Jacques Sys

La dualité de MPH

Jacques Sys Jacques Sys, rédacteur en chef de Sport/Foot Magazine.

Chaleureux et compréhensif en privé, Michel Preud’homme se fait explosif durant les matches.

La réaction incroyablement violente de Michel Preud’homme à l’exclusion de Benoit Poulain illustre bien le stress qui règne au Club Bruges. Plus encore depuis la défaite en coupe, la chasse au titre devient obsessionnelle et les émotions sont difficiles à contenir. Bloc solide, le Club veut se libérer après onze années sans titre. Un sacre ramènerait sa sérénité à un club qui s’est professionnalisé dans de nombreux domaines, sans traduire ce processus en résultats directs. Après la défaite en coupe, Michel Preud’homme s’est interrogé sur le manque de caractère de son équipe, une analyse qu’il a souvent effectuée. Il y a un an, par exemple, quand le Club, grand favori des play-offs, les avait entamés par une difficile victoire contre le Standard, avant de sombrer à Courtrai.

Samedi à Roulers, la motivation avec laquelle le Club a entamé son match contre Ostende était frappante. En interne, on avait manifestement remis de l’ordre. Le Club a paru en mesure de pulvériser l’équipe côtière, jusqu’à ce que l’exclusion de Poulain perturbe son mécanisme. Le fait que la Venise du Nord, mûre et bien organisée, ait malgré tout gagné les trois points est un signe de résistance mentale, un aspect qui posait problème en déplacement – 22 points sur 45 durant le championnat régulier. Un Club Bruges animé par cette mentalité sera difficile à écarter du titre. S’il le gagne, Michel Preud’homme sera béatifié.

L’entraîneur a une part non négligeable dans le succès du Club. Il travaille d’arrache-pied et exige la même chose de son entourage. Preud’homme veille à ce que ses collaborateurs ne s’endorment pas sur leurs lauriers. Lui, le vainqueur passionné, doit être terriblement frustré de ne pas parvenir à affûter ses joueurs à chaque match mais c’est dans l’air d’un temps où l’amour du club se fait rare. Tous les entraîneurs doivent faire avec.

Preud’homme est animé d’une étrange dualité. En privé, il est très chaleureux et compréhensif mais pendant les matches, il se fait explosif. Il supporte mal la critique et s’énerve parfois parce qu’il estime que ceux qui le jugent ne connaissent pas tous les paramètres. En fait, de nos jours, il n’y a plus guère de nuances. On pense trop en noir et blanc.

Plus que jamais, le sport est un signe d’union.

Naturellement, Michel Preud’homme devrait être capable de se contrôler. Il le sait, en son for intérieur mais il n’y parvient pas, de même que les critiques des personnes extérieures au club le rendent piquant alors qu’il devrait être au-dessus de ça. La virulence de ses réactions fait partie de sa personnalité. Ça ne lui donne pas la permission de s’oublier comme samedi. Autre fait étrange, après les matches, Preud’homme se ressaisit en une fraction de seconde. Il ne critique pratiquement plus les arbitres. Il s’attache à analyser en détails le match de son équipe, sans chercher d’excuses.

Une victoire contre La Gantoise peut ouvrir la porte du titre au Club le week-end prochain. Le champion a du mal à trouver ses marques, surtout quand tous les pions de son ensemble ne coulissent pas bien. Anderlecht a également souffert contre le RC Genk. Le football développé durant la première journée des PO1 a été décevant alors que cette formule a été conçue pour relever le niveau par des affiches.

Une minute de silence avant chaque match. Le pays essaie de reprendre le fil, après l’horreur du 22 mars. Le sport reste une fuite de la réalité, une éclaircie dans des temps sombres. Est-ce pour cela qu’il y avait autant de monde le long du parcours du Tour des Flandres, par ce beau temps ? C’est comme si l’éclosion du printemps avait ranimé la force de vivre générale. On a aperçu énormément de drapeaux tricolores le long du parcours, comme si tous voulaient unir leurs forces.

Plus que jamais, le sport est un signe d’union. C’est sur cette solidarité que les Diables Rouges ont bâti leurs succès et plongé le pays dans le délire, à plusieurs reprises. Reste à voir si ce sera le cas lors du prochain EURO. A neuf semaines du coup d’envoi, notre magazine lance une nouvelle série sur le championnat d’Europe. Interviewes, reportages et présentation de chaque ville organisatrice, en guise d’apéritif avant ce qu’on espère être un délicieux été de football. Très loin de la catastrophe qui nous a touchés.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire