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« Les arbitres belges sifflent trop vite. Ils pensent souvent avoir affaire à des joueurs en salle »

En juillet, quelque 300 joueurs étaient dans les starting-blocks de la Jupiler League. Chacun avec ses attentes, ses rêves, ses ambitions, son histoire. Une fois par mois, le Footballeur Secret de Sport/Foot Magazine dévoile les coulisses de notre championnat national.

« C’est sans doute une litote mais, jusqu’à présent, les arbitres vidéo ne sont pas bons. L’intention était bonne : offrir à l’arbitre un outil supplémentaire pour diminuer le nombre de décisions erronées. A mi-parcours de la compétition, il faut bien conclure que les arbitres vidéo sont impliqués dans l’une ou l’autre controverse chaque week-end. L’arbitraire règne en maître pour le moment et, du coup, beaucoup de joueurs ont du mal à juger quand l’arbitre vidéo doit intervenir.

C’est ce qui arrive quand on n’effectue pas de briefing avec les joueurs en début de saison. On nous a simplement dit qu’il y avait un nouveau système d’assistance vidéo. Sans plus. Les attentes étaient peut-être trop élevées. Après tout, le système en est à ses balbutiements. Dans d’autres sports, il a fallu des années pour que tout le monde s’y habitue et accepte le système. Je pense au Hawk-Eye en tennis.

Mais il y a une différence fondamentale : là, c’est une machine qui détermine si une balle est dehors ou pas. En football, c’est un être de chair et de sang qui doit décider d’un penalty. Même l’arbitre vidéo n’a pas fait diminuer le nombre de discussions interminables.

Les arbitres pourraient apaiser l’irritation des joueurs et des entraîneurs en prenant plus vite une décision après avoir visionné les images. Il leur faut parfois des minutes pour trancher. Ils envoient un mauvais signal : ils ne sont pas sûrs de leur affaire. En décidant en trente secondes, on dégage de l’assurance. Il y aura toujours des protestations car nous ne voyons pas les images.  »

 » Delferière ne fait pas de favoritisme  »

 » En fait, toute cette polémique autour de la vidéo illustre le niveau de l’arbitrage en Belgique. Tout le monde sait que les arbitres belges sifflent trop vite, comme s’ils jugeaient des footballeurs en salle. Combien d’arbitres belges ont-ils le niveau européen ? Sébastien Delferière, c’est tout. Pour moi, il est le meilleur de Belgique. Il siffle correctement et est respecté par les joueurs parce qu’il ne fait pas de favoritisme.

Je ne me souviens pas d’un match où il ait tenté de voler la vedette. D’autres jouent un rôle. Ils sifflent avec un certain air : c’est moi le patron et tu n’as pas à me contredire. Il vaut mieux garder ses distances avec ce genre d’hommes. Avez-vous déjà vu le respect avec lequel Ibrahimovic touche les arbitres ? Ne vous y risquez pas en Belgique car vous écoperez d’une carte jaune.

Il vaut mieux qu’un certain arbitre reste éloigné de notre stade un moment. Par respect, je ne citerai pas son nom. Lors de sa dernière visite, en novembre, l’entraîneur nous avait pourtant prévenus que l’arbitre en question était dingue. Pour une fois, il nous avait donc demandé de ne pas protester. Ça n’a pas changé grand-chose : il a démoli le match. C’est contraire à mes principes mais au coup de sifflet final, j’ai négligé de lui serrer la main.

On peut avoir un jour sans. Il faut alors être assez adulte pour s’en sortir. J’ai vécu un cas similaire la saison passée. Un arbitre qui avait sifflé un penalty imaginaire contre moi est venu me trouver à l’issue du match pour présenter ses excuses. Il ne pouvait pas revenir en arrière mais il avait réalisé son erreur. J’éprouve beaucoup de respect pour quelqu’un comme ça. Mais c’est rare. Joueurs et arbitres se considèrent trop souvent comme des ennemis.

Évidemment, nous ne leur facilitons pas la vie. Nous montons souvent sur le terrain en pensant que tout est permis. Pour autant que personne ne le voie. Avant, on pouvait y aller et donner une leçon à un adversaire mais avec toutes ces caméras autour du terrain, il est devenu difficile de ne pas se faire prendre. Il faut donc être plus subtil. Une poussée, un léger coup sur la cheville, marcher sur les orteils. »

« Je reste fair-play dans une certaine mesure »

« On peut serrer le maillot de son homme assez longtemps pour qu’il ne puisse pas filer. Ce genre de trucs. Je demande toujours pardon. Ainsi, c’est comme si je ne l’avais pas fait exprès. Je reste fair-play dans une certaine mesure. Vous ne m’entendrez jamais parler grossièrement à mon adversaire. Mais quand il le faut, j’utilise les ficelles du métier.

Lors de la dernière campagne, j’ai été retors pour faire exclure un joueur. Nous étions emmêlés dans un duel et brusquement, il a fait un geste de la main, comme pour frapper. J’ai tenu mes deux mains contre mon visage, comme si j’étais gravement touché. En réalité, le joueur m’avait à peine frôlé de la paume. Ce n’était rien du tout. Quand l’arbitre a sorti la carte rouge, j’avais, disons, repris conscience. J’ai entendu ses coéquipiers râler quand ma victime a quitté le terrain. Ils trouvaient qu’il avait été bête alors que j’avais parfaitement manigancé mon coup.

En fait, c’est simple : dès le coup d’envoi, nous essayons de mettre l’arbitre dans notre poche ou de le pousser à la faute. Nous allons parfois très loin. Imaginez par exemple que l’un de nous simule dans le rectangle et que l’arbitre ne siffle pas. Nous obtiendrons quand même gain de cause. Peut-être nous offrira-t-il un penalty sur une phase similaire plus tard. Nous avons convenu de harceler l’arbitre sur chaque phase qui peut prêter à interprétation.

Les joueurs les plus proches de lui commencent, suivis par les autres. Cinq gaillards qui se dirigent vers toi t’impressionnent plus qu’un seul. A domicile surtout, nous essayons de pourchasser collectivement l’arbitre. Il va paniquer plus vite s’il sent que ses décisions sont constamment conspuées par quelques milliers de supporters.

Le plus souvent, je répète plusieurs fois la même chose :  » Est-ce que ça ne méritait pas une faute ? Est-ce que ça ne méritait pas une faute ?  » Ça tape sur les nerfs des arbitres et si on le répète assez souvent, il finit par douter de lui. Il faut s’y prendre avec intelligence. Notre capitaine est un spécialiste en la matière. Un autre pilier de l’équipe a ça en lui aussi mais il s’y prend mal. Il donne l’impression de se plaindre et ça lui a déjà valu quelques cartes. »

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