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La chronique de Fred Waseige: prise de tête, tête de noeuds

Cet EURO est impitoyable. On le savait. L’année de retard n’a fait que confirmer la tendance et compliquer les choses du football. Une année à 80 matches pour certains joueurs avec couronne sur la carie, le devoir de représenter son pays. Grincements de dents, frottements de rotules, emballement de ventricules. Je pensais que les surprises se feraient en début de tournoi. J’ai mal pensé. Elles surviennent en huitièmes. La plus belle est pour nous. Nos Diables savent se qualifier sans être beaux. Ce fut pourtant tellement séduisant. Tellement mérité. Nous avons tellement de fois fait dans l’esthétique qu’une petite retouche de pragmatisme donne enfin un petit air de mauvais garçon. Au coeur tendre et gros comme ça. Contre le Portugal, le mental a bouffé le jeu de baballe. Quel festin!

Il faut des certitudes pour gagner un EURO. Le nôtre a été parsemé d’incertitudes.

Mais évidemment, la plus belle expression de l’incertitude du sport est venue d’une équipe trop pleine de certitudes. Légitimes quant à l’abondance de talent… dans les pieds. Parce que dans les têtes, c’était évident que les durites allaient péter. Le football français est une prise de tête permanente. Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple. Comment faire des noeuds dans son jeu et ainsi dénouer celui de l’adversaire. Didier Deschamps a trop pensé. Des certitudes de champion du monde, il a fait une incertitude en huitième de finale de l’EURO. Changer une mécanique qui tourne à plein régime? Quelle drôle d’idée. Surtout que le plein régime, il a fallu aller le chercher lors de cette phase de groupes où rien ne fut simple. Sinon, l’évidence, le facteur Karim Benzema a livré comme prévu ses recommandés pleins de bonnes nouvelles. La mauvaise pour la France, c’est que le football n’oublie jamais trop longtemps de te rappeler qu’il est l’exutoire de tous les possibles. Prenons Paul Pogba. Énorme, « com’ d’hab' », dans un tournoi majeur. Un but somptueux, mais présomptueux dans sa célébration. Il avait le droit. Célébrer sa joie après un but doit rester un espace de liberté à protéger plus que tout, mais la sienne exprimait trop: « Ma perfection scelle la qualification. » C’était le début de la fin pour les Français. À la 90e, Pogba retrouve ses démons de joueur de club. Trop sûr de lui, nonchalant. Perte de balle, perte de tout. Et la lumineuse Suisse braque en toute légalité le coffre-fort tricolore. Ce groupe France qu’on croyait à l’abri de tout. Tellement riche de partout. Eh bien non, ce qui nous est arrivé contre eux à la Coupe du monde, ils l’ont vécu. Deux blessés sur le flanc gauche, et c’est tout un château en Europe qui s’effondre. Le foot est impitoyable.

La preuve aussi avec la Croatie. Le tout aussi exemplaire Luka Modric disparaît après une heure de jeu contre l’Espagne. Les coéquipiers compensent pendant une demi-heure, mais pas plus. Les châteaux retournent en Espagne. Et nous chez nous. À la recherche du jeu perdu. Le nôtre. Ce qui avait suffi contre un Portugal vieillissant a à peine contrarié une Italie dont la jeunesse fait peur et plaisir à voir. Bravoure, courage, expérience, voilà bien des termes que nos Diables ont rarement dû aller puiser dans leur générosité. On a tellement souvent dominé les autres. On a tellement trouvé dans le ballon l’oxygène pour toujours trouver la solution. Comme contre le Danemark. On a trouvé des vertus qui nous ont sauvés une fois, deux fois, mais pas trois. Il faut des certitudes pour gagner un EURO. Le nôtre a été parsemé d’incertitudes. Avant et pendant ce tournoi, on a plus parlé du staff médical que du staff technique. On a plus pensé à réparer qu’à améliorer. Nous aussi, on a fait des noeuds. Encore raté. On va en reparler, sans prise de tête.

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