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Oulare: l’amour est dans le prêt

Pierre Danvoye
Pierre Danvoye Pierre Danvoye est journaliste pour Sport/Foot Magazine.

Août 2015, Obbi Oulare quitte Bruges pour Watford, pour huit millions et un contrat de cinq ans. Août 2018, il signe au Standard, prêté pour la quatrième fois par les Anglais. Entre les deux, huit buts marqués. Oui, en trois ans. Où sont les bugs?

« Je veux marcher sur les traces de Romelu Lukaku et Christian Benteke  » : c’est signé Obbi Oulare. C’est ambitieux. Et après tout, c’est plausible quand on a déjà fait quelques matches de fou avec Bruges à 19 ans seulement. À ce moment-là, il marche encore un peu plus vite vers son rêve, il signe déjà en Angleterre. Obbi en pleine bourre. Mais ça, c’était avant.

Près de trois ans et demi après son transfert à Watford, il n’a pas progressé. Il n’a pas stagné. Il a reculé. Une misère de huit buts marqués en trois saisons, des passages courts / longs / très longs à l’infirmerie, une opération, quatre prêts, des relations tendues avec certains entraîneurs, une bagarre perpétuelle contre sa balance. Ça fait beaucoup.

Un départ sur un coup de tête

Et maintenant ? Peut-on encore croire en Obbi Oulare, sauveur du Standard à Saint-Trond, le week-end dernier ? Il ne parle plus trop de Lukaku. Il évoque plutôt Michel Preud’homme.  » Il m’a lancé à Bruges, je voudrais aujourd’hui qu’il me relance au Standard.  » Voici toutes les raisons qui ont provoqué ce parcours chaotique.

Son mois d’août 2015 est chahuté. Il monte pour la dernière demi-heure sur le terrain de Manchester United, en qualifications pour la Ligue des Champions. Il est catastrophique, pas impliqué, et Michel Preud’homme lui remonte sévèrement les bretelles dès la fin du match, dans le vestiaire, devant tout le groupe. Ça passe mal.

Quelques jours plus tard, il joue, marque puis sort sur blessure lors de la fameuse victoire 7-1 contre le Standard ( remember la seule pige d’ Eric Deflandre comme T1 jusqu’à présent, entre Slavo Muslin et Yannick Ferrera). Preud’homme intervient à nouveau publiquement et avoue que sa fragilité physique est  » problématique « .

Oulare: l'amour est dans le prêt

Et il n’y a pas que ça qui gonfle Oulare. Bruges attire deux attaquants dans les dernières heures du mercato : Jelle Vossen et Leandro Pereira. Pendant qu’Abdoulay Diaby est en train d’exploser. Alors, quand Mogi Bayat (qu’il ne connaît pas) lui propose de le caser à Watford, il fonce. Les yeux fermés. Bien plus tard, il reconnaît son péché de jeunesse.

 » Je n’avais pas rencontré Quique Flores, l’entraîneur, avant de signer. Une énorme erreur. Dès la fin du premier entraînement, j’ai compris qu’il ne comptait pas du tout sur moi. Il ne connaissait pas mon nom et ne savait même pas à quelle place je jouais. Mais tout était signé, c’était trop tard pour faire marche arrière. Et donc, la saison a vraiment été très compliquée. Je m’entraînais en sachant que je n’avais aucune chance de jouer.  »

Bilan de sa saison anglaise : deux montées au jeu de… deux et trois minutes en championnat, une mi-temps en Cup. Crash total.

Des relations joueur – coach compliquées

Ça s’est donc mal passé avec Quique Flores dans la banlieue londonienne. Et ça ne se passe pas beaucoup mieux avec Francky Dury à Zulte Waregem, premier de ses quatre prêts. Il y est arrivé fin juillet 2016, il est reparti dès janvier 2017. Avec des stats meilleures qu’à Watford mais quand même proches de la catastrophe : 11 matches joués mais uniquement des bouts de matches, pour un total de 168 minutes en six mois, donc pas même l’équivalent de deux rencontres complètes.

On connaît tous un footballeur frustré d’avoir dû monter au jeu pour quelques secondes. Contre le Standard, Genk, Bruges et Anderlecht, bref contre les géants belges, Obbi Oulare joue… une minute. Si Dury avait voulu lui faire des affronts, on voit mal comment il aurait pu s’y prendre autrement.

Une fois parti, et à nouveau prêté, à Willem II, où il va retrouver ses sensations, Obbi Oulare règle ses comptes avec son ex-entraîneur. En télé et dans les journaux. Comme à Watford, il a l’impression que c’était perdu d’avance.  » J’avais parlé avec Dury avant de signer et il m’avait dit qu’il m’alignerait en pointe, avec Mbaye Leye en soutien. Seulement voilà, il avait promis exactement la même chose à Igor Vetokele.

J’ai les preuves de ce que je dis, Vetokele m’a montré les messages de Dury. Bref, mon premier contact avec Dury a directement été un mensonge et je lui en veux. Si j’avais su tout ça, je n’aurais jamais signé. Dès le mois d’octobre, j’ai demandé à partir le plus vite possible. Et en décembre, Dury m’a dit que je ne jouerais plus.  »

Ses déclarations font beaucoup de bruit en Flandre. Obbi Oulare traite Francky Dury de menteur ! Alors, Zulte Waregem réagit officiellement, via un communiqué. C’est assez concis mais le joueur en prend pour son grade. On y lit notamment que  » pendant la période citée par Obbi Oulare, Zulte Waregem a réalisé un superbe parcours, et c’était le résultat de joueurs qui travaillaient dur.

Plus dur qu’un joueur qui multiplie maintenant les déclarations négatives à propos d’un club et de personnes qui lui ont pourtant accordé de belles chances (…) Zulte Waregem souhaite plein de succès à Obbi Oulare et espère qu’il affichera la discipline, l’engagement et le professionnalisme nécessaires à la réussite d’un joueur de foot.  » Une dernière pique pour signaler que le joueur avait promis de s’entraîner dur et de perdre ses cinq kilos excédentaires.

Surpoids chronique

On y arrive… Obbi Oulare passe sa vie à se battre avec son pèse-personne. Et à l’entendre, les Anglais n’ont rien arrangé à son problème. Au moment de son arrivée à Waregem, il nous confiait :  » À Watford, à un certain moment, je pesais 105 kilos. Du muscle, hein ! Pourtant, sur le terrain, je me sentais mou. Et quand j’en parlais aux entraîneurs, ils rigolaient.

En Angleterre, on a une vision très particulière des séances de musculation. À Bruges, j’évitais la salle de fitness parce que j’ai tendance à prendre rapidement du poids. Quand je suis arrivé à Watford, j’ai voulu mettre toutes les chances de mon côté mais on nous obligeait à boire des jus et j’ai grossi.

Je me suis disputé plusieurs fois avec les membres du staff pour qu’ils m’écoutent. Depuis, j’ai déjà perdu pas mal de kilos mais je dois encore en perdre pour arriver à mon poids de forme : 98 kilos.  »

Mais, donc, on semble n’avoir jamais vu son  » poids de forme  » à Waregem. Et quand il est arrivé à l’Antwerp, ce fut un des premiers sujets de conversation. Entendu à ce moment-là dans la bouche de Laszlo Bölöni :  » Oulare n’est ici que depuis 48 heures, on n’a même pas encore eu le temps de le peser. Mais je prévois déjà que la balance va souffrir. Je suis curieux de voir ça.  »

Il pesait alors 102 kilos, pour 1 mètre 96. Pour la science, il était en surpoids. Et Bölöni lui a directement imposé de maigrir. Conclusion pleine de bon sens d’Oulare :  » Perdre du poids, c’est difficile. Il faut du caractère et de la discipline. En fait, c’est une question mentale. Je viens de m’en rendre compte et j’en suis arrivé à la conclusion que mon poids jouera un rôle important jusqu’à la fin de ma carrière.  »

Un corps en cristal

On poursuit sur le thème des malheurs physiques d’Obbi Oulare. On revient à ce que Michel Preud’homme avait dit de lui après son tout dernier match avec Bruges, à sa fragilité problématique. Ce jour-là, il avait aussi ajouté :  » Avec le staff médical, on ne sait plus comment le gérer. Ça fait un an qu’on planche sur ses problèmes à répétition, qu’on adapte des séances sur mesure, mais il reste encore et toujours fragile.  »

Impossible pour lui de faire une saison sans pépins de santé depuis qu’il est pro. Il y a, déjà, le problème spécifique des crampes. Au début de cette année, il nous expliquait ceci :  » Avant, j’avais toujours le chrono du stade à l’oeil parce que je savais qu’après l’heure de jeu, les crampes allaient apparaître. Ça, c’est fini. Donc, ma condition s’est améliorée par rapport à ce qu’elle était à Bruges. Aujourd’hui, je serais sans doute capable de jouer trois matches par semaine.  »

Après ces crampes chroniques, il y a eu plein d’autres coups d’arrêt.  » Ses blessures, ce n’est pas son point faible, c’est carrément sa bête noire « , a déclaré son coéquipier anversois Dino Arslanagic. Mais ce serait, maintenant, de l’histoire ancienne. Obbi Oulare n’a pas été opérationnel dès sa signature au Standard, en août dernier. Parce qu’il achevait de se remettre d’une opération à la hanche, subie en avril.

 » Toutes mes blessures des dernières années, je les ai eues à la jambe droite. Les spécialistes ont fini par trouver l’origine : j’avais un problème à la hanche, un déséquilibre. Tous les jours, pendant presque sept ans, j’ai eu mal à la hanche en sortant du lit. Je compensais sur le terrain et c’est ça qui a provoqué tous mes soucis à la jambe. Et j’aurais continué à enchaîner les blessures si je ne m’étais pas fait opérer. Aujourd’hui, c’est réglé.  » To be confirmed.

Obbi l’a dit

  •  » Le savon de Michel Preud’homme dans le vestiaire d’Old Trafford, c’est le pire moment de ma carrière jusqu’ici.  »
  •  » Avec le recul, je ne ferais plus le choix de signer à Watford, je resterais à Bruges. Mais la PremierLeague m’avait toujours fait rêver.  »
  •  » J’ai pu goûter à la Premier League mais je n’ai eu que l’entrée.  »
  •  » Quand on joue cinquante minutes sur une saison, il faut pouvoir rester zen.  »
  •  » En Angleterre, il y a tellement d’argent que même en étant transféré pour huit millions, tu n’es pas sûr d’avoir une place sur le banc.  »
  •  » Ça arrange bien certaines personnes de dire que, si je n’étais pas toujours à 100 % physiquement, c’était uniquement de ma faute.  »  » Dans les dernières minutes d’un match, je sens mes muscles qui craquent.  »
  •  » Mon torse est normal mais j’ai de très grosses jambes.  »
  •  » Tout le monde sait que je ne suis pas un coureur de fond. On ne fera pas de moi un Timmy Simons ou un Ruud Vormer.  »
  •  » Je donne peut-être l’apparence d’une certaine facilité mais je ne suis pas un fainéant.  »

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