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Qui sont les prochains joueurs de Pro League qui vont rapporter gros?

Guillaume Gautier
Guillaume Gautier Journaliste

Dépossédée d’une partie de ses joyaux lors du dernier mercato, la grande bijouterie du football belge planche déjà sur le prix de ses nouveaux diamants.

Comme de coutume, l’assaut hivernal est venu des Iles. Depuis l’autre côté de la Manche, la Belgique a été bombardée à coups de millions, en échange de l’ajout des buts d’Ally Samatta et des muscles de Sander Berge, ajoutés au grand carrousel de la Premier League. Pour le championnat belge, c’est presque la fin d’une ère. Parce que cet été, déjà, les trois derniers champions de Belgique avaient été dépouillés de leurs joyaux les plus brillants. Wolverhampton avait terminé d’aligner les millions pour Leander Dendoncker, Aston Villa avait fait sauter la banque pour Wesley, et le champion en titre limbourgeois avait laissé Leandro Trossard et Ruslan Malinovskyi s’envoler vers d’autres cieux.

Le problème du football belge ? Par rapport aux Pays-Bas, on ne fait pas assez de cinéma autour de nos joueurs. On doit apprendre à mieux vendre.  » Michel Louwagie, manager sportif de Gand

Même si Alejandro Pozuelo avait déjà traversé l’Atlantique quelques mois plus tôt, Genk se félicitait alors d’un exode limité. Berge, Samatta, mais aussi Joakim Maehle s’étaient montrés attirés par l’idée d’un départ, mais l’hémorragie avait été limitée par le Racing, faisant miroiter à ses derniers cadres la perspective d’une Ligue des Champions qui pourrait encore augmenter leur sex-appeal aux yeux des clubs acquéreurs, et leur valeur marchande par la même occasion.

En Belgique, Genk a la réputation de bien vendre. Les Limbourgeois avaient d’ailleurs refroidi les ardeurs de Lyon en plein été 2018, répondant au club de Jean-Michel Aulas que l’avenir de Sander Berge ne se négocierait pas en dessous des vingt millions d’euros. Un an et demi plus tard, le Norvégien permettait à son club de casser le record jusqu’ici détenu par Youri Tielemans, pour devenir le transfert sortant le plus cher du championnat de Belgique.

Une prouesse d’autant plus brillante qu’elle concerne un milieu défensif, auteur de six petits buts en plus d’une centaine de matches sous la tunique bleue. Pas franchement le genre de profil pour lequel les prix décollent.

UN MARCHÉ À DÉVELOPPER

 » On doit apprendre à mieux vendre « , constate Michel Louwagie. Le manager de Gand se rappelle les moqueries qu’il avait subies lorsqu’il avait fixé le prix de Moses Simon à vingt millions d’euros, à une époque pas si lointaine où le Nigérian faisait danser tous les défenseurs de Pro League.  » Aujourd’hui, je lis dans L’Équipe (un article en date du 30 janvier, ndlr) qu’il vaudrait entre quinze et vingt millions. J’avais donc raison. Mais c’est le problème du football belge. Par rapport aux Pays-Bas, on ne fait pas assez de cinéma autour de nos joueurs. On doit apprendre à mieux vendre.  »

Le parallèle avec les championnats d’un niveau semblable est effectivement douloureux pour les bourses belges. Loin au-delà de la vingtaine de millions reçue pour Sander Berge, le Portugal a installé son record à 120 millions (payés par l’Atlético Madrid pour João Félix), les Pays-Bas à 85 (Matthijs De Ligt à la Juventus) et l’Ukraine à 59 (Fred à Manchester United). Même l’Autriche, portée par le projet ambitieux de Salzbourg, a déjà effleuré la barre des 30 millions quand Naby Keïta a pris la direction de Leipzig.

Le dénominateur commun de tous ces transferts, c’est un parcours européen suffisamment abouti pour convaincre les meilleurs clubs de sortir la carte bancaire. Orphelins de demi-finale continentale depuis 1993, quand l’Antwerp avait atteint la finale de la Coupe des Coupes, les stars des clubs belges restent éloignées de transferts immédiats vers les sommets du football européen.

La première place des Diables rouges au classement FIFA est souvent utilisée comme publicité pour le foot en noir-jaune-rouge, mais la réalité des clubs nationaux est plutôt de servir de réservoir au bas de tableau de la Premier League ou au subtop des championnats allemand ou italien.

 » Vous savez, les scouts étrangers, après deux touches de balle, ils ont souvent compris à qui ils avaient affaire « , explique Andres Dendoncker, frère du joueur des Wolves et agent de Yari Verschaeren pour le compte de l’agence néerlandaise Wasserman.  » Pour moi, en plus des statistiques comme les passes décisives, les duels gagnés ou les dribbles réussis (en fonction du profil), c’est essentiellement le nombre de matches joués au plus haut niveau qui permet de définir la valeur d’un joueur.  »

Un paramètre qui manque cruellement sur le CV de la plupart des cadors du championnat belge, et qui explique donc que l’exode des derniers mois ait eu pour destinations Sheffield, Aston Villa, Brighton ou l’Atalanta. Des clubs de second rang qui profitent de cette gamme de prix restée inférieure, comme le constate Felipe Miñambres, directeur sportif du Celta Vigo :  » C’est un championnat intermédiaire où on peut encore trouver de bons joueurs à des prix raisonnables, pas aussi chers que dans certains autres pays où les prix ont flambé.  »

LES NOUVEAUX GÉANTS

La nouvelle génération de joueurs bankables au sein de l’élite belge pourra-t-elle changer la donne ?  » Je ne donne plus les prix de vente de nos joueurs, mais Giorgi Chakvetadze ou Jonathan David, c’est plus que 25 millions « , s’exclame Michel Louwagie. Révélation de la saison, c’est surtout le Canadien qui fait parler de lui.  » Un joueur comme ça, je n’en ai jamais vu en trente ans « , poursuit le manager gantois.  » C’est un numéro dix, et il court douze kilomètres par match.  »

À en croire le site Transfermarkt, devenu une référence en la matière, le teenager des Buffalos est aujourd’hui le joueur le plus cher du championnat belge. Le Canadien devance Zinho Vanheusden, dont la valeur de revente est probablement déjà fixée puisque son retour à l’Inter devrait être acté dans les prochaines saisons à la faveur de la clause de rachat incluse dans le deal entre Rouches et Nerazzurri.

Derrière eux, c’est le joueur de flanc brugeois Krépin Diatta qui boucle le podium, juste devant Yari Verschaeren. Autant de joueurs qui devraient quitter la Belgique pour des montants avoisinant, voire dépassant le prix de vente de Berge.

 » Je ne pense pas que les prix vont énormément évoluer dans les quatre mercatos à venir. Cet été, on devrait donc une nouvelle fois tourner autour des montants qui ont déjà été payés pour les meilleurs talents du pays. Voire un peu plus haut, qui sait « , augure Vincent Mannaert, manager général du Club Bruges.

Un an après avoir mis en vitrine Wesley, ce sera probablement au tour de Diatta et d’Emmanuel Dennis de quitter le Club au coeur de l’année 2020. Buteurs en Ligue des Champions, les Africains ont vu leur cote décoller quand ils ont brillé face au Real ou au PSG. Une prestation aboutie contre Manchester United pourrait encore contribuer à augmenter leur prix.

Dans la Venise du Nord, on ne désespère pas de battre le record local, détenu depuis quelques mois par Wesley, à l’heure d’envoyer l’un des deux dynamiteurs du jeu des Blauw en Zwart vers la prochaine étape de sa carrière. La planification idéale est recherchée par tous les ténors, mais reste un exercice d’équilibriste.

 » Ce n’est pas toujours le club qui décide de vendre « , explique Louwagie.  » Nous ne sommes pas toujours maîtres du jeu. Bien souvent, c’est suite à la pression des agents, des joueurs, voire de la presse que le club se retrouve à devoir vendre. Les facteurs externes sont déterminants.  »

LES ROUTES DE L’ÉTRANGER

Les hommes forts du Club risquent, en tout cas, de faire partie des principaux animateurs de l’été prochain. Un mercato où les acquéreurs se cherchent de plus en plus en dehors des frontières. Le transfert de Theo Bongonda, devenu le deal le plus cher entre deux clubs belges, fait désormais figure d’exception.

Les clubs situés dans le sillage du G5 visent désormais l’étranger pour monnayer leurs pépites, à l’image de Saint-Trond qui est parvenu à envoyer Takehiro Tomiyasu à Bologne ou de Charleroi qui a vendu Victor Osimhen à Lille. Un joueur comme Cyle Larin, prêté à Zulte Waregem avec une option d’achat que le Essevee va probablement lever au vu de l’intérêt que suscite le buteur canadien (on parle de clubs prêts à tutoyer, voire à dépasser le montant décroché pour Bongonda), ne devrait pas vivre d’étape supplémentaire en Belgique avant de franchir les frontières.

 » Je vois mal des clubs belges capables de se positionner sur nos joueurs-clés, c’est aussi le signe qu’on a pris une autre dimension « , expliquait ainsi Mehdi Bayat dans le lobby de l’hôtel Parador El Saler, au moment de faire le point sur le mercato hivernal de ses couleurs.

Deux ans après avoir vendu Kaveh Rezaei à Bruges, l’administrateur-délégué des Zèbres n’envisage plus de vente  » nationale  » pour ses joueurs-phares, Marco Ilaimaharitra en tête. Le milieu de terrain malgache, évalué à quatre millions par Transfermarkt, devrait quitter le Pays Noir l’été prochain pour un montant bien supérieur. Un an après avoir signé un nouveau contrat de quatre ans au Mambour, le milieu de terrain réunit toutes les conditions pour permettre à son club de toucher le gros lot.

Du côté de Liège, plus que Zinho Vanheusden – au vu de sa situation particulière avec l’Inter – ce sont Selim Amallah et Samuel Bastien qui semblent les plus susceptibles de renflouer à court terme des caisses toujours pas au beau fixe. Plusieurs clubs londoniens pourraient ainsi servir de destination future aux ingrédients les plus savoureux de la recette liégeoise.

L’Angleterre lorgne aussi sur Joakim Maehle, qui semble retrouver son meilleur niveau après un début de saison perturbé par les rumeurs de transferts au point d’être sorti du onze de Felice Mazzù à plusieurs reprises. Mais à Genk, le joueur le plus scruté par les scouts internationaux se situerait quelques mètres à côté du Danois. Doté d’un profil rare, celui de défenseur central gaucher puissant dans les duels et pas maladroit à la relance, Jhon Lucumí est cité par certains suiveurs comme  » le vrai joueur le plus cher du championnat « . De quoi prolonger la belle histoire des défenseurs centraux sortis du Limbourg pour conquérir les places fortes du Vieux Continent.

À des prix toujours plus surprenants ?  » Quand Marc Degryse a été vendu de Bruges à Anderlecht pour 90 millions de francs belges, on a dit que c’était trop « , se souvient Peter Smeets, accompagnateur pour la cellule Let’s Play.  » Pourtant, aujourd’hui, on dit que la Juve préparerait une offre de 178 millions pour Virgil van Dijk. Un défenseur central ! Depuis cette histoire de Degryse, j’attends que la bulle explose. Mais elle n’explose toujours pas.  » L’ascension envoie, au contraire, quelques portefeuilles vers le septième ciel.

Le spectre du Brexit

À l’heure de faire de bonnes affaires, les clubs belges ont évidemment pris la bonne habitude de se tourner vers la Premier League. Là où l’argent coule à flots, en raison de droits TV qui débarquent par centaines de millions sur les comptes en banque des clubs, la dépense est dédramatisée, et ce sont les fournisseurs du Royaume qui en profitent. La Belgique fait incontestablement partie de ceux-là. Parmi les dix transferts sortants les plus chers de l’histoire de la Pro League, huit des acheteurs étaient des clubs anglais.

Une réalité qui force la Belgique du football à regarder avec crainte les conséquences potentielles du Brexit sur le marché footballistique.  » Il y a deux écoles en Angleterre : ceux qui disent qu’il ne faut rien changer, et ceux qui veulent fermer les frontières et mettre les joueurs étrangers dehors pour promouvoir le jeune talent anglais « , explique l’ancien agent Nenad Petrovic à ce propos face aux caméras de LN24.

 » C’est clair que le Brexit peut changer la donne « , affirme de son côté Michel Louwagie, qui admet que la Premier League reste le premier pôle d’attraction financière pour la Belgique.  » Cela va leur coûter un peu plus, et il faudra se méfier, parce que ça pourrait déstabiliser le marché.  »

 » Pour les top joueurs, cela ne changera rien « , tempère Peter Smeets, envisageant des conséquences à un terme plus éloigné que le prochain mercato, qui devrait encore échapper à une nouvelle législation potentielle.  » C’est plutôt pour les transferts de mineurs que cela pourrait avoir un impact. Faire venir un jeune avec ses parents en Angleterre, ce ne sera plus aussi facile.  »

Par Guillaume Gautier et Martin Grimberghs

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