Swann Borsellino

Lang délié

C’est devenu un réflexe et, je vous en prie, ne le prenez pas comme un manque de respect. À chaque fois que je regarde un match de Pro League, à chaque fois qu’un joueur me tape dans l’oeil, notamment un jeune, je me demande à quel club français il pourrait apporter.

C’est ça, être un travailleur transfrontalier. C’est ça aussi, aimer le foot. Ce dimanche, alors que j’étais plus dans une sieste que dans le match, je me suis mis en position assise dans le canapé au moment où Lorient a fait 2-2 contre le Paris Saint-Germain. Un peu à l’image du Club Bruges, chaque contre-performance du PSG est un petit événement de mon côté du Quiévrain, encore plus face à ce qui était encore la lanterne rouge. Puis une contre-attaque est partie. Une fusée part, conduit parfaitement le ballon pour que Presnel Kimpembe ne puisse rien faire d’autre que provoquer un penalty en cas d’intervention, avant d’inscrire le but du 3-2. C’est son quatrième but en janvier et pas le dernier de 2021. Cet homme s’appelle Terem Moffi et du côté de Courtrai, même si on en a tiré huit millions, on avait bien compris que le gamin de 21 ans avait un petit quelque chose. En France, on se dit que quelques temps après l’arrivée de Victor Osimhen à Lille, on regarde un peu ce qu’il se passe en Belgique. On va chercher les bonnes surprises abordables, comme Moffi, ou des paris plus coûteux, comme Krepin Diatta, ou Jérémy Doku. Ce week-end, j’ai encore eu le réflexe de me demander quel joueur pourrait rejoindre la Ligue 1. Mais j’avoue que celui-là, je n’ose pas trop y penser.

Noa Lang n’est pas parfait. Il est juste différent et ça, tous les observateurs de la Pro League s’en rendent compte.

Noa Lang a déjà joué en France. C’était à la Jonelière, lieu iconique de la formation française. Il avait sept ans et portait les couleurs du FC Nantes suite au transfert dans l’Hexagone de son footballeur de beau-père, Nourdin Boukhari. Quinze ans plus tard, il est préférable de se concentrer sur le brillant gamin que sur ce qu’est devenu et en train de devenir ce mythique club de l’élite française. Je n’aime pas particulièrement tirer des plans sur la comète pour les jeunes joueurs. L’important est de voir leurs aptitudes, leurs appétences, en faisant fi de défauts qui peuvent se gommer avec le temps ou avec le travail. Pardonner les erreurs pourvu qu’elles s’inscrivent dans un cheminement, en somme, et se rendre compte des qualités, comme la prise de balle ou le jeu sans ballon. J’aime encore moins souligner une performance individuelle lorsqu’elle s’inscrit dans un collectif aussi fort que celui de Bruges, notamment en ce moment. Ce dimanche, face au Standard, Clinton Mata a été grand, Hans Vanaken également. Cependant, force est de constater que certains gestes, certaines attitudes, vous font oublier la raison. Cette prise de balle et ce changement de rythme sur le premier but offert à Vanaken. La capacité à perdre Nicolas Raskin sur le premier mètre et à pouvoir accélérer à nouveau pour conserver l’avantage gagné. La capacité, aussi, à être décisif de manière quasi-systématique. C’est simple: depuis sa première apparition de la saison, justement face au Standard (1-1), le Néerlandais n’a terminé que quatre rencontres sans avoir marqué ou fait marquer, et trois de ces quatre rencontres se sont soldées soit par un match nul, soit par une défaite. Auteur de neuf buts et six passes décisives en 17 apparitions en Pro League, le feu follet est du genre à joindre l’utile à l’agréable. À 21 ans, il a tout d’une star.

Même les côtés qui agacent les autres ne m’atteignent pas. Car j’avoue faire partie de ceux qui apprécient les caractères. Ces joueurs sensibles qu’on préfère appeler « sales gosses » parce qu’ils ne rentrent pas dans un moule et à qui on prédit un avenir décevant jusqu’au jour où ils tombent au bon endroit, avec la bonne personne. Pour Noa Lang, Philippe Clement apparaît comme le bon coach au bon âge. Capable d’être Père fouettard comme d’être papa poule, le coach de Bruges est de ceux qui comprennent que dire quand c’est bien est aussi important que dire quand ça ne va pas. Et heureusement, Noa Lang ne fait pas tout bien. Encore aujourd’hui à Bruges, il laisse entrevoir les défauts qu’on lui trouvait à l’Ajax. Tantôt il ne fait pas la course en plus. Tantôt il peste dans son coin. Et quand ce n’est ni l’un ni l’autre, il trouve le moyen de se prendre le bec avec Nicolas Raskin et Damjan Pavlovic ou de rater une passe facile. Non, Noa Lang n’est pas parfait. Il est juste différent et ça, tous les observateurs ou sympathisants de la Pro League sont capables de s’en rendre compte. Il y a des gens que l’on croise et qui marquent. Lui est de ceux que l’on voit et qui marquent. Ou offrent des assists. Et si observer un joueur et projeter son futur est devenu un réflexe, j’avoue, aujourd’hui, avoir du mal à imaginer les limites du sien. Je lui souhaite juste de continuer à être libre. Ça en emmerde beaucoup. Mais ça emmerde surtout les adversaires.

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