© BELGAIMAGE

Professionnel, passionné, concentré, émotif, Leko ne laisse rien au hasard

Les analystes ne l’appellent pas (encore) par son prénom mais Ivan Leko n’en fait pas moins impression. Comment le Croate s’y prend-il ?

Ceux qui ont travaillé avec Ivan Leko ne sont pas surpris qu’il réussisse, à 39 ans. Ils lui prédisent un grand avenir. Ainsi Hans Vanderelst, à ses côtés à OHL : « Il a toujours eu du charisme, de la classe. Il est motivé et s’inspire du football international. »

Ivan Leko a mis fin à sa carrière de joueur pour entraîner OHL le 25 février 2014. « En fait, il devait devenir l’adjoint d’Emilio Ferrera mais celui-ci a signé la veille à Genk. Ivan avait impressionné la direction. Il possède une énorme intelligence émotionnelle et a l’art de rallier les joueurs à sa cause. »

Du jour au lendemain, il a dû s’occuper de choses qui coulaient de source quand il était joueur. Il a dû prendre du recul, souligne Vanderelst : « Il était encore trop le copain des joueurs. » Confronté à cette remarque à Saint-Trond, Leko a rétorqué : « Il est normal de fêter un succès ensemble et si je croise un de mes joueurs en rue, je trouve normal d’aller boire un café avec lui. J’accorde de l’importance aux contacts humains. »

De fait, au Club, il manifeste sa joie après une victoire. Leko est un homme chaleureux, respecté de ses joueurs. « Il est proche des joueurs tout en conservant une certaine distance. Il est un peu paternel. Correct, ouvert, il ne tourne pas autour du pot », affirme Rudi Cossey, son adjoint actuel.

Vanderelst : « C’était sans doute différent avec des joueurs plus anciens, les valeurs sûres. N’oublions pas qu’OHL était un merdier, à l’époque. Nous étions derniers à son embauche. Il s’y prendrait sans doute autrement maintenant. » De fait, Leko le répète : il ne s’occupe pas des noms. Lior Refaelov, Jelle Vossen, Laurens De Bock ou Jordy Clasie peuvent en témoigner.

Une vision

Ivan Leko tient compte du potentiel des joueurs. Ce n’est pas un hasard s’il a été choisi pour succéder à Michel Preud’homme malgré son inexpérience. « D’emblée, Ivan a su ce qu’il voulait », juge Vanderelst. « Sa communication est claire : il veut ça et ça. Il s’imprègne des influences étrangères. À OHL, il me demandait souvent si j’avais vu la Fiorentina ou Valence le week-end. Il parlait souvent de Juande Ramos, son entraîneur à Malaga, disant qu’il l’avait fait progresser de 20 %, ou de Diego Simeone. »

Il a en Edward Still un adjoint aussi tourné que lui vers l’étranger. Un jour, Leko nous a expliqué ce qu’il avait fait après son limogeage d’OHL, en novembre 2014 : « Subitement, j’avais beaucoup de temps, j’ai assisté à des entraînements dans trois ou quatre pays, pour voir comment mes collègues s’y prenaient. Je suis allé à la Fiorentina et à Gênes car les entraîneurs italiens sont les meilleurs du monde à mes yeux. On a vu à l’EURO ce dont Antonio Conte était capable. Je suis aussi allé au Real et au Deportivo. J’ai adapté mes méthodes et ma vision. Je suis sans doute devenu entraîneur principal trop vite. J’ai suivi les cours UEFA B en 2009 alors que je jouais au Beerschot. J’avais décidé de devenir entraîneur. Je suis dans le football professionnel depuis 22 ans et je me suis forgé une vision au fil du temps. »

Leko était un numéro dix un brin nonchalant. « On s’attendait donc à un jeu frivole, technique mais non ! », s’étonne Vanderelst. « Perte de balle, organisation, discipline ont été ses premiers chantiers. Ivan a toujours dit qu’il ne se serait jamais aligné. Il est tout sauf nonchalant. »

Rudi Cossey l’a dirigé à Lokeren. « Ivan exige que chacun donne le maximum de lui-même à chaque instant mais je ne pense pas qu’il ait travaillé ainsi quand il était joueur. Il était bon et les autres devaient s’adapter à lui. Il le dit au groupe : il ne se choisirait pas car il sait qu’on attend beaucoup plus d’un footballeur. Les séances sont très tactiques. »

Professionnel, passionné, concentré, émotif, il ne laisse rien au hasard. Vanderelst : « Il est intelligent, il remarque beaucoup de choses. Il ne dira pas tout de suite que quelqu’un a raison mais il intègre ses arguments. Il donne aux autres le sentiment d’être importants, de tenir compte de leur avis. »

Le tournant

Leko s’appuie sur les qualités de son équipe, précise Cossey. Il attribue à chacun des tâches en possession comme en perte de balle mais il vise avant tout l’attaque et un pressing élevé. « Il a changé d’optique à Saint-Trond. À Louvain, il utilisait souvent quatre défenseurs et misait parfois sur le contre. C’est logique : un entraîneur débutant doit obtenir des résultats. Maintenant, son noyau recèle plus de qualités et il adapte son système en fonction d’elles. On a tâtonné, commençant avec quatre homme derrière pour passer au 3-4-3 puis au 3-5-2, un système au sein duquel chacun joue en fonction des autres. Le faire accepter n’était pas simple : ce groupe a gagné un titre et une coupe et voilà qu’un jeune entraîneur lui dit que désormais, il faut jouer selon ses principes. Jouer la carte de l’attaque l’a aidé à faire accepter ses choix. Comme durant le second volet de sa saison à Saint-Trond, il a compris qu’il valait mieux jouer loin de son but que de défendre un résultat. »

La défaite 4-2 des Trudonnaires à Eupen, lors de la 14e journée, a constitué un tournant. Leko a troqué son quatuor défensif contre une ligne à trois ou cinq hommes. « Il fallait agir avant qu’il ne soit trop tard », explique Patrick Van Kets, qui était son adjoint. Le changement a été rentable. Le 7-0 contre Malines a impressionné.

Vanderelst est frappé par l’influence d’Emilio Ferrera. On la retrouvait aussi chez Michel Preud’homme, qui avait travaillé avec lui en Arabie saoudite. « Ferrera a dirigé Ivan à Lokeren et à Bruges. Il a l’art de faire progresser les joueurs individuellement. »

« Je remarque qu’Ivan fait progresser les joueurs de Bruges », affirme Van Kets. « D’emblée, il a fait comprendre à Anthony Limbombe, Dion Cools et Hans Vanaken qu’ils devaient être ouverts », précise Cossey. « Ceux qui ne s’intègrent pas à son profil ont des problèmes. Ivan exige 100 % d’engagement, de la première à la dernière minute. Son expression favorite, c’est Full gas. L’équipe a assimilé des trajectoires de course et de passes. Il les travaille en permanence. »

Vanderelst de conclure : « Ivan remet le football au centre des préoccupations. Il disait toujours à ceux qui se soignaient mal ou s’entraînaient en traînant la patte : – Soyez reconnaissants au ballon de vous avoir tant donné dans la vie. »

La semaine du Club

Ivan Leko
Ivan Leko© BELGAIMAGE

Le Club joue souvent le dimanche. À quoi ressemble une semaine normale ? Le lundi est le jour de repos. Le mardi, les corps doivent se réhabituer aux efforts et on travaille le volume. Les séances se font plus tactiques à partir du mercredi mais c’est le jeudi le plus intense, le plus dur. Le vendredi est plus calme et le samedi, le Club affûte ses joueurs en prévision du match. Il y a peu de temps entre les séances -comme en match.

Ivan Leko a souvent recours aux images : il revoit le match précédent et en montre des extraits en début de semaine. Les joueurs découvrent leur prochain adversaire deux jours à l’avance. La veille du match, ils répètent les phases arrêtées de celui-ci avant de se reposer, de manger et d’assister à une ultime discussion sur leur propre tactique. Leko ne communique pas toujours la composition exacte, pour maintenir la concentration générale.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire