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Le duel Kompany – Vanhaezebrouck : les clés tactiques de la finale de la Coupe

Guillaume Gautier
Guillaume Gautier Journaliste

Pour leur quatrième affrontement, les deux anciens défenseurs vont devoir activer leur boite à idées afin de trouver la faille dans l’organisation adverse.

Vainqueur de trois Coupes de Belgique sous trois tuniques différentes, Mbaye Leye pourrait en témoigner : l’apothéose a forcément des airs d’exception. Au moment de faire passer ses Rouches au tableau noir l’an dernier, l’ancien attaquant préfère la prudence aux habitudes. Le duo formé par João Klauss et Jackson Muleka, irrésistible depuis plusieurs semaines, est ainsi sacrifié sur l’autel de la gestion des évènements et des forces de Genk. Parce qu’une finale est un match où le droit à l’erreur se réduit. Un moment où on pense plutôt à fermer sa porte à double tour qu’à crocheter la serrure de l’adversaire. L’une de ces rencontres où le premier but pèse souvent très lourd dans la balance : lors des vingt dernières finales nationales, l’équipe qui a ouvert le score a également soulevé le trophée à 17 reprises.

Vincent Kompany et Hein Vanhaezebrouck le savent-ils ? Finalement, peu importe. Les deux hommes n’ont pas besoin du parfum de finale pour poser le verrou sur leurs duels. En trois affrontements, les filets n’ont tremblé qu’à trois reprises, dont une fois suite à un penalty. Les expected goals racontent aussi l’histoire de matches fermés, où l’essentiel des tentatives se font à distance ou dans des angles fermés. Cette saison, le penalty (d’une valeur de 0,76 xG) converti par Lior Refaelov a permis aux Mauves de décoller au-delà d’un xG (1,16) au match aller, face à des Gantois légèrement plus entreprenants dans le jeu (0,8 xG). Au retour, la victoire des Buffalos avait des airs minimalistes : 0,39 xG pour la bande à Tarik Tissoudali, buteur décisif, contre 0,89 pour les Bruxellois.

Des chiffres minuscules pour un constat inévitable : les deux coaches respectent, voire craignent les atouts adverses. Dans un duel tactique aux espaces inhabituels, avec un 4-2-2-2 qui fait face à un 3-5-2, Kompany et Vanhaezebrouck semblent moins se livrer que d’habitude, comme s’ils redoutaient les effets dévastateurs du courant d’air à chaque fois qu’ils tentent d’ouvrir une porte dans l’organisation adverse. À chaque extrémité du terrain, les armes de l’un forcent l’autre à jeter des coups d’oeil appuyés dans le rétroviseur.

LA GESTION DES LATÉRAUX MAUVES

Le mois dernier, à la Ghelamco Arena, Alessio Castro Montes et Matisse Samoise se positionnaient bien plus bas que lors des semaines précédentes, transformant le dispositif gantois en défense à cinq. Charge aux hommes de couloir de veiller aux débordements ravageurs de Sergio Gomez et Michael Murillo, toujours aussi importants dans l’animation bruxelloise. Face aux Buffalos, les latéraux du Sporting ont joué huit ballons dans la surface adverse : trois pour le Panaméen, cinq pour l’Espagnol. Seul Christian Kouamé a fait mieux. Avec sept dribbles réussis, Gomez a fait tourner la tête de Samoise sans jamais parvenir à tromper Davy Roef.

Les hommes de couloir gantois devront surveiller les débordements ravageurs des latéraux mauves, notamment Sergio Gomez.
Les hommes de couloir gantois devront surveiller les débordements ravageurs des latéraux mauves, notamment Sergio Gomez.© iStock

Gand a souffert sur les côtés, abandonnant souvent à leur sort ses deux latéraux car le 3+2 axial devait prendre en charge les deux attaquants et les milieux offensifs d’Anderlecht. La muraille gantoise a néanmoins tenu, confirmant son statut de meilleure organisation défensive du pays (33,5 expected goals concédés cette saison, personne en Pro League ne fait mieux) en canalisant une équipe très difficile à neutraliser, parce que capable d’être menaçante dans presque tous les scénarios. « Dans chaque période du jeu, même quand on n’a pas le ballon ou qu’on doit défendre en bloc bas, on a toujours la possibilité de marquer des buts », constate Lior Refaelov dans notre magazine d’avril. Tout en sachant que l’audace a aussi ses risques.

Parce que Wesley Hoedt et Lisandro Magallan ne sont pas les plus efficaces pour défendre latéralement, la force mauve est aussi son talon d’Achille. Pour l’exploiter, Hein Vanhaezebrouck accueillera sans doute avec le sourire le retour de Julien De Sart, absent lors du choc de la Ghelamco. Si son intensité démultipliée sur le terrain est l’une des transformations les plus spectaculaires de la saison, l’ancien Rouche conserve surtout un atout capital dans le jeu de son coach : sa capacité à sortir la longue-vue pour alerter le couloir opposé. Contre un adversaire dont les latéraux ont tendance à se changer en ailiers, l’arme pourrait faire des dégâts.

LA GESTION DE TARIK TISSOUDALI

En matière de dégâts, difficile de faire mieux que Tarik Tissoudali. Sur les pelouses belges, personne ne joue plus de ballons dans la surface adverse que l’international marocain et ses 6,63 actions de moyenne dans la zone de vérité. Intenable en un-contre-un et plus réaliste que jamais, le numéro 34 des Buffalos sera le joueur le plus décisif sur la pelouse du stade Roi Baudouin, avec ses 25 buts et 8 passes décisives toutes compétitions confondues cette saison.

Avec ses 25 buts et 8 passes décisives toutes compétitions confondues cette saison, Tarik Tissoudali s'est érigé en poison majeur du onze buffalo.
Avec ses 25 buts et 8 passes décisives toutes compétitions confondues cette saison, Tarik Tissoudali s’est érigé en poison majeur du onze buffalo.© iStock

Posé quelque part entre Laurent Depoitre et ses milieux de terrain, l’ancien du Beerschot jouit d’une liberté totale difficile à neutraliser en possession de balle, même si ses déplacements l’attirent souvent naturellement vers le côté gauche du terrain. Absent du onze de base lors des deux premiers duels entre Kompany et Vanhaezebrouck, Tissoudali a été l’homme décisif du dernier affrontement, trompant Hendrik Van Crombrugge au bout d’un caviar de Sven Kums. Aussi menaçant en décrochage que dans la profondeur, libéré du duel par un Depoitre qui pèse toujours autant sur les défenses à défaut de le faire régulièrement sur le marquoir, le Lion de l’Atlas a été décisif lors de huit de ses dix dernières sorties en championnat. Magallan osera-t-il le suivre dans ses appels entre les lignes, quitte à laisser Hoedt sans bouée de sauvetage dans la grande profondeur ?

LA GESTION DU BALLON

Anderlecht pourrait-il choisir d’un peu se replier pour ouvrir moins grand la porte entre les lignes ? Dans un duel entre deux équipes qui aiment le ballon (troisième possession du championnat pour les Mauves, quatrième pour les Buffalos), les protagonistes s’étaient quittés sur un partage – 50% de possession partout – en mars dernier. Au petit jeu du pressing, par contre, les hommes de Vanhaezebrouck sont bien plus entreprenants : les Gantois présentent le deuxième pressing le plus conquérant du Royaume derrière l’étouffant Cercle de Dominik Thalhammer, alors que les Bruxellois ne sont que dixièmes en la matière. Menaçants sur le jeu long et dans la profondeur grâce aux qualités de Christian Kouamé, les hommes de Kompany pourraient donc être tentés de céder le ballon aux Buffalos pour ne pas trop s’exposer à leur pressing.

Lior Refaelov marquera-t-il un quatrième but en finale d'une Coupe de Belgique ? Les Mauves compteront sûrement sur leur porte-bonheur de la victoire en Croky Cup.
Lior Refaelov marquera-t-il un quatrième but en finale d’une Coupe de Belgique ? Les Mauves compteront sûrement sur leur porte-bonheur de la victoire en Croky Cup.© iStock

Gand, de son côté, se construit presque systématiquement autour de la balle. Si le jeu est parfois plus long ou direct, Hein Vanhaezebrouck installe ses hommes pour dominer l’adversaire, cherchant toujours à recréer le rouleau-compresseur de ses succès en 2015. Difficile d’imaginer un scénario de match où les Gantois ne mettront pas le pied sur le ballon. Un script qui permettrait aux Bruxellois de flotter autour des 45% de possession et de frapper avec les attaques rapides qui deviennent peu à peu la marque de fabrique du football de Kompany. Mais Vanhaezebrouck sait aussi que la possession peut servir à verrouiller un match. Et que si la clé du but adverse ne se trouve que dans une poche, il y a de fortes chances que ce soit dans celle de Tarik Tissoudali. À moins que Lior Refaelov et ses trois buts en trois finales disputées n’ait conservé le trousseau du Heysel…

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