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Santini : « On doit s’arracher pour gagner cette Coupe »

Pierre Danvoye
Pierre Danvoye Pierre Danvoye est journaliste pour Sport/Foot Magazine.

Ivan Santini a signé au Standard pour toucher des trophées. Maintenant que c’est mort en championnat, il reste le rendez-vous du Stade Roi Baudouin. « Une semaine, c’est bien assez pour se regonfler pour un match pareil. »

Ivan Santini est partagé entre les émotions. D’un côté, la terrible gueule de bois qui suit la déroute à Malines et la perspective de matches de play-offs 2 dont tout le monde se fout. De l’autre, la finale de la Coupe de Belgique, son retour confirmé dans l’équipe de base, les buts qu’il a marqués ces dernières semaines et sa paternité récente – Ivan et Ivana ont accueilli Iva…

Le Croate n’a rien d’un extraverti. Le sourire reste timide, le ton est posé, le débit est lent. Rien à voir avec l’attaquant qui, par moments, se transforme en déménageur dans les rectangles. Pour expliquer sa saison, il commence par une anecdote qui illustre toute la difficulté de ses premiers mois à Liège.

IVAN SANTINI : Tu sais que j’ai joué un match avec la Réserve ? Oui, avec la Réserve. Je n’avais jamais connu ça depuis mon arrivée en Belgique. Et ce n’est pas pour ça que je suis venu au Standard.

C’était une décision du coach ?

SANTINI : Oui. J’aurais pu refuser. Mais j’ai accepté. A la limite, ça me faisait plaisir. C’était à une période où je ne jouais pratiquement plus. Je passais mon temps en tribune, sur le banc, au mieux j’avais quelques minutes de jeu. Donc, ça me convenait de rejouer, même dans un match sans enjeu et sans public. C’était Saint-Trond en face, on a gagné, j’ai marqué. Et j’aurais été prêt à prolonger l’expérience. Pour moi, ça pouvait me permettre de retrouver les sensations et la confiance.

« LE MEILLEUR EN BELGIQUE, C’EST DEPOITRE »

Comment vis-tu les périodes où tu ne marques plus ?

SANTINI : Il y a des attaquants qui ont besoin de mettre beaucoup de buts pour se sentir bien. Moi, je peux trouver le bonheur dans d’autres choses. Bien garder des ballons chauds, donner des passes dangereuses, gagner beaucoup de duels, bien défendre. Certains attaquants ne font qu’attendre dans le rectangle. S’ils ne reçoivent pas de bonnes passes, ils ne marquent pas et leur match est un échec personnel. Ils ont été inutiles. Chez moi, ça arrive rarement parce que je gère toujours quelques autres missions que la finition ! Dans chaque match, je bosse !

Luigi Pieroni, par exemple, estime que tu bosses trop, que tu fais un trop gros travail défensif, que ça t’enlève de la fraîcheur, que ça t’empêche de marquer plus.

SANTINI : Il y a pas mal de gens qui me disent ça. Mais c’est plus fort que moi. Même si le coach ne me le demande pas, je m’impose instinctivement un boulot défensif. Dès que je vois un début de contre-attaque pour l’adversaire, j’ai peur qu’il aille marquer au bout de l’action. Et donc, j’essaie de l’arrêter.

Quitte à être un peu fatigué au moment où tu auras une belle occasion…

SANTINI : Peut-être. Mais je vois ça aussi comme un investissement. Physique. Courir beaucoup, je sais que ça me permettra d’être plus fort dans les matches suivants. Si je peux adapter mon corps à la répétition des efforts, ce sera bon pour mon développement.

Tu sais combien de kilomètres tu cours sur un match ?

SANTINI : Pas exactement mais je crois que ça doit être assez énorme. Je dirais une bonne douzaine si on me laisse sur le terrain jusqu’à la fin du match. Mais bon, ce n’est pas arrivé souvent cette saison… (Il rigole). Je n’ai pas l’intention de changer mon style de jeu. Quand je vois que le meilleur attaquant du championnat fait la même chose, ça me rassure…

C’est qui ?…

SANTINI : Aucun doute là-dessus, c’est Laurent Depoitre. Si tu arrives à le stopper, tu as fait 60 % du boulot contre Gand ! S’il courait moins, il marquerait encore plus. Mais en courant autant, il met une pression infernale sur la défense adverse. Si je suis le coach des Diables Rouges, je le prends à coup sûr à l’EURO.

« JE SUIS CONTENT DE MA SAISON »

En quelques semaines, tu es bien revenu au classement des buteurs. Il a quelle importance pour toi ?

SANTINI : Franchement, c’est un truc qui ne m’obsède pas. La saison passée, j’ai fini deuxième de ce classement, sans jamais penser à la première place.

Mais ce trophée, c’est une vitrine, un super argument pour aller plus haut !

SANTINI : Je n’en suis pas persuadé. Pendant ma première année à Courtrai, j’ai mis une quinzaine de buts. Tu sais ce que j’ai reçu comme offres à la fin de cette saison-là ? Rien ! Sans doute parce que c’était Courtrai. Ici au Standard, alors que je jouais peu, au premier tour, un club comme l’Atalanta a proposé de me prendre en janvier. Parce que c’est le Standard.

A ce moment-là, ton agent a reconnu qu’il cherchait une solution pour toi.

SANTINI : Lui peut-être, moi pas… La solution que j’avais dans la tête, c’était le Standard et rien que le Standard.

Tu es le seul vrai attaquant qui marque. Mohamed Yattara s’est planté, Renaud Emond souffre, Benjamin Tetteh est encore un peu tendre.

SANTINI : Tu as besoin de rester sur le terrain pour marquer. Il faut qu’on te laisse, même si ça ne veut pas rentrer pendant plus ou moins longtemps. Et ça, c’est possible avec Courtrai, mais pas avec le Standard. Mais je ne me mets pas la pression. J’ai déjà dix buts, plus un en Europa League. Et je n’ai pas tiré un penalty ! Sur un plan purement personnel, je suis satisfait. C’est ma première saison dans un nouveau club, une nouvelle ville. Il faut s’adapter. Je viens d’un plus petit club, d’une plus petite ville, d’un endroit où la pression n’était pas comparable.

Sur le papier, Edmilson et Matthieu Dossevi sont capables de te donner plein de bons centres que tu n’auras plus qu’à reprendre de la tête. Mais on voit peu ça.

SANTINI : Tu as raison. Prolonger les centres dans le but, c’est ma qualité. Je suppose que ça viendra. S’il n’y en a pas beaucoup jusqu’ici, c’est sans doute parce que Dossevi et Edmilson adorent jouer, dribbler, aller en un contre un et finalement tirer eux-mêmes.

« LE RECTANGLE, C’EST MA MAISON »

Tu as marqué tous tes buts entre le point de penalty et le petit rectangle…

SANTINI : C’est possible. Tu trouves ça étonnant ? Je t’avoue que moi, je m’en fous un peu. Un but, c’est un but. Qu’il soit beau ou pas, il rapporte la même chose. Je sais que je pourrais tenter plus souvent ma chance de l’extérieur du rectangle. C’était déjà comme ça à Courtrai. Mais c’est instinctif. Le rectangle, c’est ma maison.

Quand tu as signé, tu as dit que la grande différence entre le Standard et Courtrai, c’est que le Standard allait jouer le titre…

SANTINI : Personne ne s’attendait à ce que la saison commence aussi mal. Maintenant, il faut s’arracher pour gagner la Coupe. C’est aussi un titre.

Vous avez une semaine pour préparer la finale parce que vous avez dû batailler jusqu’au bout pour aller aux play-offs, et vous avez fini par passer à côté. A Bruges, tout baigne, ils peuvent penser à ce match depuis un bon moment et ils ont pu laisser souffler des joueurs. Ça ne risque pas de peser ?

SANTINI : Une semaine, c’est bien assez. Et je ne m’occupe pas de ce que Bruges peut faire ou ne pas faire.

NOSTALGIQUE DU DINGO CHEVALIER

Johan Walem m’a dit que Teddy Chevalier et Ivan Santini, c’était le meilleur duo d’attaquants en D1 la saison passée.

SANTINI : Il a raison, non ? A nous deux, on a mis près de 30 buts. Et on a donné plein d’assists. Tu vois un autre couple d’attaquants qui a fait aussi bien ? Les chiffres parlent. On se comprenait les yeux fermés.

C’était quoi, le secret ?

SANTINI : Football needs time ! On a joué deux ans côte à côte, il n’y a pas de secret. Tu ne peux pas attendre que je sois déjà aussi bon au Standard après six mois. Avec Chevalier, on travaillait beaucoup ensemble à chaque entraînement. Je savais où il allait donner le ballon, il savait ce que j’allais faire. Et c’était purement du body language parce qu’il ne parle pas anglais, et moi je ne parle pas français.

Chevalier – Santini, c’était quand même un peu le dingo et le sage, non ?

SANTINI : Je crois que tu as raison. (Il éclate de rire). A bit crazy but a good guy deep inside… Chevalier, par exemple, il parle avant de réfléchir. C’est un réflexe. Ça sort tout seul. Et il s’en fout complètement si ça doit déplaire. Ça sort, boum !

Tu vois un joueur qui pourrait faire au Standard ce que Chevalier faisait pour toi à Courtrai ?

SANTINI : Oui, Dossevi doit pouvoir le faire. Mais on ne peut pas comparer les deux équipes. A Courtrai, tous nos coéquipiers savaient où ils pouvaient nous trouver, Chevalier et moi, pour conclure. Ici, c’est plein de bons joueurs qui savent faire eux-mêmes une action. Donc, c’est normal que les buts soient davantage répartis.

Par Pierre Danvoye

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