« Michel Verschueren savait toujours ce dont Anderlecht avait besoin »

Bart Aerts

Bruno Govers, ancien journaliste chez Sport/Foot Magazine et responsable de la tribune de presse d’Anderlecht, évoque ce monument du club le plus titré du pays et du football belge dans son ensemble.

Anderlecht et par extension le football belge ont perdu un monument. Michel Verschueren est décédé à 91 ans ce mercredi. En tant que manager du club bruxellois, il s’est distingué par une politique rigoureuse et des punchlines qui sont restées dans les mémoires. Bruno Govers, ancien journaliste de Sport/Foot Magazine et responsable de la tribune de presse au Parc Astrid, revient pour nous sur la riche carrière de « Mister Michel ».
Michel Verschueren a été manager (ou directeur) général d’Anderlecht entre 1981 et 2003. Ce furent des années de succès pour le club bruxellois, un contraste saisissant avec la situation actuelle. Sous la direction de l’emblématique président Constant Vanden Stock, Verschueren a remporté onze titres de champion de Belgique et a connu trois finales de Coupe d’Europe (dont une remportée en 1983 contre Benfica). Il avait commencé sa carrière, on s’en souvient beaucoup moins, comme préparateur physique à Eendracht Aalst. Il avait alors 26 ans et a apporté avec lui de nouvelles idées provenant du « Sportkot » de Louvain.

Le président d’Anderlecht de l’époque, Albert Roosens, tenait Verschueren à l’oeil et l’a fait venir à Anderlecht. « En termes d’entraînement physique, Verschueren est un pionnier », estime Bruno Govers, ancien journaliste de ce magazine qui couvrait l’actualité d’Anderlecht. « Il a introduit les notions d’endurance et résistance dans les entraînements du football belge. L’entraînement par intervalles (ou fractionnés) était son cheval de bataille. Paul Van Himst a dit un jour qu’il était un crack pour exténuer les
joueurs »
, raconte Govers.

Lors de son « transfert » vers un autre club bruxellois, le RWDM, Verschueren devient pour la première fois manager d’un club et donc responsable de sa gestion. Et dans ce rôle aussi, il va changer les règles du jeu en apportant un vent nouveau et de nouvelles idées. Les résultats brillants des Coalisés à cette période n’ont pas échappé à Vanden Stock et le « Renard Argenté » revient à Anderlecht en 1980. Le paire d’as Constant Vanden Stock et Michel Verschueren était née.


« Michel Verschueren était un véritable bourreau de travail », rappelle Bruno Govers. « Il était le premier à arriver au stade et le dernier à en repartir. C’est l’entraîneur Tomislav Ivic qui a commencé à l’appeler Mister Michel. »


Et quand Mister Michel voulait quelque chose, il l’obtenait. Tout joueur ou entraîneur qui jouait un vilain tour aux Bruxellois avait une chance de rejoindre les rangs mauves et blancs la saison suivante. « Sa devise était de diviser pour mieux régner. Il affaiblissait les adversaires pour renforcer sa propre équipe, mais il mettait aussi l’argent qu’il fallait pour y parvenir », poursuit l’ancien journaliste de Sport/Foot Magazine. « Il a donc fait venir des joueurs de la trempe de Bruno Versavel, Marc
Emmers
et Philippe Albert, ainsi que l’entraîneur Aad de Mos, lorsque le FC Malines s’est immiscé au sommet du football belge et a remporté la Coupe des vainqueurs de Coupe. »

Parmi les autres grands noms que Verschueren a embrigadé à Anderlecht figurent ceux de Juan Lozano,
Luc Nilis, Marc Degryse, Enzo Scifo
et Pär Zetterberg. « Pourtant, il y avait parfois des doutes
sur sa connaissance du football, mais il savait de quoi il parlait »
, explique Bruno Govers. « C’est ainsi qu’il a découvert Adri Van Tiggelen. Il a toujours su ce dont Anderlecht avait besoin. »

Michel Verschueren suivait encore régulièrement son club. Ici en février 2019 avec Yannick Bolasie. (Photo credit should read NICOLAS MAETERLINCK/AFP via Getty Images)

Verschueren a investi non seulement dans des joueurs, mais aussi dans un stade. « Il a eu l’inspiration lors qu’il s’est rendu au New York Cosmos, aux Etats-Unis », poursuit notre interlocuteur. Dans ce club aujourd’hui disparu (même s’il a été recréé en 2010) et qui a attiré un certains nombre de stars du football mondial dans les années 70 et 80 (Pelé, Giorgio Chinaglia, Johan Neeskens, Franz Beckenbauer ou Johan Cruyff), il a notamment découvert les business seats.
Quand le stade Constant Vanden Stock a été inauguré en 1983, la star mondiale Diego Maradona en est l’invité d’honneur. Il s’agit du premier stade du football en Belgique avec des loges et des business seats qui seront (et sont toujours) une grande source de revenus supplémentaires pour le club le plus titré du Royaume.


Verschueren est aussi connu pour son franc-parler et son sens de la formule. Ce qu’on appelle aujourd’hui des punchlines. « Les grévistes sont oisifs », est une phrase qui l’a longtemps poursuivi au cours de sa carrière. Après ce dérapage dans l’émission Morgen Maandag de la BRTN en 1993, il s’est excusé auprès de certaines des supporters d’Anderlecht qui avaient fait grève à l’usine Renault de Vilvorde, qui sera ensuite définitivement fermée.

Les liens entre Verschueren et les supporters étaient particuliers comme l’explique Bruno Govers : « Les supporters d’Anderlecht ont toujours été critiques et Michel n’a jamais hésité à aller dialoguer avec le kop pour calmer les choses quand les résultats n’étaient pas bons. Il y est toujours parvenus parce que les supporters le respectaient énormément. »

Michel Verschueren a fait ses adieux à Anderlecht en 2003. Il ne s’entendait pas avec son successeur Herman Van Holsbeeck. Dans les derniers jours du mandat de Mister Michel, Van
Holsbeeck a déclaré qu’il considérait son aîné comme une belle-mère : « Maintenant, c’est assez, il est temps qu’il cède la main. »

Ces adieux sont difficiles à vivre pour Verschueren qui continue de se tenir au courant de tout et s’inscrit malgré son âge avancé sur le réseau social Twitter. Là aussi, son franc-parler et son sens de la formule feront quelques ravages. « Vincent reste où tu es pour le moment et tout le monde est content », a-t-il notamment écrit lorsque le nom de Kompany a été cité comme un possible sélectionneur national. Le marasme sportif et financier de ces dernières années avait fortement affecté le nonagénaire, même s’il conservait son optimisme. « Anderlecht est comme le CVP (le CD&V actuellement), ils reviennent toujours, n’arrêtait-il pas de le répéter », raconte Govers.

Il y a quelques mois, en mai, Verschueren a perdu sa femme Marie-Louise Susic. « J’ai tout perdu, je dois l’accepter », disait-il encore pas plus tard que le week-end dernier dans Het Nieuwsblad.

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