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Les chantiers de Kompany à Anderlecht

Pierre Danvoye
Pierre Danvoye Pierre Danvoye est journaliste pour Sport/Foot Magazine.

Il reste huit matches pour arracher une place dans les play-offs 1. Ce qu’on sait déjà: les Mauves devront cravacher. Et ça passera par de la stabilité.

« Ça va venir », lâche Vincent Kompany après le pauvre match contre Gand. Trois mots qui claquent. Le coach d’Anderlecht se réjouit aussi de la progression de son équipe, de ses individualités. Mais une conclusion s’impose après les prestations ratées à Mouscron et contre les Buffalos: le chantier reste conséquent. Anderlecht est loin d’être une équipe séduisante, belle à voir jouer. Au Canonnier, l’excuse du terrain pouvait tenir – et encore. Au Lotto Park, plus du tout. Et on a compté les essais cadrés sur les doigts d’une seule main. C’est une constante depuis le début de l’année: pour Anderlecht, pas de penalty, c’est pas de but marqué… Le mercato, tout juste terminé, a permis d’apporter quelques corrections chirurgicales. Avec quelles chances de succès d’accrocher in fine le top 4? Analyse.

Peter Verbeke a déjà réalisé une quarantaine de transactions depuis son arrivée il y a un an. Surtout des transactions de pauvre.

Récupérer des leaders

Au moment de la grosse flingue conjointe de Matt Miazga et Hannes Delcroix à Mouscron, au moment de ce but gag venu d’un grave manque de communication entre ces joueurs, on a repensé à un passage de l’interview que Vincent Kompany a donnée il y a quelques semaines à Eleven Sports et Sport/Foot Magazine. On lui avait demandé s’il ne manquait pas un Kompany dans l’équipe, encore plus dans une zone aussi cruciale que l’axe de la défense. Il nous avait répondu ceci: « Le joueur Kompany ne devrait pas être à Anderlecht, ce n’est pas réaliste de se baser là-dessus. Il faut se baser sur les joueurs qu’on possède et sur leurs qualités. Ils ont un bon niveau pour le championnat de Belgique. C’est sûr que, vu la jeunesse de l’équipe, il n’y a pas le nombre de cadres qu’on voyait dans les équipes d’Anderlecht qui ont connu des grands succès. Mais on en a quand même. On a des joueurs qui, malgré leur jeune âge, sont capables de prendre le relais au niveau du leadership. Je pense à Albert Sambi Lokonga, à Hendrik Van Crombrugge. »

À ce moment-là, Vincent Kompany n’évoque pas Adrien Trebel, qui est à l’infirmerie. Mais le Français vient de rentrer de blessure, et à Mouscron (surtout), puis contre Gand, on a directement constaté son apport. Dans le jeu, mais aussi sur le plan mental. Trebel est un meneur et il va faire du bien. On peut dire la même chose de Van Crombrugge, toujours blessé. Anderlecht attend aussi les retours d’ Elias Cobbaut et Yari Verschaeren, deux joueurs susceptibles de se replacer rapidement dans l’équipe de départ, mais ils n’ont pas ce profil de leaders.

De nombreux défis attendent encore Kompany à Anderlecht.
De nombreux défis attendent encore Kompany à Anderlecht.© BELGAIMAGE

Trouver le bon trio médian

Sur cette portion décisive du terrain, Vincent Kompany a déjà énormément bricolé. Parfois contre son gré, comme quand Adrien Trebel a disparu de la circulation sur blessure à la fin du mois de septembre alors qu’il était le moteur de l’équipe, ou comme quand il a dû accepter le retour de Percy Tau en Angleterre au début de l’année.

À côté de ça, il y a eu énormément d’essais infructueux. Le coach a eu beaucoup de patience avec certains joueurs, comme Peter Zulj, entre-temps parti en Turquie, ou Michel Vlap, qui a rarement donné satisfaction et a choisi de poursuivre la saison en Allemagne. De tous les joueurs utilisés dans l’entrejeu depuis l’été, il y en a trois qui méritent d’être toujours dans l’équipe: Percy Tau, Adrien Trebel et Albert Sambi Lokonga. Aujourd’hui, il faut donc remplacer Tau, et si tout se met bien, la place devrait être pour Abdoulay Diaby. S’il n’y a pas une nouvelle rechute pour Trebel et si Diaby retrouve ses sensations, c’est un trio qui a de la gueule. L’efficacité de Diaby, l’élégance de Sambi Lokonga, la rage de vaincre de Trebel, tout ça se marie bien. Pour ces trois positions, Kompany dispose de huit joueurs. Josh Cullen et Anouar Ait El Hadj, régulièrement alignés ces dernières semaines, devraient faire les frais du retour de Trebel et de l’arrivée de Diaby, Yari Verschaeren est toujours à l’infirmerie, Marco Kana vit une saison très compliquée et il y a le point d’interrogation Majeed Ashimeru, arrivé récemment de Salzbourg en prêt, mais pas encore apte physiquement.

Continuer à faire comprendre son football

Vincent Kompany nous a expliqué récemment qu’Anderlecht était l’équipe « avec la plus grande marge de progression » en Belgique. Il sait que le jeu qu’il a en tête n’est pas nécessairement le plus simple à enseigner. Mais il compte sur la faculté d’adaptation de ses joueurs. Et sur leur force de travail. « J’ai eu la chance d’avoir le parcours que j’ai eu, mais on ne me l’a pas donné, rien ne coule de source. J’ai travaillé très dur. Ma trajectoire n’a pas été celle de Lionel Messi, j’ai dû bosser pour recevoir tout ce que j’ai reçu. Et je me suis battu, toute ma carrière. J’ai été blessé dix mille fois, je suis chaque fois revenu. J’ai dû m’adapter à des styles de jeu qui, d’après certaines personnes au niveau international, n’étaient pas faits pour moi. Quand Roberto Mancini est arrivé à Manchester City, j’ai entendu que ce n’était pas un entraîneur pour moi. Soi-disant, il fallait une plus grande solidité défensive pour lui convenir et j’étais trop joueur, trop ceci, trop cela. Ces gens-là, j’ai réussi à les faire changer d’avis. Quand Pep Guardiola est arrivé, on a de nouveau dit que ça allait être compliqué pour moi. Mais ça a marché. Tout ça parce que j’étais flexible. Dans le football de haut niveau, il faut pouvoir s’adapter. Je transmets tout ça à mes joueurs, je leur transmets mon savoir, mais sans exiger qu’ils fassent des choses pour lesquelles ils ne sont peut-être pas encore prêts. »

Compenser les départs

Vincent Kompany a perdu son meilleur joueur moins de deux mois après l’ouverture du championnat. Fataliste.  » Jérémy Doku était un joueur important pour nous, surtout dans notre système. Il avait une action et il était assez décisif. Maintenant, il est parti, il faut faire avec. Il nous a aidés, il n’est plus là, demain ce sera un autre. » L’année dernière, il a été à deux doigts de quitter Anderlecht et de rentrer à Manchester pour y devenir adjoint de Guardiola parce qu’il ne supportait pas la frilosité de Marc Coucke quand il s’agissait de débloquer des moyens pour transférer. Entre-temps, il a compris que cette situation n’était pas près de changer et il semble s’en accommoder plus facilement.

Les chantiers de Kompany à Anderlecht

Il a d’abord remplacé Doku par Paul Mukairu dans son équipe de base. Prochainement, c’est probablement Jacob Bruun Larsen qui se collera au poste. Il n’a pas fait de vagues quand Tau est reparti en Angleterre et mise sur Diaby à sa place. Et il sait très bien que la saignée ne fait que commencer. Vu l’état des finances, des joueurs bankables comme Yari Verschaeren et Albert Sambi Lokonga sont susceptibles de partir à chaque mercato. Le patron sportif, Peter Verbeke, signale que Trebel et Van Crombrugge pourraient eux aussi partir dans quelques mois. Si Anderlecht ne dispute pas les prochains play-offs 1 et ne se qualifie pas pour une Coupe d’Europe, il y aura de nouveaux gros départs. Verbeke nous l’a confirmé il y a quelques semaines. Sur ce coup-là, l’entraîneur ne sera pas pris par surprise, on lui a bien expliqué qu’Anderlecht était devenu un club avec des moyens très limités.

Il est de toute façon déjà presque certain que le noyau de la saison prochaine sera fort différent de l’actuel. À charge pour Kompany de s’adapter. Lors de l’été dernier, Peter Verbeke avait reçu, en tout et pour tout, une enveloppe de quatre petits millions. Une misère. Pour le mercato qui vient de se terminer, il n’a rien reçu du tout. Anderlecht est incapable de débourser pour transférer. Verbeke est condamné à jongler, à passer son temps à flairer de bonnes affaires. Il a déjà réalisé une quarantaine de transactions depuis son arrivée il y a un an. À part le gros coup Doku, ce sont des transactions de pauvre. Anderlecht multiplie les locations et, parfois, obtient des options d’achat. C’est le cas pour Ashimeru (2,5 millions), Mukairu (trois) et Diaby (3,5). Mais à supposer que ces joueurs explosent dans la dernière ligne droite du championnat, ces tarifs sont de toute façon impayables pour un club qui a dû réaliser à l’arrache une augmentation de capital de cinq millions, la semaine passée, pour ne pas se faire recaler par la Commission des Licences. Verbeke affirme que Miazga n’est pas contre l’idée de prolonger son aventure belge et il ne désespère pas de conserver aussi Lukas Nmecha et Bruun Larsen, mais pour ça, une qualification européenne sera indispensable. En même temps, il se plaint de ne rien pouvoir planifier sur le marché des transferts entrants si de nouveaux moyens ne sont pas débloqués entre-temps. Et on entend qu’il faudrait une nouvelle injection de septante millions pour que le club redevienne « structurellement sain » et puisse « retrouver son statut sportif. »

Réussir les transferts

Quand on a une enveloppe de quatre millions et qu’on en consacre près de trois à un joueur dont les qualités ne correspondent pas au jeu que l’entraîneur veut développer, c’est un problème. C’est l’histoire de Mustapha Bundu, arrivé d’Aarhus durant l’été 2020 et qui vient d’être prêté à Copenhague. Il a juste joué neuf matches, dont un seul complet, depuis son arrivée. Ce flop (temporaire? ) serait à mettre sur le compte de la cohabitation compliquée entre Vincent Kompany et Franky Vercauteren, sur le compte de leurs divergences de vues sur les plans technique et tactique. Kompany veut que l’équipe exerce un pressing haut, Vercauteren est plus prudent, et donc ils cherchaient des joueurs aux profils différents. Là où Vercauteren croyait en Derrick Luckassen, dont le prêt a donc été prolongé, Kompany penchait plus pour un Pieter Gerkens, par exemple. Sur le coup, c’est Vercauteren qui a obtenu satisfaction. Après son départ, ce joueur est encore resté un temps dans l’équipe, puis il a été complètement mis à l’écart et son contrat a carrément été rompu récemment. « Vincent Kompany a progressé et il voit maintenant beaucoup mieux quels joueurs peuvent s’intégrer dans son jeu », explique Peter Verbeke dans la presse néerlandophone. Avant de conclure sur ceci: « Si on avait eu le noyau actuel au début du mois de septembre, on serait aujourd’hui devant Genk. »

Les chantiers de Kompany à Anderlecht

Impossible de fixer une équipe-type

Quand Jacob Bruun Larsen est monté au jeu pour la deuxième mi-temps à Mouscron, la semaine passée, il est devenu le 35e joueur aligné par Anderlecht cette saison. Un total ahurissant qui, même s’il s’explique en partie par des départs et des blessures, symbolise la difficulté à trouver un vrai onze de base sur la durée. Et les tâtonnements de Vincent Kompany.

Les chantiers de Kompany à Anderlecht

Pas étonnant, donc, que l’équipe-type mauve ait eu plusieurs visages complètement différents depuis la campagne de préparation. Ces illustrations sont éloquentes.

Les chantiers de Kompany à Anderlecht

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