
Le Club Bruges ou le modèle Ajax pour grandir
À Bruges, on mentionne souvent le nom de l’Ajax en interne. Comment le Club, qui tentera ce mercredi soir de passer l’hiver au chaud face à Leipzig, peut-il s’inspirer du club néerlandais, qui est lui déjà certain de continuer son chemin en Ligue des Champions?
L’Ajax est un grand club néerlandais. Mais c’est aussi un club qui a eu la main heureuse au moment de tomber dans le groupe de Besiktas, du Sporting Portugal et du Borussia Dortmund au tirage au sort de la Champions League. Pas vraiment comparable à une poule composée de Manchester City, du PSG et de Leipzig. En ce sens, il est un peu injuste de comparer le parcours européen du Club Bruges à celui de l’Ajax. Mais l’envie d’essayer de faire aussi bien que l’institution d’Amsterdam est à mettre au crédit des Flandriens. Au moment du tirage au sort, le Club osait même rêver de passer l’hiver en Ligue des Champions. Un signe évident d’ambition.
Dans un monde peuplé de géants aux budgets faramineux, les deux clubs se battent avec des moyens plus ou moins similaires. Le chiffre d’affaires du Club lors du dernier exercice qui s’est achevé en juin était de 102 millions d’euros. Un chiffre inférieur d’un quart à la saison précédente. Cela s’explique en grande partie par le coronavirus, puisque seuls trois matches ont été disputés en présence du public. Le chiffre d’affaires de l’Ajax, coté en bourse, en cette année Covid, est comparable: 125 millions. Par rapport à la saison précédente, il est également raboté de 37 millions. Là aussi, la pandémie a engendré une baisse des revenus de 25%.
Pour le club néerlandais, l’absence de spectateurs a pesé encore plus lourd sur les chiffres. C’est logique, étant donné que l’affluence moyenne y est supérieure à 52.000. L’ArenA peut accueillir le double de supporters du Jan Breydel Stadion. Si, en cette année très spéciale, le Club a enregistré treize millions d’euros de recettes en moins les jours de match (5,5 au lieu de 18), l’Ajax a pour sa part enregistré une perte avoisinant les quarante millions. On comprend vite pourquoi Bruges tient absolument à construire un nouveau stade. En matière d’infrastructures, les BlauwenZwart ont un gros retard à rattraper. Un retard de plus de vingt ans, car la Johan Cruiff ArenA a été construite au milieu des années 90 à l’occasion de l’EURO 2000. L’Ajax y évolue depuis 1996.
Un problème auquel le Club est confronté reste sa position excentrée sur la carte de la Belgique.
Transferts: avantage Ajax
Outre le chiffre d’affaires réalisé les jours de matches, les deux clubs ont deux autres sources de revenus importantes: la Ligue des Champions et les transferts.
Les droits télés et la participation à la Coupe d’Europe ont rapporté 43,7 millions d’euros au Club au cours du dernier exercice. C’était à peu près pareil pour l’Ajax: 43,6 briques. Sur ce montant, le club néerlandais a reversé trois millions d’euros au reste de l’Eredivisie, une contribution de solidarité à répartir entre les clubs non-européens. La même contribution a été demandée au Club Bruges à l’été 2020. Les BlauwenZwart ont remis 1,75 million d’euros à la Pro League, un pourcentage de leurs droits de participation aux compétitions européennes.
D’autre part, les deux clubs ont reçu la même somme de départ pour les épreuves continentales cet été: 15,64 millions d’euros. Le fait que l’Ajax soit mieux classé (17e) que le Club Bruges (37e) au niveau des coefficients européens offre cependant un bel avantage aux Amstellodamois. L’Ajax a reçu 20,466 millions d’euros, le Club Bruges huit millions. Autant dire que si comme l’été dernier, on se positionne pour le même joueur sur le marché des transferts (en l’occurrence le Danois de 19 ans MohamedDaramy du FC Copenhague), ça donne (en plus de l’attrait sportif) déjà un sérieux avantage sur le plan financier.
Jusqu’à présent, le Club Bruges a récolté quatre points sur le front européen, ce qui représente 3,73 millions d’euros de prime (2,8 pour une victoire, 0,93 pour un match nul). L’Ajax a réalisé douze sur douze cette saison, ce qui lui a rapporté 11,2 millions. Comme les Néerlandais sont déjà certains d’accéder au prochain tour, ils pourront y ajouter 9,6 millions d’euros supplémentaires.
L’argent reçu pour avoir réussi à passer l’hiver européen au chaud permet d’investir davantage dans des joueurs de qualité. C’est ce qu’a fait l’Ajax, qui a également atteint les demi-finales du tournoi en 2019. Si le transfert record du Club Bruges est actuellement KamalSowah, qui a coûté neuf millions d’euros, l’Ajax est déjà allé bien au-delà en recrutant SébastienHaller pour 22,5 millions d’euros, DavidNeres pour 22 millions, DaleyBlind pour seize millions, et le Brésilien Antony, qui explose cette saison, pour 15,75 millions.
La réputation de l’Ajax lui permet aussi de vendre ses joueurs plus cher sur le marché des transferts. Le record de Bruges en la matière est la vente de Wesley à Aston Villa pour 25 millions d’euros. L’Ajax a quant à lui palpé 42 millions d’euros de la part de Tottenham pour un joueur acheté précédemment: DavinsonSánchez. Les joueurs qui viennent de l’Ajax peuvent généralement être vendus plus cher, même si le championnat de Belgique et celui des Pays-Bas affichent un niveau plus ou moins similaire. La différence est encore plus grande pour les transferts sortants d’Ajacides formés au club. Ainsi, durant l’été 2019, l’Ajax a rentabilisé sa demi-finale européenne en vendant FrenkiedeJong pour 86 millions d’euros au FC Barcelone, MatthijsdeLigt pour 85,5 millions d’euros à la Juventus, et un an plus tard, DonnyvandeBeek pour 39 millions d’euros à Manchester United. Soit un total d’environ 200 millions d’euros, qui découlent des investissements réalisés au centre de formation DeToekomst. À titre de comparaison, au Club Bruges, le transfert sortant le plus cher d’un joueur blauw en zwart pur jus est celui de BjörnEngels, pour lequel l’Olympiacos a payé 4,5 millions d’euros en 2018.
Miser sur l’académie
En attendant la construction d’un nouveau stade qui doit augmenter les revenus commerciaux, c’est à ce niveau que se situe la plus grande différence entre le Club et l’Ajax Amsterdam. C’est à ce niveau-là aussi que se situe la marge de progression la plus importante, avec pour objectif de combler un retard de quelques décennies dans la formation des jeunes. Un stade accroît vos revenus, de bons transferts peuvent également apporter une grosse valeur ajoutée si la vitrine de la Ligue des Champions demeure, mais investir dans sa propre jeunesse est aussi source de prospérité financière. L’Ajax, qui enregistre cependant l’arrivée de nombreux étrangers ces derniers temps, a tout compris dans ce domaine.

Combler ce fossé, c’est précisément l’objectif que s’est fixé le Club ces dernières années. Il y a encore quatre ou cinq ans, on en arrivait à la conclusion que les BlauwenZwart formaient principalement des joueurs pour les autres équipes de la Pro League, mais les investissements effectués au Base Camp devraient bientôt porter leurs fruits. CharlesDeKetelaere pourrait servir de détonateur. S’il avait été formé par l’Ajax, nous dit un proche du Club, il vaudrait deux fois plus sur le marché des transferts. Il n’empêche: lui aussi va partir pour beaucoup d’argent. D’autres joueurs devraient suivre les traces de CDK.
Le déménagement des élites à Knokke-Heist est un élément important. Les jeunes ne travaillent plus leur corps dans le sous-sol sombre du Jan Breydel, sans fenêtre et avec très peu d’aération, mais dans un environnement verdoyant. À travers la vitre, on a vue sur les polders. En plus, au sein du complexe, les jeunes croisent presque quotidiennement les joueurs de l’équipe première et s’entraînent même régulièrement avec eux.
Outre De Ketelaere, qui est désormais un titulaire indiscutable, IgnaceVanderBrempt a également joué avec l’équipe A ces dernières semaines, et NoahMbamba (seize ans) a pu se montrer. Après De Ketelaere, on attend beaucoup de CisseSandra, 17 ans, que l’on a vu en action pour la première fois lors du match de Coupe de Belgique contre Deinze. Ainsi, les A ont déjà croisé des jeunes nés en 2005 à l’entraînement, comme le nouveau venu AntonioNusa, qui s’illustre davantage à l’entraînement qu’en match avec les jeunes de Bruges, et KyrianiSabbe, courtisé par l’Ajax à l’été 2020. Sabbe est un joueur de flanc talentueux qui a marqué contre Manchester City en Youth League avec le Club NXT. Pendant la récente trêve internationale, il s’est entraîné avec l’équipe A.
Avec LynntAudoor (fils de l’ancien professionnel YvesAudoor et frère jumeau de Sem, qui joue aussi au Club NXT), ArneEngels, Cisse Sandra, Noah Mbamba et LukasMondele, cinq joueurs du Club figuraient sur la feuille de match international des U19 contre l’Espagne la semaine dernière. Les quatre premiers ont été titularisés par le sélectionneur WesleySonck. C’est grâce à eux que le Club compte déjà huit points en Youth League et partage la tête du classement avec le PSG. Récemment, ils ont gagné 3-5 à Manchester City, après avoir fait match nul 1-1 à domicile.
« We are Ajax »
Un problème auquel le Club est confronté reste sa position excentrée sur la carte de la Belgique. Anderlecht, et éventuellement un club anversois qui investirait dans la formation à l’avenir, sont mieux placés. Knokke n’accueille pas encore les meilleurs jeunes du pays, loin s’en faut.
Outre la tradition et la haute qualité, ce qui fait la force de l’Ajax et de son centre de formation, c’est le fait que pratiquement tous les meilleurs jeunes des Pays-Bas viennent à Amsterdam et y sont formés pendant une très longue période. En général, comme le souligne l’un de nos interlocuteurs, les responsables osent également procéder à une sélection très sévère. Il arrive que la moitié d’une équipe U15 soit refusée si la saison s’avère insuffisante. En Belgique, cette situation est moins courante, bien que de bons jeunes changent également de club lorsqu’ils sont en âge de signer leur premier contrat. C’est d’ailleurs la principale critique émise sur la formation ajacide aux Pays-Bas par ceux qui se méfient le plus du modèle: pour 5% de joueurs qui réussissent à l’Ajax et font parler d’eux dans les médias grâce à de grandes performances en rouge et blanc, et plus tard ailleurs en Europe, il y a aussi 95% de jeunes qui échouent. Parfois, ils abandonnent, parfois ils atteignent le sommet par un autre chemin.
Un autre inconvénient est qu’en Flandre occidentale, la mentalité n’est pas la même qu’à Amsterdam. » Goochem », dit-on là-bas: intelligent, malin, rusé. Le buste haut. » WeareAjax », est-il écrit dans le rapport annuel des Amstellodamois. C’est différent à Bruges: » Nosweat, noglory » (pas de sueur, pas de gloire, en VF).
L’Ajax se donne pour mission de « divertir des millions de personnes dans le monde avec notre façon de jouer au football et de former les stars de demain ». En Flandre occidentale, on préfère se tenir à carreau. Mais progressivement, comme en atteste la réussite de Charles De Ketelaere, on commence à ressentir un peu plus d’arrogance et de flair.
La place aux anciens
Tout comme à l’Ajax, où d’anciens footballeurs tels qu’ EdwinvanderSar ou MarcOvermars dictent les lignes directrices au sommet, d’anciens joueurs sont impliqués dans la politique du Club Bruges: PeterMollez, un gardien de but qui n’a pas joué en équipe première, entraîne maintenant les gardiens Espoirs. TimSmolders, assistant du Club NXT la saison dernière, est devenu responsable de la formation après le départ de PascalDeMaesschalk, et CarlHoefkens coordonne les montées des joueurs vers l’équipe A en tant qu’assistant de l’entraîneur principal et ancien joueur PhilippeClement.
Par le passé, d’anciens joueurs ont également été impliqués dans la formation des jeunes: l’actuel T1 a appris le métier avec l’équipe U23, GertVerheyen a fait de même pendant un certain temps. SvenVermant, dont le fils Romeo évolue comme attaquant en Youth League avec le Club, a entraîné les U19 et U21 par le passé, et TimmySimons était l’entraîneur des U16 avant de partir à Zulte Waregem. PeterVanDerHeyden a été approché, mais ne s’est pas montré intéressé. OlivierDeCock et BirgerMaertens ont posé leur candidature, mais n’ont pas été retenus. Dans le passé, le Club comptait souvent beaucoup de joueurs étrangers, nous dit-on, et tout le monde n’a pas envie de former des jeunes après une longue carrière active ou, comme DennisBergkamp, de commencer tout en bas de l’échelle, comme adjoint d’un entraîneur de jeunes.
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