Olivier El Khoury

Radja Nainggolan, le coup fumant ?

Olivier El Khoury Ecrivain, supporter et fidèle milieu de terrain en P4.

Nice, juin 2016, phase de poules de l’EURO. Je suis dans la tribune derrière le goal, au premier rang. Pile dans la trajectoire de la balle. Si le filet se troue, je la prends en plein dans le visage. Et il aurait pu se trouer, à cette puissance, on a déjà vu des choses moins étonnantes se produire. Alors plutôt que de célébrer, je me retourne dans un réflexe et je me protège la tête avec mon bras, comme pour éviter un poing dans la gueule, moi qui ne sais pas me battre. Sauf que c’est pas un poing qui déchire le petit filet, mais la frappe de Radja Nainggolan, un véritable missile.

Le Ninja est un punk, et pas que dans la dégaine.

Au bout de 80 minutes d’ennui passées à admirer le spectacle des supporters suédois dans les tribunes, à défaut d’avoir un match intéressant à me mettre sous la dent, j’ai vu Radja réceptionner un centre de Hazard à l’entrée de la surface, il l’a contrôlé d’un rebond et avec une technique et une force uniques, il a pulvérisé Isaksson et les rêves de qualifications de la bande à Ibra. Contrôle hors du rectangle, patate et goal. Sa spéciale. Il l’a fait avec Cagliari, il l’a fait avec Rome, il l’a fait avec l’Inter, c’est sa signature.

À l’époque où il jouait à Rome, je le comparais à Arturo Vidal, et pas seulement à cause de leur excentricité capillaire ou des mètres carrés de peau tatoués. Un milieu tout terrain, bas sur ses appuis, agressif voire salopard, rapide et sec sur l’homme. Et avec une frappe phénoménale. Un profil hyper rare. Je n’ai toujours pas digéré que Martínez ne l’ai pas emmené avec lui à la Coupe du monde. Et à ceux qui me rappellent « regarde ce qu’on a réussi à faire sans lui », je rétorque « imagine ce qu’on aurait pu faire avec lui ». Sans doute trop de personnalité pour le tiède sélectionneur. Mais imaginez. Un paquet de tripes parmi les braves, des litres de sueur, de l’encre sur les muscles, un peu de sang, et quelques coquards. Le gladiateur romain aurait pu faire de la Russie son arène. Car qui n’a pas besoin d’un chien pour monter la garde et aboyer quand on s’en prend à ses troupes.

Et quoi si on l’a vu clope au bec, bière en main? Et quoi si son look dérange? Si ses excentricités sont incomprises? Le Ninja est un punk, et pas que dans la dégaine. Un peu de relief dans ce monde policé, un peu de crasse, enfin!

Aujourd’hui, le bulldog va labourer les terrains de la Pro League et j’ai encore du mal à y croire. Du mal à croire que personne d’autre que l’Antwerp n’ait pensé à lui ou ait eu l’envie de sortir le chéquier. Et je ne parle pas de Bruges qui a déjà un milieu stable et bien rôdé. En Allemagne? En Angleterre? Même en Turquie? Personne? Tant mieux pour nous, à vrai dire. Et tant mieux pour l’Antwerp et ses supporters. Pourvu que la qualité des mailles de nos filets soit suffisante pour les ogives de Radja. Et que ce ne soit pas un énième retour raté d’une de nos vedettes. Parce qu’on en a vu des Defour, des Mirallas, entre autres, anciennes gloires venues se la couler douce dans le championnat belge en guise de pré-pension.

Alors peut-être que Radja est une imposture, qu’il débarque en méforme, qu’il est déjà bon pour la casse ou qu’il cache un vice de procédure. Peut-être que c’est pour cela que personne d’autre n’est sur le coup. Mais s’il nous arrive en forme, on va pouvoir se régaler. Et c’est un risque mesuré si l’on en croit le président du matricule 1 qui relativise le salaire de son nouveau joueur. Taclant au passage le rival brugeois et ses dirigeants: « Qui préfériez-vous, Nainggolan pour deux millions par an ou Vanaken pour trois? ».

Pour l’heure, on préfère voir des tacles sur le terrain, avec plus de classe. Et avec l’ex-Diable rouge, on risque d’être servi. Welcome, Radja.

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