Guillaume Gautier

Pro League: à l’ombre d’Eupen…

Guillaume Gautier Journaliste

La réussite se fait presque dans l’anonymat. Comme si même au sud du pays, on ne savait pas vraiment par où commencer pour parler de ce bout de territoire qui parle autant allemand que français. Eupen est indéniablement un club à part, pour lequel la place dans les journaux s’arrache aussi difficilement qu’un stade sold out. Pour la venue de l’Antwerp, le 11 septembre dernier, ils n’étaient par exemple que 1.600 à clairsemer les tribunes du Kehrweg. « C’est vrai qu’ici, tout au fond de la Belgique, on a parfois l’impression qu’on nous oublie », confie Boris Lambert au micro de la RTBF pour évoquer le costume de vilain petit canard généralement enfilé par le Panda. Aller à Eupen est parfois une corvée. Y signer est un choix qui se pèse longuement. « Pour les premiers transferts, on a dû beaucoup insister », expliquait Jordi Condom, alors directeur sportif des germanophones, en début de saison dernière. « Il a fallu attirer les deux ou trois premiers, pour que les autres arrivent plus facilement. Un stade presque vide, un club de village propulsé au sein de l’élite, et un projet général qui semble de plus en plus posé sur des sables mouvants, tout cela laisse plus de questions que de certitudes.

Dans les Cantons de l’Est, la tranquillité est peut-être un atout.

Par le passé, la KAS pouvait compter sur les millions qataris d’Aspire. Avant même la montée en D1, certains joueurs au passé glorieux comme Jeffrén, buteur lors de la célèbre manita du Barça face au Real, ou LuisGarcía, ancien finaliste de la Coupe de l’UEFA, touchaient dans les Cantons de l’Est des salaires qui feraient rougir certains membres des plus gros vestiaires du Royaume. Les salaires sont aujourd’hui bien moins opulents, les académies africaines d’Aspire ont mis la clé sous le paillasson et ne permettent plus aux joyaux de leur Football Dream de faire étape au Kehrweg, et la perspective de la Coupe du monde qatarie et l’avenir incertain qui en découlera alimente la peur de lendemains qui déchantent. L’été dernier, malgré une proposition du club pour poursuivre l’aventure, l’ambitieux coach basque BeñatSanJosé a ainsi décliné le contrat mis sur la table, refroidi par le manque d’appétit des dirigeants pour le futur des Pandas.

Eupen se complairait-il dans la quiétude? Le marché estival n’a pas fait beaucoup de bruit, entre l’arrivée dans l’anonymat de StefanKrämer, un coach de D4 allemande à la dégaine de prof de gym, et un mercato entrant limité à l’arrivée de JérômeDéom, ancien talent de Sclessin. Par contre, l’exode annoncé n’a pas eu lieu, malgré une approche du grand voisin rouche pour le maître à jouer StefPeeters, déjà décisif à six reprises depuis le coup d’envoi de la saison. Neuf matches plus tard, le club est installé dans le sillage du champion brugeois, avec une moyenne offensive de deux buts marqués par rencontre, mais ne semble toujours émoustiller personne. Trop intimiste, trop artificiel ou trop éloigné, le club voit ses performances buter systématiquement sur un obstacle invisible qui le sépare de la médiatisation. Dans les Cantons de l’Est, pourtant, cette tranquillité est peut-être un atout.

Pas de vindicte populaire pour une prestation manquée, comme cette défaite à domicile face à Seraing voici un peu plus d’un mois. Tout juste un petit millier de sélectionneurs, loin de la tourmente vécue par SvenVanthourenhout dimanche dernier quand RemcoEvenepoel s’est vidé les cuisses entre Overijse et Louvain pour un WoutvanAert qui n’avait pas les jambes. Presque tout le pays avait alors un avis à émettre sur les choix tactiques d’une course menée sans oreillette, et où tous les plans peuvent voler en éclats quand les coups de pédale ne répondent pas aussi bien que prévu. Parfois, Vanthourenhout envie sans doute la vie de Stefan Krämer. À moins qu’il ne soit même pas au courant de son existence. Parce que la quiétude est peut-être le principal privilège des anonymes.

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