Jacques Sys

« Philippe Clément préfère le poste d’entraîneur à celui de footballeur. C’est rare. »

Jacques Sys Jacques Sys, rédacteur en chef de Sport/Foot Magazine.

N’est-il pas surpris de parvenir à placer son empreinte à ce point, au poste d’entraîneur, avons-nous demandé à Philippe Clement il y a six mois, lors de sa visite à notre rédaction ?

Il n’a pas hésité une seconde avant de répondre : il savait ce dont il était capable avec un groupe et n’était pas surpris par le parcours accompli. Clement était sûr de lui, sans être aucunement prétentieux.

Dans cet univers, la perception est cruciale. Elle semble parfois plus importante que le contenu alors que ça devrait être le contraire. Le sport ne fait pas exception. Footballeur, Philippe Clement ne s’est jamais complu dans des analyses profondes, contrairement à Franky Van der Elst ou à Lorenzo Staelens. La manière avec laquelle ils disséquaient le football laissait entrevoir en eux de futurs entraîneurs. Clement a toujours été positif. Ça pouvait être énervant. Dans ses interviews, il s’en tenait souvent à des banalités. Devenu adjoint de Michel Preud’homme, il semblait toujours être sur la même longueur d’ondes que son patron. Quand celui-ci sautait de son banc, pour contester une décision arbitrale, Clement suivait son exemple. Il gesticulait autant que Preud’homme. C’était un spectacle étonnant car ça ne collait pas avec son caractère.

Le contenu est plus important que la perception.

On ne décèle plus rien de tout ça dans le Philippe Clement actuel. Il s’est épanoui au poste d’entraîneur principal et est équilibré, en harmonie avec lui-même. L’excellence de ses analyses est frappante. Lors de cette journée à la rédaction, il avait expliqué que c’était parce qu’il était désormais le responsable final et qu’il pouvait s’exprimer librement. Il le faisait déjà à Waasland-Beveren. Lors de ses conférences de presse, il dévoilait ses méthodes et relevait les points qu’il restait à travailler. Il ne planait pas après une victoire, pas plus qu’il n’était abattu après une défaite. Il n’a pas changé d’attitude à Genk. Clement ne se fait pas de compliments. Il esquive les questions sur le titre probable de Genk.

© BELGAIMAGE

Philippe Clement affirme préférer le poste d’entraîneur à celui de footballeur. C’est rare. Mais faire progresser des joueurs lui procure un kick. Comme par exemple en faisant confiance, la saison passée, à Ally Samatta, contre l’avis général, parce qu’il était impressionné par l’enthousiasme de l’avant à l’entraînement. Clement alterne détermination et paternalisme. Il croit fermement en l’interaction entre joueurs et entraîneur et sa communication est claire. Il sait que tact et psychologie font plus que jamais partie de son métier. Ainsi que le calme. C’est pour cela qu’il ne s’est pas plaint pendant la saga Alejandro Pozuelo. Clement a cherché des solutions, il a recomposé son entrejeu pour le rendre plus équilibré et tout aussi efficace.

Ce qui est frappant, c’est que Philippe Clement parvient assez rapidement à conférer l’orientation qu’il souhaite à son équipe. Il y est parvenu à Waasland-Beveren comme à Genk. Beaucoup d’entraîneurs ont une date de péremption très limitée. Ils s’épanouissent puis perdent leur effet. Dans ce métier, le plus difficile est de déterminer une ligne de conduite et de s’y tenir. À long terme.

Que Genk soit champion ou pas, ce sera le prochain défi de Philippe Clement. Les Limbourgeois risquent de perdre plusieurs piliers. Clement va-t-il assumer ce risque ou va-t-il céder à l’appel d’autres clubs, comme le Club Bruges, par exemple ?

Dans une carrière d’entraîneur, il est important de déterminer avec exactitude le moment d’aborder une nouvelle haie. De ce point de vue, Philippe Clement n’a pas encore brûlé d’étape. Un signe d’intelligence et de connaissance de ses moyens. Cette qualité ne coule pas de source dans un monde qui se surestime lourdement.

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