Jacques Sys
« Le football ne peut pas survivre sans supporter »
Une nouvelle année va généralement de pair avec de nouvelles résolutions.
Cela peut-il conduire le football à changer son mode de fonctionnement? À se faire plus réaliste, à ne pas sombrer dans la folie des grandeurs? Les dirigeants vont-ils cesser de se laisser distraire par l’illusion du moment pour bâtir et faire grandir leur club en respectant les lignes de conduite qu’ils se sont eux-mêmes fixées? Les dirigeants vont-ils protéger la culture de leur club sans se laisser influencer, dès ce mercato, par des agents qui vantent leur marchandise pour s’enrichir? Ou est-ce utopique de le souhaiter? Le football est un manège sans fin: toutes les prévisions et les belles paroles s’avèrent creuses. Elles ne résistent pas à trois défaites d’affilée.
On compte déjà dix remplacements d’entraîneurs cette saison en Jupiler Pro League, un record en Europe, bien que deux entraîneurs aient démissionné. Mais aucun club ne se pose de question. On réagit avec une susceptibilité à fleur de peau quand des personnes extérieures le font. L’autocritique est un terme qui n’existe guère à l’étage des directions.
Ne faudrait-il pas réfléchir à une nouvelle morale sur le terrain? La manière dont les arbitres et leurs assistants sont insultés en cours de match prend des proportions grotesques. Il faut être masochiste pour exercer ce job. En ce sens, le maintien de la suspension de Hans Vanaken constitue une sage décision. Le médian a peut-être été exclu injustement dans le match contre Eupen et il a la réputation d’être correct, mais ça ne lui octroie pas le droit de crier n’importe quoi. De ce point de vue, les entraîneurs doivent montrer l’exemple. De la ligne, ils sont trop souvent incontrôlables. Le football est fait d’émotions et suscite parfois la frustration, mais ce n’est pas une raison pour perdre son self-contrôle.
La pandémie a profondément entaillé les finances de différents clubs. Reste à voir si ça va réduire leur activité pendant le mercato. Le tout alors que les rentrées vont continuer à diminuer au cours des prochains mois et qu’on ne sait pas par quelles sources financières compenser ces pertes. Les noyaux sont toujours aussi étoffés, ici et là. Et on risque d’assister à une nouvelle vague d’étrangers dans notre championnat. C’est une réalité devant laquelle tout le monde s’est incliné depuis longtemps. Il y a quelques semaines, le Cercle Bruges et Mouscron ont entamé un match de championnat avec un seul Belge sur le pré. On l’a constaté, sans guère le commenter. Ça fait partie de la nouvelle réalité, comme les reprises incessantes des clubs.
Espérons que les stades vides ne soient qu’une nouvelle réalité passagère. Le coronavirus nous a appris que le football ne se suffisait pas, qu’il avait besoin d’interactions avec les supporters, avec des fans qui mettent de l’ambiance et s’identifient pleinement à leur club, dans l’enceinte du stade. Il ne sera pas évident de les regagner partout, alors que le football ne peut survivre sans supporter. Ils sont et restent le patrimoine de chaque club.
Espérons que la vie footballistique aussi se normalise en 2021. Avec un leadership fort, des entraîneurs courageux et fair-play. À l’issue du match d’Anderlecht contre le Beerschot, Vincent Kompany a eu un geste élégant en complimentant son adversaire, durement frappé par le virus, pour son engagement et la passion avec laquelle son équipe avait joué. C’est certes plus facile après une victoire, mais c’est un bel exemple d’un autre mode de pensée, plus solidaire, dans un monde d’égoïsme.

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