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Peter Bossaert, CEO de la Fédération belge de football, sur l’Opération Mains Propres : «Un make-over extrême à la Fédération»

En octobre 2018, le football belge a tremblé jusqu’à ses fondations. Les contrecoups sont encore perceptibles aujourd’hui. Mais l’opération « Mains propres » a-t-elle vraiment changé quelque chose dans le monde du football ? Nous avons interrogé quelques acteurs clés. Aujourd’hui : Peter Bossaert, CEO de la Fédération belge de football.

«L’Opération Mains Propres est une des plus grandes crises subies par le football belge et le reste partiellement, puisque le volet pénal est en cours. Cependant, une grande crise ouvre aussi les yeux et constitue une opportunité pour faire mieux. Ce qui a été révélé n’est pas agréable mais actuellement, la Fédération a complètement modifié son organisation et son fonctionnement répond aux normes les plus strictes en matière de bonne gouvernance et d’éthique. Elle peut enfin rivaliser avec n’importe quelle grande entreprise internationale. C’était nécessaire, car l’image de l’URBSFA a été sérieusement écornée en 2018. Il faut du temps pour la repolir. Nous continuons à travailler de manière conséquente et je pense qu’à terme, nous parviendrons à susciter à nouveau un sentiment plus positif dans la société.

Nous disposons de la législation la plus sévère du monde au niveau des managers, mais nos compétences s’arrêtent à la frontière.» Peter Bossaert

Toutes les personnes impliquées dans l’Opération Mains Propres – et je tiens à rappeler le principe de la présomption d’innocence – faisant partie de la Fédération ont effectué un pas de côté. D’autres personnes inculpées ont poursuivi leurs activités dans le football, ce qui est leur droit le plus strict, tant que leur culpabilité n’est pas démontrée. Le football a un handicap: il est extrêmement médiatisé et ses acteurs sont automatiquement sous les feux de la rampe, ce qui est nettement moins marquant dans d’autres secteurs.

Soyons clairs: nous sommes une fédération sportive. Nous avons notre propre règlement, notre propre tribunal sportif et nous nous occupons du droit sportif. Le volet pénal de l’Opération Mains Propres, qui est en cours et concerne essentiellement la fraude fiscale et sociale dans les relations avec les managers, ne relève pas de notre compétence. L’URBSFA n’a aucune compétence en la matière. Notre tâche est de veiller à ce que le football se joue correctement, que les compétitions se déroulent honnêtement. C’est notre principal souci dans cette affaire.

La procédure disciplinaire concernant le match-fixing (dans lequel étaient impliqués Waasland-Beveren et Malines, ndlr) a été bouclé en 2019, afin que la saison suivante puisse commencer normalement. Dès qu’il a été question de match-fixing, nos instances disciplinaires et nos enquêteurs ont examiné les faits et poursuivi les parties impliquées. Nous avons réussi à traiter toute l’affaire en 2019, malgré l’appel introduit devant la CBAS (la Cour Belge d’Arbitrage pour le Sport, ndlr). C’est très rapide, le scandale ayant éclaté en octobre 2018.

Nous avons ensuite effectué un travail interne, qui a abouti à un make-over extrême. Notre mode de fonctionnement a complètement changé depuis 2018. Nous avons désormais une corporate governance complètement renouvelée. Nous n’avons plus qu’une ASBL. La distribution des rôles du management et du conseil d’administration est clairement définie. Il n’y a plus de comité exécutif. Le conseil d’administration a une responsabilité strictement stratégique et budgétaire, comme dans toutes les entreprises, alors que le management détient les compétence opérationnelles. Dix personnes siègent au conseil d’administration: quatre représentants des clubs professionnels, quatre des amateurs – deux de Voetbal Vlaanderen et deux de l’ACFF – et deux administrateurs indépendants, parmi lesquels Paul Van den Bulck, qui vient de devenir le premier président indépendant de la Fédération. Nous voulions éliminer tous les conflits d’intérêt et nous y sommes parvenus.

Les dirigeants ou les propriétaires impliqués dans une enquête judiciaires devraient effectuer un pas en arrière, s’ils sont actifs. Ça ne se produit pas en football.» Kris Luyckx

Nous avons édicté un nouveau règlement fédéral, en collaboration avec l’Université Catholique de Louvain. Nous l’avons purgé de tous les hiatus qui pouvaient susciter la confusion. Nous avons mis sur pied une commission d’intégrité et modifié le système d’octroi des licences. Notre compliance officer trace les contours d’une bonne gestion et veille à leur respect.

Nous avons également un nouveau règlement quant aux intermédiaires. Les doubles mandats sont interdits et on ne peut plus verser d’argent aux managers non-enregistrés. Nous avons une clearing house, qui contrôle le paiement des managers. Enfin, il y a aussi une législation anti-blanchiment, qui nous oblige à dénoncer les transactions douteuses. Nous disposons actuellement de la législation la plus sévère du monde en ce qui concerne les agents des joueurs.

Cette législation aurait encore plus de poids si nous pouvions l’arrimer à la loi. Le problème, c’est que nous sommes confrontés aux diverses compétences: qu’est-ce qui est fédéral, qu’est-ce qui est régional? Nous avons aussi un handicap: la Belgique est plus sévère que le reste du monde, ce qui ne facilite pas la vie des clubs dans les transferts. Si on couple cet aspect à la législation, il faut prendre garde à ce qu’il n’y ait pas de différences entre les communautés francophone, flamande et germanophone. C’est notamment pour ça que cette législation n’est pas encore au point.

En résumé, nous avons subi une métamorphose complète en matière de gestion et de réglementation ces quatre dernières années. Je pense que l’exercice est achevé. Nous fonctionnons comme il se doit, désormais. Mais nous devons bien constater que nos compétences s’arrêtent à la frontière. Nous sommes donc très heureux que la FIFA, partiellement grâce à la pression que nous avons exercée, a l’intention de mettre sur pied une clearing house internationale et d’introduire un règlement mondial concernant les managers. À l’heure actuelle, la majorité des transferts effectués en Jupiler Pro League sont internationaux. Si nous voulons qu’ils se déroulent conformément à notre vision, il faut que le contrôle ne s’arrête plus à la frontière.»

Lisez l’enquête complète dans le Sport/Foot Magazine de ce mois-ci.

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