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Nenad Petrovic : « Mogi Bayat a provoqué une trumpisation du métier »

Pierre Danvoye
Pierre Danvoye Pierre Danvoye est journaliste pour Sport/Foot Magazine.

Nenad Petrovic a fait une bonne dizaine d’années dans le monde des agents. Avec quelques jolis coups – Jestrovic, Roussel, Preud’homme, Fellaini, … Mais il a aussi pris pas mal de coups dans le dos. Alors, dégoûté, il a plaqué le milieu. Sans regrets. Monologue sans tabous sur cet univers de requins.

« Pour devenir agent, il n’y a plus d’examen, plus de caution à déposer. Tu paies 500 euros et tu as ta licence. Et donc, il y en a aujourd’hui un peu plus de 350 en Belgique ! Mais combien en vivent ? Ici, ils sont aussi confrontés à la présence d’un agent omnipotent, Mogi Bayat. Et le marché belge n’est déjà pas immense. C’est le cercle vicieux. Eugène Ionesco disait : Prenez un cercle, caressez-le, il deviendra vicieux. On est en plein dedans. Bayat, c’est l’agent presque unique et la pensée unique. Il a provoqué une trumpisation du métier. Regarde ses tweets, souvent à sa gloire. Il passe du temps à insulter les arbitres sur les réseaux sociaux dès qu’il estime que l’arbitrage a été défavorable à Charleroi – et le club, avec l’homme au masque de frère, ne réagit pas. Il se moquait de Yannis Anastasiou quand il était entraîneur de Courtrai, tout ça parce qu’un de ses joueurs, Jérémy Perbet, ne jouait pas. Tu ne vois ça dans aucun autre pays.

Comme joueur, tu es souvent obligé de travailler avec Mogi Bayat, directement ou indirectement. Parce que les dirigeants te l’imposent. Je prends un exemple saisissant. Quand Patrick De Koster transfère Idrissa Sylla de Waregem à Anderlecht, il est obligé de passer par Bayat et donc de partager la commission. De Koster est compétent pour gérer Kevin De Bruyne mais il n’est pas compétent pour s’occuper seul de Sylla ? Comprenne qui pourra !

Et on est en permanence dans le conflit d’intérêts. Matthew Benham, le propriétaire de Brentford, m’a parlé de Bayat, il était sidéré. Il a acheté Maxime Colin à Anderlecht. Il m’a expliqué leur discussion : Il a déjà été très dur sur les conditions salariales pour le joueur. On a fini par trouver un accord. À ce moment-là, je lui dis que je vais contacter Anderlecht. Il me lâche que ce n’est pas nécessaire parce qu’il a un mandat du club. Il a changé de casquette comme ça, en trois secondes. Être en même temps agent d’un joueur et mandaté par le club qui le vend, c’est impossible en Angleterre. Si tu fais ça, la fédération te découpe en rondelles. Bayat a pris une commission des deux côtés.

Il y a des axes. Charleroi – Anderlecht – Gand. Là-bas, Bayat est dans tous les deals, entrants et sortants. Il y a eu Genk. Dirk Degraen a fini par se faire couper la tête à cause de ses accointances avec Bayat et le club a mis du temps à se remettre de tout ce cirque. On voit des transferts complètement improbables et des montants que personne ne comprend. Dans ces clubs, le nom de l’agent est plus important que la qualité du joueur. Pour Kenny Saief, on dit qu’il y a une option d’achat entre 3 et 4 millions ! Pour un gars qui était réserviste à Gand ! Ryota Morioka coûte plus de 3 millions ! On peut rappeler David Pollet, exemple type de l’axe Charleroi – Anderlecht – Gand. Et Genk avait pris Sébastien Dewaest pour 2 gros millions, tout ça parce qu’Anderlecht lui avait acheté Kara pour 4 millions.

Qui était le grand gagnant de l’histoire ? Charleroi qui n’aurait jamais reçu autant d’argent, dans des conditions normales, pour Dewaest. Idem avec le transfert de Damien Marcq à Gand. C’était aussi 2 millions. Six mois plus tard, Gand a fait une moins-value fantastique. Est-ce que Hamdi Harbaoui aurait eu une chance de signer à Anderlecht s’il avait eu un autre agent que Bayat ? C’est un top joueur mais pour un club moyen. Comme Jérémy Perbet, comme Cédric Roussel dans le temps. Sven Kums est un gentil garçon, mais 6 millions pour lui…

Au final, on se retrouve avec une équipe d’Anderlecht qui est probablement la plus faible depuis la grande période avec Gaston Taument et Dan Petersen, à la fin des années 90. Personne ne donne 3 millions pour une maison qui vaut 3 fois moins. Mais dans le foot belge, ça peut se faire. Le problème, c’est que sur le terrain, tu ne peux pas cacher tes carences. Anderlecht, c’est quoi aujourd’hui ? Ils sont ridicules sur la pelouse. S’ils étaient ridicules avec des caisses pleines, on pourrait encore les traiter de radins. Mais non, là ils ont un stade obsolète, 40 millions de dettes et une équipe de brèles.

Heureusement, l’arrivée de Marc Coucke devrait tout changer. Ça va être une révolution pour le foot belge parce que tout cet équilibre précaire, avec Anderlecht dans le rôle principal, va être rééquilibré. Je pense qu’un séisme est en préparation. Coucke est comme Bart Verhaeghe : les noms des agents, il n’en a rien à foutre. Coucke est un gars brillantissime. Il fait le clown mais ce n’est pas un clown. Il fait la fête mais il sait compter, même en faisant la fête ! Pour le moment, son discours par rapport aux agents est intelligent. Il dit qu’il veut bien travailler avec tout le monde. Normal, il sait qu’il y a la moitié de l’équipe et le coach qui appartiennent à Bayat, et il ne veut pas arriver dans des clashes monstrueux. Mais je suis persuadé que son arrivée et la venue de Luc Devroe vont rebattre les cartes. »

Par Pierre Danvoye

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