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Royal Sporting Kompany Anderlecht

Thomas Bricmont

Le contrôle sur Anderlecht par Vincent Kompany est désormais officialisé depuis dimanche dernier. Retour sur un coup médiatique sans précédent.

On comprend mieux aujourd’hui la formule  » Je contrôle Anderlecht.  » Jeudi 15 novembre 2018, deux heures après le succès de la Belgique face à l’Islande (2-0), Vincent Kompany, accompagné de Dedryck Boyata, retrouve quelques amis au Garnet’s, un bar qui longe la rue de la Loi, en plein quartier européen, et dont l’un des propriétaires n’est autre que son pote et ancien coéquipier, Anthony Vanden Borre.

Kompany et les supporters mauves. Vinnie débarque tel un sauveur au milieu d'un club en perdition.
Kompany et les supporters mauves. Vinnie débarque tel un sauveur au milieu d’un club en perdition.© BELGAIMAGE

Ce soir-là, Kompany confie à ses proches  » contrôler Anderlecht.  » Trois jours plus tôt, le lundi 12 novembre, l’enfant de la maison mauve profite de la trêve internationale pour retourner chez lui à Neerpede et rencontrer Marc Coucke.

Le néo-président anderlechtois, qui connaît des premiers mois chahutés (la suite sera bien pire), profite du passage du capitaine des Citizens pour graver l’instant sur les réseaux sociaux avec le message suivant :  » Jeudi, c’est la fête du Roi, mais aujourd’hui, nous accueillons déjà notre prince !  »

Hein Vanhaezebrouck est également sur la photo, à droite du futur joueur-manager du Sporting Kompany. Dès cet instant, l’idée d’un retour de l’enfant prodigue germe dans le cerveau de Coucke. Mais on en est encore très loin.

Le clan Kompany a, lui, déjà posé ses valises depuis plusieurs mois. Son agent historique, Jacques Lichtenstein est à la source du rachat du club, organisant en octobre 2017, avec son associé, Peter Verplancke, une rencontre décisive entre Marc Coucke et Michael Verschueren.

Quatre ans plus tôt, c’est dans la loge du capitaine de Man City que les deux hommes se rencontrent une première fois, toujours à l’initiative du duo d’agents.

Disrespect

En novembre 2017, le futur est encore flou pour Kompany. Seule certitude, et malgré l’accumulation des blessures, l’ambition de jouer encore deux ans au plus haut niveau.

L’arrivée d’ Aymeric Laporte, en janvier 2018, est un signe qui ne trompe pas. Captain Kompany ne représente pas l’avenir. Si l’homme est devenu une icône pour le peuple skyblue, qui lui voue un véritable culte, Kompany ne reçoit pas le respect attendu en retour de ses dirigeants.

Une année supplémentaire est négociable, pas plus pour celui arrivé au club en 2008, et dont le contrat prend fin en juin 2019. Un manque de considération difficile à avaler pour celui qui a tout donné pendant onze ans.

En parfait gestionnaire d’une carrière marquée du sceau de la stabilité (trois clubs seulement pendant plus de 15 ans de professionnalisme), Vinnie anticipe sa sortie. Plusieurs clubs étrangers montrent de l’intérêt.

Non pas les plus grands du continent mais d’importantes puissances étrangères, en Allemagne et en Italie notamment. Des clubs qui ne sont pas dupes sur la situation physique du joueur : Kompany n’est pas un premier choix.

Pour l’icône de City, il est difficile de rentrer dans le rang, c’est même inconcevable. Être au centre du projet, c’est aussi le fil rouge de sa carrière. C’était déjà le cas à l’été 2006, quand Lyon montre son intérêt pour la dernière sensation du football belge.

L’OL est alors un club bien établi sur la scène européenne mais Kompany n’y est pas attendu comme une priorité. À l’inverse de Hambourg, prêt à quasiment toutes les folies pour attirer dans ses filets la pépite de tout juste 20 ans. Treize ans plus tard, rien n’a changé.

Beckham vs Coucke

Des clubs en MLS sont également sur le coup. Un voyage outre-Atlantique est bien plus attirant. Le New York City, qui fait partie du City Football Group, est une première option, assez vite écartée.

La future franchise de MLS, l’Inter Miami FC, dont le président n’est autre que David Beckham, est une option bien plus séduisante. Miami a besoin de noms et Vince The Prince est tout en haut de la liste.

Il y a deux semaines, les dirigeants du club floridien viennent encore aux nouvelles concernant le défenseur de Manchester City. Tout est pourtant déjà planifié.

Au soir du match à Sclessin, arrêté suite aux fumigènes lancés par les supporters mauves, le club bruxellois est au plus bas sportivement et moralement. Son président, Marc Coucke, voit ses vacances au Vietnam gâchées. Les supporters le prennent en grippe.

Les acclamations qui ont accueilli sa venue ont été remplacés quelques mois plus tard par des  » Coucke buiten  » aux grilles de la tribune 1.

Quatre jours plus tard, Fred Rutten est licencié. Le club se cherche un successeur. Coucke n’a lui qu’une idée en tête : ramener le plus grand joueur d’Anderlecht des 30 dernières années.

Et ça tombe bien, Coucke a toujours aimé le bling-bling. Déjà, à la côte, c’était le cas – d’un standing un peu moins élevé, certes – avec les venues de Yassine El Ghanassy, Silvio Proto ou Nicolas Lombaerts, qui portent sa griffe et seront loin d’être des réussites.

Son arrivée à la tête d’Anderlecht ne fait que gonfler son ego. Coucke fanfaronne lors de ses débuts, s’ingère dans la politique des transferts comme du temps d’Ostende, contacte régulièrement les joueurs, à l’image du cas de Lazar Markovic qu’il souhaite faire revenir cet hiver, sans succès. Mais l’animal médiatique doit se terrer ces derniers mois, au vu de la situation dramatique du club.

Oui salvateur fin avril

Fin avril, Coucke accueille le  » oui  » de Vincent Kompany comme un énorme soulagement. Michael Verschueren s’exlique :  » Il y a trois semaines, Vincent a pris la décision de ne pas rester à Manchester et de ne pas tenter une aventure américaine ou chinoise. À ce moment-là, je pense que tout était réuni pour que cela puisse se faire « .

Quelques jours avant le match à Brighton, qui lui offrira un quatrième titre de Premier League, Kompany annonce à l’un des ses amis qu’il va revenir à Anderlecht dans un rôle de joueur-manager.

Samedi dernier, lors de la soirée organisée au Hilton de Manchester, pour fêter le succès en Cup, Vinnie prend la parole devant tout le groupe  » J’ai encore un souhait pour ce club : remporter la Ligue des Champions.  » Mais il ne dit pas un mot sur son départ de City, ni sur son futur en mauve. Le secret est parfaitement gardé.

Ce coup médiatique sans précédent oblige Coucke à quitter la lumière pour retrouver l’ombre. En est-il capable ? Réponse dans les prochains mois. L’annonce ne pouvait en tout cas pas tomber à un meilleur moment, peut-être le jour le plus sombre de l’histoire sportive d’Anderlecht, privé pour la première fois depuis 56 ans de Coupe d’Europe.

Kompany débarque tel un sauveur au milieu d’un club en perdition. Depuis plusieurs mois, l’intéressé est mis au courant des dysfonctionnements au sein du RSCA. Si les dirigeants veulent copier le modèle ajacide, on en est très loin. La comparaison est même quelque peu risible.

Seule l’académie de Neerpede est un gage de satisfaction. Les arrivées de Pär Zetterberg, puis de Frank Arnesen sont des premiers coups de com’ pour tenter de rassurer mais l’effet ne dure qu’un temps, puisque le mercato d’hiver et les résultats de 2019 plongent le club dans la crise.

All or nothing

L’annonce de dimanche est bien plus qu’un coup de com’, c’est une révolution. Jamais un joueur n’avait eu droit à autant de pouvoir dans l’histoire du football belge.  » Pourquoi ne pas lui avoir confié le rôle de joueur avant celui de dirigeant ?  » posent comme question de nombreux consultants.

Car pour espérer attirer Vincent Kompany, il fallait lui donner toutes les clefs de la maison mauve. C’était  » all or nothing « , comme nous explique l’un de ses proches.

 » Une chose à savoir, c’est que Frank Arnesen reste le responsable pour le scouting. Mais bien sûr, le briefing de Vincent va désormais être important et il a d’ailleurs déjà validé les profils scrutés par nos cellules depuis plusieurs mois. On lui donnera budgétairement ce dont il a besoin pour reconstruire une équipe compétitive et il aura la liberté de former cette équipe « , expliquait d’ailleurs dimanche, Michael Verschueren aux différents médias.

L’effet est sans précédent mais la communication est quelque peu balbutiante. Quid du rôle du conseiller sportif, Pär Zetterberg et celui de Frank Arnesen ? Quid de ce rôle hybride de joueur-entraineur ?  » Il déterminera la tactique de l’équipe, il décidera ceux qui jouent « , dixit Verschueren.

Kompany se veut en tout cas prometteur :  » Pep Guardiola a rallumé mon amour du jeu. J’ai observé, participé, analysé, étudié. Man City joue le football que je veux jouer. C’est le football que je veux enseigner « , explique-t-il dans une lettre ouverte postée sur son mur Facebook.

Une philosophie qui ne surprend pas ses proches. Il y a quelques mois déjà, Floribert Ngalula, coach au BX Brussels, nous racontait :  » Pour l’instant il n’y a rien d’acté. Ce sont juste des idées. C’est pour ça qu’il préfère rester discret sur ses plans. Mais il aime bien la formation. Il pourrait parler des heures de la formation de jeunes. Et de tactique. C’est le foot à l’état brut qui l’intéresse pas le foot business.  »

Anderlecht, son point faible

Quant à son amour pour Anderlecht :  » Ça reste son club de coeur. Si un jour City et Anderlecht se retrouvent en finale de CL, il aura une préférence pour Anderlecht. Il ne le dira pas tout haut bien sûr. Il aime City, mais Anderlecht c’est son point faible.  »

Lors de la sortie du livre paru en 2014, Vincent Kompany, Prince des Belges, Herman Van Holsbeeck, alors directeur général des Mauves, avait fait cette confession étonnante :  » Kompany est d’une valeur inestimable. Il serait une vraie plus-value. S’il peut devenir le successeur de Roger Vanden Stock ? Je pense oui. Regardez Franz Beckenbauer au Bayern Munich.  »

S’il n’a pas (encore) acquis le titre de président, Vincent Kompany est indiscutablement le nouveau patron de la maison mauve. Sans autre alternative possible. C’était à prendre ou à laisser.

Par Thomas Bricmont

Vinz et son épouse Carla vont troquer Manchester pour Bruxelles.
Vinz et son épouse Carla vont troquer Manchester pour Bruxelles.© BELGAIMAGE

Love story entre Vincent Kompany et Bruxelles

 » Il s’en est fallu de peu que je ne quitte le droit chemin « , a raconté Vincent Kompany dans une interview parue la semaine passée dans The Guardian.  » Si j’avais voulu vendre de la drogue, il m’aurait suffi de descendre les marches de mon building. Faire partie d’un gang était la meilleure manière d’impressionner les filles. Je connaissais les membres de toutes les bandes car on jouait souvent ensemble au football.  »

Le Bruxelles dans lequel Kompany a passé son adolescence était tout sauf un chouette endroit mais ces dernières années, il n’a jamais raté une occasion de crier son amour pour sa ville sur tous les toits. Ses racines se trouvent dans la capitale et ce n’était qu’une question de temps avant qu’il n’y revienne.

Pendant plus de dix ans, Manchester a été la ville de Kompany et de sa femme Carla. Leurs trois enfants, Sienna, Kai et Caleb, y sont nés, c’est là qu’ils ont entamé leur vie de famille et qu’ils dirigent la fondation Tackle4MCR,qui a recueilli un million de livres, soit quelque 1,15 million d’euros, pour les sans-abris de la ville, avec l’aide du maire du Grand Manchester.

On n’imaginait donc pas que Vinnie abandonne tout cela pour revenir en Belgique. Il devait surtout convaincre Carla, une Mancunienne pur-sang, qu’elle pourrait poursuivre sa vie de famille et ses activités professionnelles à Bruxelles. Il y a quelques mois encore, des intimes de Kompany étaient certains que la famille resterait dans le nord de l’Angleterre.

 » Sa femme Carla ne se voit absolument pas vivre en Belgique. Bruxelles n’est donc pas à l’ordre du jour « , avait raconté un ami de Kompany.  » Vincent est très attaché à l’Angleterre. Ses enfants y sont scolarisés, etc…  »

Ses liens avec Bruxelles sont plus forts que ne le pensaient ses amis. Son bar sportif Good Kompany, sur la Grand-Place, a été un flop, mais ça ne l’a pas empêché de continuer à investir du temps et de l’argent à Bruxelles.

Il encourage les demandeurs d’emploi à apprendre le néerlandais avec la collaboration d’Actiris, le pendant bruxellois du Forem wallon et du VDAB flamand, et son projet social footballistique du BX Brussels commence à tourner.

 » Il ne fait pas partie officiellement de l’organigramme « , explique son ami, l’entraîneur de l’équipe première, Floribert Ngalula.  » Il n’est que le frère de notre présidente, Christel Kompany. Je lui ai déjà dit en rigolant qu’il n’avait rien à dire au BX mais il tient au club. Il finance sa structure et il veut l’amener dans les séries nationales.  »

Si Kompany veut représenter quelques chose à Bruxelles, il doit entrer en politique, à terme, et donc s’engager pour un parti, comme son père, bourgmestre (cdH) de Ganshoren pour trois ans. Ngalula :  » Il a tout pour devenir un grand politicien. Il trouve toujours les bons mots et adopte un discours parfait, qui touche les gens. Mais il n’aime pas vraiment le monde politique. Il était très fier que son père soit élu bourgmestre mais ce n’est pas dans ce domaine qu’il veut faire carrière.  »

Par Alain Eliasy

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