu ta soirée moins belle?

HAZARD: Pour moi, c’est un détail. Le plus important, c’est de gagner. Évidemment, ça aurait été plus chouette de commencer la finale, mais le coach m’avait bien expliqué son choix. Il m’avait dit que c’était difficile pour lui de me mettre sur le banc parce que je venais d’enchaîner plusieurs bons matches, mais Haaland rentrait de blessure et il y avait aussi des explications tactiques. Quand tu gagnes ta finale, tu oublies vite que tu n’étais pas dans l’équipe qui a commencé.

« Tu vis un tournoi autrement quand tu es réserviste »

En quoi la Coupe du monde t’a aidé pour être bien dans cet EURO?

HAZARD: La Coupe du monde était différente pour moi parce que je ne l’ai pas vécue comme titulaire. Je n’ai commencé qu’un match, j’étais plus dans un rôle de soutien, pour supporter l’équipe. Je devais être prêt au cas où on aurait eu besoin de moi, j’étais là pour dépanner et pour pousser les titulaires à être encore plus performants.

L’état d’esprit n’est pas le même quand on sait qu’on ne va pas beaucoup jouer?

HAZARD: Tu vis les choses différemment. Quand tu joues, tu es au repos le lendemain d’un match, et le jour d’après, tu ne t’entraînes pas trop. À la Coupe du monde, comme je ne jouais pas, je devais m’entraîner à fond tous les jours, je n’étais pas dans la récupération comme les titulaires. Physiquement, tu dois gérer ça d’une autre façon. Mais dans la tête, c’est la même chose.

Les gros matches à élimination directe dans cet EURO, vous les gérerez différemment par rapport à la Coupe du monde, par rapport à la demi-finale contre la France?

HAZARD: C’est difficile à dire, on n’a pas encore abordé la question, c’est le coach qui décidera. Entre-temps, il faut simplement qu’on monte en puissance.

Youri Tielemans nous a dit que vous seriez moins naïfs et plus tueurs qu’à la Coupe du monde. Tu es d’accord?

HAZARD: Ce n’est pas ce que Roberto Martínez nous a dit jusqu’à maintenant, en tout cas. On gère chaque match à sa façon, on a abordé la Russie comme ça, le Danemark d’une manière un peu différente, puis il y a eu des adaptations contre la Finlande. À partir des matches à élimination directe, l’approche sera encore différente parce que là, tu n’as plus droit à l’erreur, tu es obligé d’être intelligent. Ce qui est sûr, c’est qu’on a une équipe joueuse et qu’on le restera jusqu’à la fin. Je pense que c’est aussi pour ça que les gens aiment bien la Belgique. Parce qu’on aime attaquer, marquer beaucoup de buts. Si on peut gagner en étant beaux, c’est magnifique.

Le rôle de wingback est complexe. »

Thorgan Hazard

Et gagner en étant moches, ça irait aussi, pour toi?

HAZARD: Gagner en n’étant pas beau, c’est gagner quand même. Et c’est quand même d’abord ça qui compte. Si on gagne l’EURO en jouant mal, tous les Belges seront contents, surtout que ce serait la toute première victoire dans un tournoi. Et puis la manière, on l’oublie.

Pas sûr! Trois ans plus tard, tout le monde se souvient encore que la France a été championne du monde en ne jouant pas bien.

HAZARD: Les Français ne disent pas ça… Ils ont gagné la Coupe du monde, donc pour eux ils ont raison. Quand tu gagnes, tu gagnes, on oublie comment tu as joué.

« Bizarrement, personne ne s’est énervé à la mi-temps au Danemark »

Le pressing haut comme tu le connais à Dortmund et en équipe nationale, c’est possible de le faire pendant tout l’EURO, après une saison aussi longue et usante?

HAZARD: Oui, mais tu ne peux pas le faire dans tous les matches avec chaque fois les mêmes joueurs. Parce que ça demande énormément d’énergie. Il reste maximum quatre matches, il faut tous les jouer à fond, et si un joueur est fatigué, il doit le dire au coach. Il ne faut pas être bête, il faut être honnête et reconnaître qu’on a besoin de souffler à certains moments.

On a besoin de nos meilleurs joueurs, c’est la leçon que tu tires du match contre le Danemark?

HAZARD: On le savait. Pour aller loin dans un tournoi, tu as forcément besoin des meilleurs au top de leur forme.

Qu’est-ce qui s’est dit dans le vestiaire à la mi-temps?

HAZARD: On est rentrés avec le sentiment qu’on n’y arrivait pas et qu’il fallait changer quelque chose. J’étais à côté de Romelu Lukaku en marchant vers le vestiaire, je lui ai dit: On doit surtout rester calmes. Bizarrement, personne ne s’est énervé. Le coach a pris calmement la parole et il nous a expliqué ce qu’il fallait modifier. C’est sûr que les entrées de Kevin De Bruyne, Axel Witsel et Eden nous ont apporté quelque chose, on a commencé à plus contrôler, on a su trouver les espaces, sortir de défense. Ce qu’on n’avait pas su faire en première mi-temps. Maintenant, les Danois ont fait une toute grosse mi-temps et ils se sont un peu fatigués, on savait que ce serait difficile pour eux de tenir ce rythme, on était persuadés qu’avec leur fatigue, on aurait d’office plus de possibilités. Ils ont commencé à être un peu en retard alors qu’en première mi-temps, on avait l’impression qu’ils jouaient à douze.

Thorgan Hazard:

« Je m’éclate en Allemagne »

Comment tu vois ton évolution en club? Tu n’as jamais brûlé les étapes.

THORGAN HAZARD: Parce qu’on ne m’a jamais vraiment donné l’occasion de les brûler (Il rigole). C’est vrai que je suis allé à mon rythme, progressivement. J’ai fait des choix de carrière intelligents avec mon entourage. J’ai commencé sur le banc en Ligue 2, je suis maintenant dans un club qui joue la Ligue des Champions et vient de gagner la Coupe d’Allemagne. Je ne pouvais pas rêver mieux.

Tu sais que si tu restes à Dortmund, tu ne seras jamais champion d’Allemagne…

HAZARD: Ce n’est pas vrai! L’objectif, c’est de détrôner le Bayern. Ça a failli réussir il y a deux ans, Dortmund avait une dizaine de points d’avance à mi-chemin et a fini à seulement deux points. La preuve que c’est jouable. C’est clair que je n’ai pas choisi la facilité pour ça, mais si tu es une fois champion avec Dortmund, c’est quelque chose que tu dois vivre.

Tu peux imaginer finir ta carrière sans avoir joué en Angleterre?

HAZARD: Oui, sans problème. Peut-être qu’un jour, j’aurai envie de découvrir la Premier League, mais là, je vais commencer ma huitième année en Allemagne et c’est un championnat que j’adore. J’aime tout: le foot, les stades, l’ambiance, la qualité de vie.

Et leur sens de la discipline?

HAZARD: Il y a des joueurs qui n’aiment pas, mais moi, ça me plaît. J’ai eu des petits soucis au début, quelques amendes parce que je n’avais pas encore compris le système. J’ai dû payer pour m’être pointé à l’entraînement avec des chaussettes de la mauvaise couleur, pour avoir porté une casquette. Après, je me suis vite adapté. Les joueurs qui n’acceptent pas tout ça, c’est mieux pour eux de partir. J’en ai vu qui ne pouvaient pas fonctionner dans le système allemand.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire