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Pelé Mboyo: « Pas un seul entraîneur en Belgique ne vous dira que je suis une mauvaise personne »

llombe « Pelé » Mboyo aura 34 ans en avril, mais il ne songe pas à arrêter. Il rêve de décrocher un premier trophée avec Saint-Trond et de franchir le cap des cent buts en Jupiler Pro League.

Plus que dix-sept buts et Pelé Mboyo fera partie du club très sélect des joueurs ayant inscrit plus de cent pions en D1 belge. À la surprise générale, c’est probablement sous le maillot de Saint-Trond qu’il franchira ce cap. En janvier, il a en effet quitté Courtrai pour la troisième fois de sa carrière. « Je serais fier de dire que j’ai inscrit cent buts en D1 belge. C’est un des objectifs que je me suis fixés d’ici la fin de ma carrière », dit-il. « Le plus tôt sera le mieux, mais je ne suis pas obsédé par ça, c’est juste une idée qui me trotte dans la tête. »

Le départ de Mboyo de Courtrai pour Saint-Trond a surpris tout le monde. Pourquoi un attaquant prolifique quitte-t-il un club de milieu de tableau pour rejoindre une équipe qui lutte pour le maintien? « Courtrai me proposait de resigner pour un an avec option pour une saison supplémentaire. Je voulais au moins deux ans sans option, mais on m’a sorti tout un tas d’arguments. Avec ce que j’avais montré jusque-là, je ne pouvais pas accepter. J’avais besoin de sérénité, je ne voulais pas devoir à nouveau négocier dans un an. »

Ce n’était donc pas une question d’argent?

PELÉ MBOYO: À Courtrai, j’étais dans ma zone de confort. À Saint-Trond, je repartais de zéro. Je me posais quelques questions. Est-ce que je m’amuserais dans ce nouvel environnement? Est-ce que je serais aussi bon dans un autre système de jeu? C’était un défi, mais j’étais prêt à le relever pour terminer ma carrière.

Tu aurais pu terminer ton contrat à Courtrai et partir gratuitement en juillet. Tu craignais de te retrouver sans club, comme Jelle Van Damme ou Luis Pedro Cavanda?

MBOYO: Beaucoup de gens me disaient qu’en jouant comme je le faisais cette saison, je retrouverais facilement un club dans quelques mois, mais je devais tenir compte de plusieurs facteurs, dont le Covid. Être libre ne m’intéressait donc pas spécialement. Je ne suis pas du genre à prendre des risques inutiles, j’ai toujours géré ma carrière de manière raisonnable. Lorsque la proposition de Saint-Trond est arrivée, je l’ai immédiatement acceptée. Je ne voulais pas attendre qu’un club me fasse une meilleure offre. Opter pour Saint-Trond, c’était un choix intelligent. On peut en vouloir toujours plus, c’est humain, mais il faut aussi se rendre compte que certaines personnes doivent se contenter de beaucoup moins.

Il est humain d’en vouloir toujours plus, mais il faut aussi se rendre compte que certaines personnes doivent faire avec beaucoup moins. » Pelé Mboyo

« J’ai pris exemple sur des gars comme Bernd Thijs, Tim Smolders et Thomas Buffel »

À la fin de ton contrat à Saint-Trond, tu auras 36 ans. Ce sera sans doute ton dernier club professionnel.

MBOYO: On avait déjà dit ça il y a deux ans… Sur le plan financier, je ne ferai plus de gros coup, mais je ne suis pas encore en fin de carrière. Je suis en bonne condition – je m’entraîne parfois plus dur que des gamins de vingt ans – et le football a tellement évolué des points de vue technologique et médical qu’une carrière dure plus longtemps qu’avant. Est-ce que je jouerai encore deux, trois ou quatre ans? Je ne veux pas y penser. Pour le moment, rien ne dit que je serai usé dans deux ans. C’est mon corps qui décidera, pas mon âge. Et il faut tenir compte du facteur chance. Il y a des joueurs qui ne se soignent pas et tiennent le coup très longtemps. À l’inverse, certains joueurs se blessent rapidement et doivent faire une croix sur leur carrière. Le football n’est pas une science exacte, mais si on respecte des règles élémentaires, on réduit le risque de blessures.

Est-ce que c’est quelque chose que tu dis aux jeunes? Leur fais-tu comprendre qu’il est de leur devoir de tirer le maximum de leur carrière?

MBOYO: Honnêtement, je dois reconnaître que mon comportement n’a pas toujours été irréprochable. Moi aussi, j’ai commis des erreurs. Je n’ai vraiment commencé à me soigner qu’à 25 ans, après quelques blessures à Genk. Là, j’ai compris qu’il était important de s’étirer, de se reposer et de boire beaucoup d’eau. Quand on est jeune et qu’on n’a jamais été blessé, on ne fait pas attention à ce genre de détail. On peut avoir de la chance, mais mieux vaut garder son sort entre les mains. J’ai fini par prendre exemple sur des gars comme Bernd Thijs, Tim Smolders et Thomas Buffel, qui prenaient grand soin de leur corps.

Honnêtement, je dois reconnaître que mon comportement n’a pas toujours été irréprochable. Je n’ai vraiment commencé à me soigner qu’à 25 ans. » Pelé Mboyo

À Courtrai, tu étais un véritable leader, une sorte de grand frère pour les jeunes. C’est aussi ce qu’on te demande à Saint-Trond.

MBOYO: Avec mes treize ans d’expérience, je peux sans doute apporter quelque chose aux jeunes, mais je le fais spontanément. Je ne suis pas du genre à taper du poing sur la table et à dire qu’il faut m’écouter. Pour être crédible, il faut avant tout rester soi-même sur le droit chemin. Je veux non seulement être un exemple pour eux, mais je veux les aider à tirer le meilleur d’eux-mêmes. Quand un jeune fait mieux que moi, je suis content. C’est la preuve que j’ai su me rendre utile.

Même s’il s’agit d’un concurrent direct qui veut ta place?

MBOYO: Tant que la concurrence est saine et que le meilleur joue, pas de problème. J’aime la concurrence, elle me rend plus fort. J’ai connu ma meilleure période à Gand, lorsque je devais me surpasser tant la rivalité entre les attaquants était forte. À Genk, je n’avais pas trop de concurrence. Comment dirais-je? J’avais tendance à me laisser vivre… J’ai 33 ans et je ne jouerai pas au football toute ma vie, mais je ne vais pas non plus me laisser faire (Il rit). Mentalement, je suis prêt à affronter le jour où un joueur beaucoup plus jeune voudra ma place. Ce jour-là, je montrerai que je suis une bête de compétition et que je veux la garder.

Avec Yuma Suzuki:
Avec Yuma Suzuki: « Quand on pense trop aux statistiques, on joue moins bien. »© BELGAIMAGE

« Je suis un leader, mais je sais rester à ma place »

Avant le Nouvel An, à la veille de Courtrai – Louvain, Marc Brys a dit que tu avais encore suffisamment de talent pour jouer dans un grand club. Comme si tu vivais une deuxième carrière.

MBOYO: Je ne suis pas le seul trentenaire qui pourrait encore jouer dans un grand club. Mais entre avoir les qualités pour être dans le noyau et y figurer vraiment, le fossé est énorme… Disons que je pourrais encore rendre service à beaucoup de clubs.

Tu n’es plus aussi explosif qu’avant. As-tu dû te réinventer pour rester compétitif?

MBOYO: C’est vrai que j’ai perdu de la rapidité sur les premiers mètres, mais je lis mieux le jeu qu’avant. Je sens mieux certaines phases et je me place beaucoup mieux. Bref, je compense le manque de capacités physiques par mon intelligence footballistique. Quand j’analyse mes matches d’avant, je constate que je dribblais souvent sans raison. J’ai aussi l’impression que, par le passé, je devais courir plus et plus vite pour arriver au même résultat que maintenant.

Cette saison, tu devrais franchir le cap des dix buts. Ça ne t’est plus arrivé depuis la saison 2012- 2013, avec Gand. Est-ce un soulagement ou est-ce que ça ne te préoccupait pas?

MBOYO: Le football, c’est comme la musique: il faut une mélodie, on ne peut pas forcer les choses. Quand on pense trop aux statistiques, on joue moins bien. Que fait un attaquant qui ne marque pas pendant quelques semaines? Il commence à tirer dans toutes les positions. Avant la saison, je ne me fixe jamais d’objectif minimum. La pression de l’extérieur est déjà suffisamment grande comme ça. On parle toujours de mes buts, mais pas de mes assists. Or, parfois, je prends plus de plaisir à délivrer une passe décisive qu’à marquer. Quand Kevin De Bruyne délivre un assist, on oublie même le nom du buteur.

J’ai visité les plus beaux endroits du monde, mais personne ne me fera quitter Bruxelles. » Pelé Mboyo

On t’a souvent décrit comme un bad boy. Ça t’a déjà empêché de dormir?

MBOYO: Je respecte l’opinion de mes adversaires, des médias et des supporters, mais sans plus. Je ne tiens compte que de l’avis des gens avec qui j’ai travaillé et, en Belgique, pas un seul entraîneur ne vous dira que je suis une mauvaise personne. Le fait d’avoir porté le brassard de capitaine à Gand et à Courtrai en étant noir en dit suffisamment long, non? Oui, j’ai du caractère. Et je n’ai pas toujours communiqué de la meilleure des façons par le passé. Mais je suis toujours animé de bonnes intentions. J’irais au front pour mes équipiers ou pour une cause qui me tient à coeur. Je ne cherche pas la petite bête, je veux unir l’équipe autour d’une cause commune.

Si tu devenais entraîneur, tu pourrais gérer un joueur qui a le même caractère que toi?

MBOYO: ( Il rit) J’adorerais entraîner mon clone. Je suis un leader, mais je sais rester à ma place. L’entraîneur est le boss. Dans la hiérarchie, je suis sous ses ordres. Après une défaite, je vais secouer le cocotier pour éviter qu’il y en ait une deuxième. C’est exactement ce qu’un entraîneur attend de ses leaders et de son capitaine.

« Chacun doit utiliser ses talents pour trouver sa voie dans la société »

Après ta carrière, tu veux lancer une académie à Bruxelles. Comment te différencieras-tu des dizaines d’autres académies de la capitale?

MBOYO: Je travaillerai avec des professionnels qui ont fait leurs preuves dans le milieu du football. J’ai été formé à Anderlecht et à Bruges, j’ai l’expérience du football professionnel, je sais donc quels obstacles un Bruxellois doit surmonter pour arriver en D1. Je suis bien placé pour enseigner les ficelles du métier aux jeunes Bruxellois.

Cette académie, c’est ta façon de rendre quelque chose à ta ville?

MBOYO: ( Il approuve) Je suis né à Bruxelles, j’y suis allé à l’école et j’y ai traîné en rue. Je connais la ville comme ma poche. Quand je pars en vacances à l’étranger, après cinq ou six jours, Bruxelles me manque. J’ai visité les plus beaux endroits du monde, mais personne ne me fera quitter Bruxelles.

Lorsque tu étais ado, à la fin des années 90 et au début des années 2000, des bandes de jeunes violentes semaient la terreur dans Bruxelles. Aujourd’hui, tout est plus calme. Qu’as-tu envie de dire aux jeunes qui ne savent que faire de leur vie?

MBOYO: Que chacun doit utiliser ses talents pour trouver sa voie dans la société. Et je ne parle pas seulement de sport ou de musique. Il faut aussi se préparer à encaisser des coups. J’ai joué avec Dries Mertens, à qui on répétait sans cesse qu’il était trop petit pour devenir professionnel. Aujourd’hui, c’est un des meilleurs attaquants d’Europe… Croyez en vos rêves, n’écoutez pas les conseils d’une seule personne et tout ira bien.

Un travailleur de rue de Molenbeek déclarait voici peu que beaucoup de jeunes Bruxellois souffraient d’un complexe d’infériorité et manquaient de confiance en eux.

MBOYO: Selon moi, ce sont les autres qui ont un complexe à l’égard des Bruxellois. C’est pour ça qu’ils nous décrivent comme arrogants et hautains. C’est vrai qu’on devrait parfois faire preuve de plus d’humilité. On pense qu’on est supérieurs. On a un caractère spécial et c’est pour ça qu’on est souvent incompris.

Deux caps chez les Diables

Tu marques facilement, mais ton palmarès est relativement vide. Considérerais-tu comme un échec le fait de terminer ta carrière sans avoir remporté un trophée?

PELÉ MBOYO: Je veux en gagner un avant de prendre ma retraite! Jusqu’ici, je considère mes deux caps chez les Diables rouges comme une des plus grandes distinctions de ma carrière. À un certain moment, j’ai loupé le train, mais je suis fier d’avoir fait partie de la génération dorée.

As-tu tiré le maximum de ton talent?

MBOYO: Quand on voit d’où je viens, je peux être fier de ce que j’ai fait. Chaque carrière est unique. Il y en a qui font carrière en provinciale, d’autres en D1 Amateurs, d’autres en D1 belge et d’autres encore à Liverpool. Tout le monde n’est pas Eden Hazard. Le plus important, c’est de tout faire pour aller le plus loin possible. Quand j’étais en condition, j’ai fait mon boulot sur le terrain. À Genk, j’étais bien parti, mais j’ai été blessé. C’était mon destin… Quand je suis revenu de Sion au Cercle, tout le monde a dit que j’étais fini. Mais j’ai 33 ans et je suis toujours là. Mon seul regret, c’est de ne pas avoir eu assez d’auto-discipline quand j’étais jeune pour faire ce qu’un footballeur professionnel doit faire.

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