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Le footballeur secret: « Quand t’es sur le banc, la seule chose à laquelle tu songes, c’est ta prime »

Plus de 300 joueurs étaient au départ de la Jupiler Pro League cette saison. Chacun avait ses attentes, ses rêves, ses ambitions, son histoire. Chaque mois, le Footballeur Secret de Sport/Foot Magazine nous entraîne dans les coulisses de notre championnat.

« Quand je dis que la vie d’un réserviste peut être dure, je sais de quoi je parle. Je ne suis pas abonné au banc mais je sais ce que c’est de ne pas être prioritaire. Chaque joueur réagit à sa façon. Dans mon club précédent, il y avait un attaquant qui ne parvenait pas à rivaliser avec son collègue et lui souhaitait tout le mal du monde pour pouvoir prendre sa place. Vous ne m’entendrez jamais dire que je souhaite à mon rival de se blesser gravement.

Quand je suis sur le banc, je pense avant tout à ma prime. Mais je ne suis pas du tout dans le match. Je suis parfois tellement dégoûté que je n’ai même pas envie de faire la fête lorsque nous marquons. Mais je sais que nous sommes filmés, alors je fais semblant. Et je peux vous assurer que sur le banc, ça jase. Surtout les joueurs qui sont écartés contre leur gré. On entend des choses comme : pourquoi est-ce moi qui paye alors que l’autre n’en touche pas une ?

Pour ceux qui ne sont pas sur la feuille, c’est encore pire. Pour le dire platement : on a juste envie que l’équipe perde. Histoire que, la prochaine fois, l’entraîneur écarte un autre joueur. Chez nous, l’entraîneur emmène toujours plus de 18 joueurs et cela entraîne des situations bizarres. Tout le monde doit s’échauffer et c’est peu avant le coup d’envoi qu’on apprend le nom de celui qui saute. Ce n’est pas agréable du tout.

Entre le moment où on monte sur le terrain et celui où on rentre au vestiaire, on pense à des tas de choses. J’ai trouvé un truc pour ne pas rester trop longtemps dans le doute. J’essaye de savoir par le biais d’un membre du staff qui seront les sept réservistes. Ce qui me dérange le plus, c’est que c’est un adjoint qui nous dit que nous devrons rester dans la tribune. Je pense que l’entraîneur n’ose pas affronter les joueurs mécontents. Je préférerais qu’il me dise lui-même pourquoi il n’a pas besoin de moi.

Quand on joue à domicile, être écarté n’est pas si grave mais en déplacement, on se retrouve seul. A Courtrai, par exemple, il est très difficile de trouver son chemin du vestiaire à la tribune. Une fois, je suis resté debout dans le tunnel des joueurs pendant 90 minutes parce que je ne savais pas dans quelle tribune prendre place. »

Joueur excédentaire

« Vous seriez étonné de voir combien de fois un entraîneur est mis sous pression par la direction pour aligner tel ou tel joueur. Tout simplement parce que le directeur sportif a conclu un accord avec un agent. Comment voulez-vous, dès lors, qu’il justifie un choix qui n’est pas le sien. Le cas de Tuur Dierckx illustre parfaitement ceci. La saison dernière, il était un des hommes forts de l’Antwerp mais soudain, il a dû partir. Tout simplement parce qu’il ne fait pas partie de l’écurie de Luciano D’Onofrio.

Il y a également des entraîneurs qui s’arrangent avec certains joueurs. Songez aux rumeurs selon lesquelles Jonathan Legear aurait payé l’entraîneur pour jouer. Ça arrive réellement et ceux qui jouent le jeu honnêtement en sont victimes. Il faut être très fort mentalement pour ne pas craquer. Dans certains cas, le club fait tout pour vous dégoûter parce qu’il veut se débarrasser de vous. Dans ce cas, il implique l’entraîneur. Celui-ci vous fait jouer à une place qui n’est pas la vôtre pour vous décourager. Tous les moyens sont bons.

Nous avons un joueur dont nous savons qu’il ne jouera jamais avec l’entraîneur actuel. A l’entraînement, lorsqu’il y a un joueur excédentaire pour un petit match, c’est souvent lui qu’on envoie sur un autre terrain. Je m’étonne qu’il n’ait pas encore laissé tomber les bras. Mais l’entraîneur sait qu’il ne peut pas faire cela avec tout le monde. S’il se trompe de cible, il risque de provoquer un soulèvement dans le vestiaire.

Si le capitaine veut mettre des bâtons dans les roues du coach, c’est dangereux. La plupart du temps, c’est quelqu’un qu’on aime bien et il peut facilement trouver des alliés. Vous connaissez le secret d’un bon boycott ? Il ne faut pas plus de quatre cadres. Plus on implique de joueurs, plus on risque d’avoir des fuites. Croyez-moi : il y a beaucoup de façons subtiles pour mettre des bâtons dans les roues de l’entraîneur : une bête carte rouge, un forfait pour un match important en prétextant une blessure, se dire fatigué pendant un match, répandre des choses dans les médias…

Dans une équipe en crise, ça se remarque rarement. Il y a des joueurs qui, en toutes circonstances, sont du côté de l’entraîneur et le disent dans les interviews. Leur raisonnement n’est pas bête : ils espèrent que le coach pensera à eux s’il change de club. En fait, nous devons tous faire des choix tactiques pour notre carrière. »

Knock-out

« La tactique est souvent surestimée. Un match se joue souvent sur le fait qu’un joueur s’est attribué un rôle libre sur le terrain. Mais après le match, l’entraîneur dira que ses hommes ont respecté le schéma qu’il avait imaginé. On peut tout expliquer, évidemment… Il y a deux genres de coaches : ceux qui se reposent sur le talent des joueurs et ceux qui ont les compétences tactiques pour former un groupe.

Le nôtre fait partie de la deuxième catégorie. C’est un fana de tactique. La veille du match, nous analysons l’adversaire sur vidéo. Ça peut durer 45 minutes et jusqu’ici, je n’ai vu personne s’endormir (il rit). Heureusement, d’ailleurs. Vu le tempérament de l’entraîneur, il passerait un sale quart d’heure. Evidemment, ça dépendrait aussi de sa place dans la hiérarchie.

Il y a quelques années, je me suis endormi pendant la théorie. Mais j’avais des circonstances atténuantes : j’étais fatigué physiquement et mentalement suite à la préparation. Je me suis excusé auprès de l’entraîneur et je m’en suis tiré avec une engueulade. Grâce à mon statut au sein du groupe, j’ai échappé à l’amende ou à un renvoi temporaire dans le noyau B. »

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