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« OHL marche sur les traces d’Ostende et de l’Antwerp »

À 32 ans et après une pige aux confins de la Chine puis huit mois d’arrêt, Julien Gorius croit en une renaissance à Louvain.

Au magnifique complexe d’entraînement d’OHL, situé à Oud-Heverlee, les travaux battent leur plein. Les terrains sont dans un état impeccable et les infrastructures sont en constante amélioration. Julien Gorius lit tranquillement la presse francophone en nous attendant. Le Français est de retour en Belgique après une pige en Chine mais il n’a pas encore pleinement réussi son come-back, la faute à des pépins physiques qu’il a enfin surmontés. À terme, il doit devenir le patron de l’ambitieuse équipe de D1B après avoir été le leader de Malines et de Genk. Rencontre avec un joueur revanchard et loin d’être fini.

« Huit dixièmes des clubs de D1A n’ont pas un centre d’entraînement comme celui d’OHL. » Julien Gorius

Changchun Yatai : c’est dans cette ville méconnue de l’extrême nord-est de la Chine, dans ce qu’on appelait autrefois la Mandchourie, que Julien Gorius a abouti à l’hiver 2016 au terme d’un mercato éreintant qu’il n’oubliera pas de sitôt.  » J’étais à Genk depuis quatre ans et j’arrivais en fin de contrat « , explique-t-il.  » Avec ma femme, on avait pris la décision que c’était le bon moment pour tenter une aventure à l’étranger et j’avais signifié au club limbourgeois que je ne prolongerais pas. J’ai eu plusieurs offres et, dans le courant du mois de janvier, tout était conclu avec Genclerbirligi, en Turquie. On avait trouvé une école internationale pour ma fille et j’étais prêt à prendre l’avion pour aller signer mais le club a ensuite fait traîner les choses. Les jours se sont écoulés et, à la fin janvier, la période de transferts s’est clôturée sans que je m’en aille. Je m’étais donc résolu à finir la saison à Genk. Puis, un club suisse s’est manifesté et enfin, une formation chinoise que je ne connaissais pas du tout. Je n’ai pas trop hésité parce que financièrement, je pouvais multiplier plusieurs fois mon salaire et parce que j’avais envie de voir autre chose après plus de dix ans passés en Belgique. Je savais aussi qu’une occasion pareille ne se présenterait pas deux fois….  »

Reste que si le nom de Changchun ne vous dit pas grand-chose, c’est dans une mégalopole que Julien Gorius a mis les pieds. Près de huit millions d’habitants, une ville qui grouille en permanence et qui, comme de nombreuses cités chinoises, se ramifie et évolue à la vitesse grand V.

 » Pourtant, aux normes de la Chine, c’est une petite ville proche de la Corée du Nord. Enfin, quand je dis proche, tout est relatif puisqu’il y a une heure d’avion… « , rectifie le Français.  » Les premiers jours ont été compliqués parce que j’ai dû me rendre à Pékin pour passer mon examen médical et signer mon contrat puis revenir dare-dare en Belgique pour obtenir un visa de travail définitif et enfin y retourner. À ce moment-là, l’équipe était en stage de préparation à l’autre bout du pays parce que dans le Nord, en hiver, on passe allègrement sous la barre de 0 degré et la nuit, il peut faire jusqu’à -20 ° sans problème. Ma femme était enceinte de notre deuxième enfant et dans ces conditions, elle n’est donc pas venue tout de suite me rejoindre. C’est vrai, les premières semaines ont été épiques.  »

Problème de com’

Le coach du club chinois, Slavisa Stojanovic, avait insisté auprès de la direction pour obtenir les services du Messin d’origine mais les débuts sportifs furent si compliqués qu’après sept matchs, le coach fut limogé… Julien Gorius s’est, en outre, heurté à une problématique qu’il avait envisagée mais à laquelle il n’était sans doute pas prêt : la communication.

 » Les Chinois ne parlent pas anglais et les seuls joueurs avec lesquels j’avais une relation étaient mes coéquipiers brésiliens et un autre Croate. Pour le reste, c’était compliqué… J’avais un bon dialogue avec l’entraîneur, qui me connaissait de son passage au Lierse, mais quand il a été mis dehors, c’est un Coréen qui l’a remplacé. Ce dernier ne parlait ni le chinois, ni l’anglais, et il fallait donc une double traduction en permanence… Un entraînement prenait ainsi deux fois plus de temps que la normale (il rit). Mais attention, je ne crache pas dans la soupe. Cette expérience fut malgré tout magnifique sur le plan sportif et surtout humain. J’ai affronté Ezequiel Lavezzi, qui est un joueur fabuleux, j’ai sympathisé avec Gervinho, Stéphane Mbia et j’en passe. J’ai joué dans des stades copieusement garnis par 50.000 supporters mais sur le plan familial, j’ai souffert. Trois à quatre jours par semaine, on était en voyage ou en mise au vert et, pour mon épouse et ma fille, la vie n’était pas gaie. Il n’y a pas énormément de choses à faire dans une ville tentaculaire où vous logez dans un bel hôtel. Elles sont donc revenues assez vite en Belgique et venaient me rendre visite de temps en temps. Chaque départ était une déchirure. Pour moi, il était clair qu’au terme de mon contrat d’un an, j’allais revenir en Belgique.  »

Et le voici donc de retour dans un pays qui l’a adopté et qu’il a appris à aimer. C’est ici qu’il restera vivre au terme de sa carrière. Une échéance qui approche lentement mais que le meneur de jeu va repousser au maximum.

 » À 32 ans, je suis loin d’être fini mais je suis d’accord pour reconnaître que mon retour ne se passe pas tout à fait comme prévu « , dit-il honnêtement. Pendant quelques mois, l’Alsacien, qui était arrivé en Belgique au FC Brussels par le biais d’Albert Cartier à l’époque, s’est entraîné en solitaire en attendant de trouver le club idéal. Puis les choses ont traîné, une fois de plus… » Je suis arrivé en novembre et pendant six semaines, j’ai gardé la condition en allant courir et en faisant de la salle. J’ai eu plusieurs offres de D1A et D1B mais dans la mesure où ça pouvait être mon dernier contrat, je voulais trouver chaussure à mon pied et découvrir un projet emballant. Je vais finir par me dire que le mercato de janvier ne me réussit pas parce qu’au terme de celui-ci, je n’avais signé nulle part. Puis vous connaissez la musique, les clubs cherchent à se renforcer avec des joueurs qui ont un rendement immédiat et ils hésitent en voyant qu’un joueur n’a pas disputé un seul match depuis deux ou trois mois.  »

Lâché par son corps

 » Jusque-là, ma trajectoire avait toujours été croissante  » dit-il.  » J’étais arrivé sur la pointe des pieds au Brussels, puis j’avais réellement explosé à Malines avant de jouer le top du classement avec Genk. Mais là, c’était autre chose. Heureusement, financièrement, je pouvais me permettre d’attendre et dès le mois de mars, les premiers contacts ont été noués avec Louvain. Les projections du club étaient intéressantes, le feeling excellent, les contacts pendant plusieurs mois récurrents et j’ai finalement signé en fin de saison parce que j’ai eu entière confiance en Wim De Corte, le directeur technique. Et je sais que je ne me suis pas trompé.  »

Reste qu’entre la théorie et la pratique, il y a une différence. Parfois un fossé. Et alors que Julien Gorius, fort de plus de 350 matchs et 75 buts en D1, aurait dû être le boss d’OHL, le voilà sur le banc à attendre une chance. La faute à des pépins physiques.  » Je me suis rendu compte qu’après plusieurs mois sans entraînement collectif de haut niveau, la charge de travail était trop importante pour moi. Mon corps ne l’a pas supporté et j’ai eu des bobos récurrents. J’ai débuté la saison comme titulaire mais au deuxième match, je me suis déchiré aux adducteurs, blessure qui m’a mis sept semaines sur la touche. La chance que j’ai, c’est que le club est patient et compréhensif avec moi. Il me laisse le temps de revenir. Depuis le début du mois de novembre, je suis de nouveau très bien dans ma peau. J’ai faim de football et je veux à nouveau lutter à armes égales avec mes coéquipiers.  »

Julien Gorius se plaît à Louvain. Il vient d’acheter un terrain dans la région pour y bâtir la demeure familiale, sa fille aînée est bilingue, son épouse travaille dans l’immobilier. Vous l’aurez compris, il n’est pas venu en transit dans la cité estudiantine. Au contraire, il croit dur comme fer en ce projet et veut en être :  » Je suis certain que OHL sera, dans deux ou trois ans, du même acabit qu’Ostende ou l’Antwerp  » , affirme-t-il.  » Ici, il ne se passe pas un jour sans que quelque chose ne change ou soit transformé. Ce club se développe sans arrêt. Huit dixièmes des clubs de D1A n’ont pas un centre d’entraînement comme le nôtre.  »

Le club a été racheté il y a quelques mois par Vichai Srivaddhanaprabha, un homme d’affaires thaïlandais déjà propriétaire de Leicester City, champion d’Angleterre en 2016. Le président a d’ailleurs décidé d’inviter cent supporters d’OHL à assister à un match de Premier League en janvier prochain au King Power Stadium pour la venue de Watford. Un joli geste ! C’est aussi ce qui explique la présence au poste de T1 de Nigel Pearson, lui-même ancien coach des Foxes.

Pas là pour faire le nombre

 » C’est un super coach et on progresse énormément au quotidien « , explique Gorius.  » On a fini deuxième de la première tranche et si on veut avoir une chance d’être promus, on doit gagner la seconde. C’est compliqué parce que c’est un championnat un peu particulier mais le jeu en vaut la chandelle et on est hyper motivé. Le groupe est plein de talent avec des joueurs comme David Hubert, Koen Persoons, Copa Boubacar et j’en passe. On a aussi le meilleur buteur de la série avec Yannick Aguemon. La concurrence est forte mais mon objectif est clair : être titulaire au mois de janvier. Ceux qui pensent que je suis fini se trompent. Je ne suis pas venu à OHL pour faire le nombre et je vais le prouver.  »

David Dupont

 » Amis pour la vie avec Chen et Kawashima  »

L’amitié est parfois une notion fragile, peut-être plus encore dans le monde du football professionnel où chacun veille avant tout à son intérêt personnel avant de se soucier des autres ou de tendre la main. En plus de dix ans de carrière professionnelle, Julien Gorius en sait quelque chose et ses intimes, il les compte sur les doigts d’une main. Voire moins…

 » Les seuls dont je puisse dire sans la moindre hésitation que dans quinze ou vingt ans, on sera encore en contact, c’est Xavier Chen et Eiji Kawashima. J’ai joué longtemps avec Xavier à Malines et c’est vraiment un mec en or. Avec Eiji, c’est différent parce qu’on s’est affronté plusieurs fois mais sans jamais porter le même maillot. On a un ami commun qui nous a permis de nous rencontrer et ça a tout de suite collé. Xavier et lui sont très érudits, ils ont une culture générale fabuleuse et c’est des gars très enrichissants avec qui on peut parler de plein de choses. Eiji parle cinq langues. Quand j’ai eu l’occasion de partir en Chine, Xavier est le premier que j’ai appelé pour avoir son avis et ses conseils puisqu’il y avait joué lui aussi. Le plus fou c’est qu’Eiji est désormais à Metz, le club où j’ai tout connu avant d’arriver en Belgique « , conclut Gorius.

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