Jacques Sys

On ne discute pas, on joue

Jacques Sys Jacques Sys, rédacteur en chef de Sport/Foot Magazine.

Certains joueurs sont passés maître dans l’art de se plaindre. A Anderlecht, au Standard et à Bruges, on cherche des leaders.

Après la prestation lamentable du Standard à Molde, on a eu l’impression que certains joueurs n’étaient plus prêts à aller au feu pour leur entraîneur, Slavo Muslin. Ils ne se sentiraient pas à l’aise dans le système prôné par le Serbe. Jelle Van Damme, le capitaine, a dû calmer les supporters qui avaient effectué le déplacement et a dit que chaque joueur devrait se regarder dans la glace. Une déclaration étonnante. Trois jours plus tard, face à Ostende, le Standard a affiché, par moments, le tempérament qui a fait la réputation du club. Mais qu’en sera-t-il jeudi à l’occasion du match retour d’Europa League contre Molde? Et dimanche, au Club Bruges?

Certains joueurs sont passés maîtres dans l’art de se plaindre et d’oublier qu’ils avaient aussi des devoirs. Pour eux, tout ce qui arrive est la faute des autres. Bien sûr, en changeant sans cesse d’occupation de terrain, Slavo Muslin n’a pas arrangé les histoires. Des erreurs ont également été commises au niveau de la direction mais cela ne donne pas aux joueurs le droit de tirer à boulets rouges.

Le fait que cela arrive démontre combien le monde du football a changé: les joueurs sont de plus en plus des passants, ils vivent dans leur monde, les défaites ne les empêchent pas de dormir et ils se laissent vivre. Ils dédaignent les collègues qui tentent de défendre la culture du club et n’ont aucun sens de l’autocritique. L’entraîneur est leur bouc émissaire favori. S’ils ne jouent pas ou s’ils jouent mal, c’est parce qu’on ne les a pas mis en confiance.

On en a encore eu un bel exemple la semaine dernière avec Anthony Vanden Borre. La façon dont il a attaqué Anderlecht manquait de l’élégance la plus élémentaire. Et dire que le club était allé le rechercher alors que sa carrière était dans l’impasse. Mais la direction d’Anderlecht a bien dû constater que Vanden Borre est incapable de se concentrer très longtemps sur son job sans retomber dans ses travers.

Le fait de ne pas s’en apercevoir est au moins aussi étonnant que la façon dont il a démoli Besnik Hasi. Etrange aussi, le fait qu’Anderlecht ait réagi en tenant une conférence de presse mais n’ait pas pris de sanction à l’égard du joueur. Pour des raisons juridiques, sans doute. Mais cela aurait au moins permis d’envoyer un signal.

Nos grands clubs sont devenus champions du bricolage.

Entre-temps, le club bruxellois vit des jours difficiles et on peut s’étonner que Besnik Hasi ne parvienne pas à faire tourner l’équipe. A Ostende, celle-ci a même touché le fond. Comment est-ce possible? Comment se fait-il qu’il faille régulièrement remonter les bretelles de joueurs grassement payés alors qu’ils devraient au moins être motivés?

Nos grands clubs traditionnels sont devenus champions du bricolage. Au Club Bruges aussi, Michel Preud’homme s’est souvent plaint du manque de rythme qu’affichait son équipe en début de partie. Il aurait encore pu le faire après le match à Zulte Waregem, où la première période fut terriblement mauvaise, mais il s’est limité à parler de manque d’efficacité. A Bruges, on n’accepte pas le manque d’engagement et il n’est pas normal que l’entraîneur doive rappeler aussi souvent ses troupes à l’ordre.

Par le passé, c’est le groupe qui dictait sa loi. Celui qui ne se retroussait pas les manches était mis à l’écart par ses équipiers. Aujourd’hui, le Club se cherche un leader. Comme Anderlecht et comme le Standard. Même si certains joueurs estiment qu’ils peuvent remplir ce rôle.

La hiérarchie n’est pas toujours respectée et cela complique la tâche des entraîneurs. Ceux-ci doivent veiller à ce que les joueurs, qui se croient souvent intouchables, donnent le meilleur d’eux-mêmes. Ils doivent user de psychologie, de ruse, et faire des compromis. Surtout avec les prétendues vedettes. Finalement, les individualités font désormais bien plus souvent la différence que les entraîneurs. Si Barcelone a décroché le triplé cette année, ce n’est pas seulement grâce à la présence de Luis Enrique sur le banc.

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