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Kubo : « Je préfère la Belgique au Japon »

Frédéric Vanheule
Frédéric Vanheule Frédéric Vanheule is redacteur bij Sport/Voetbalmagazine.

Yuya Kubo se sent comme chez lui en Belgique. Il découvre nos villes, notre cuisine et nos habitudes. Par contre, on sait peut de choses du médian nippon de Gand. Nous l’avons donc emmené au resto japonais pour le cuisiner.

Sur le plan sportif, Yuya Kubo s’est directement adapté à la Belgique puisque, le 29 janvier 2017, pour son premier match, il a marqué sur coup franc contre Bruges.  » Le plus beau et le plus important de tous les buts que j’ai inscrits en Belgique « , dit-il. Il a pourtant encore marqué lors des six matches suivants. Après une demi-saison, il en était à 11 buts et un assist en 11 matchs. Cette saison, son compteur affiche six buts et un assist.

En dehors des terrains aussi, il s’est rapidement intégré. Comme la plupart des Japonais, il est timide mais il assure ne pas avoir le mal du pays. Il veut même rester ici après sa carrière. Il adore notre cuisine, notamment les frites et le waterzooi. Les seules choses qui lui manquent, ce sont les plats japonais et le beau temps de sa ville, Yamaguchi. Pendant deux heures, au Sushi Palace, il s’est livré à nous comme jamais.

 » J’ai grandi dans une petite ville de campagne où il n’y avait pas grand-chose à faire. Nous avions une source d’eau chaude. Je n’aimais pas trop cela mais c’était la tradition. J’ai un frère et une soeur. C’est mon frère, Takehiro, qui m’a fait découvrir le football. Il joue au TSV Meerbusch, en cinquième division allemande. Ma mère est femme au foyer, mon père est agent de police.

A 15 ans, j’ai quitté Yamaguchi pour Kyoto. J’avais été repéré par Sanga. A l’internat, j’ai dû apprendre à vivre en groupe. Ce n’était pas évident car j’étais un solitaire. J’aimais les films d’animation et les mangas. Ce passage par Kyoto m’a fait du bien, je m’y suis forgé un caractère, j’ai appris à être indépendant.  »

En 2013, à l’âge de 19 ans, il passait aux Young Boys de Berne.  » Quand mon agent m’a parlé de cette possibilité, je n’ai pas hésité « , dit-il.  » Je voulais quitter la D2 japonaise, progresser, me confronter à mes limites. Je voulais aller en Europe, peu importait le pays. Le plus difficile, c’était de quitter le Japon car le niveau de la J-League est si faible qu’il est difficile de s’y faire remarquer. A Berne, je suis vite devenu adulte. Les trois premiers mois ont été durs car je vivais seul dans un appartement et ne parlais pas la langue.

Mon agent m’a conseillé de sortir, d’apprendre l’allemand, d’aller à la rencontre des gens. Ce fut pire, je me sentais encore plus seul. Mes parents ne sont venus qu’une fois, par manque de temps. De plus, je ne leur racontais rien. J’avais fait le choix de partir, j’étais responsable. Je suis fier de m’en être sorti tout seul.

Au Japon, les psychologues, c’est tabou. Ceux qui les consultent sont considérés comme des gens à problème. A Gand, nous en avons une et elle m’a beaucoup aidé en début de saison. J’étais tracassé parce que je ne parvenais pas à confirmer ce que j’avais montré la saison dernière. Je me mettais trop de pression, je ne pensais qu’à marquer. Ses conseils m’ont aidé.  »

 » Hormis la météo belge, je ne me plains de rien  »

Quand on amène les sushis, la discussion dévie vers les différences entre la Belgique et le Japon.  » Je préfère la Belgique à la Suisse, il y a beaucoup plus de choses à faire. Hormis la météo, je ne me plains de rien. Je préfère même la Belgique au Japon. Je suis conquis par les villes. Ce qui me frappe, c’est que les maisons sont peu éclairées.

La Belgique est un pays bien structuré et organisé, un peu comme le Japon. Tokyo est une ville trop agitée pour moi mais il y a moyen de s’y amuser. De nombreux Japonais craquent sous la pression. Une journée de 10 heures est normale et beaucoup de jeunes de mon âge sont au bord de la dépression. Ici, c’est plus relax et je suis heureux de faire ce métier. J’aimerais rester en Europe après ma carrière car je crains qu’il n’y ait pas de travail pour moi au Japon. Je ne supporterais pas la pression.

Hidetoshi Nakata reste le footballeur modèle des Japonais. Je l’ai rencontré une fois, lors d’un benefit match. Il ne m’a guère adressé la parole car il parlait surtout en italien avec Fabio Cannavaro. Mais nous avons le même agent, Maurizio Morana, qui me donne de bons conseils.

Il est temps de parler de Gand.  » Quand je suis arrivé, j’étais un inconnu. J’étais libéré, tout me réussissait. Je m’étonnais moi-même. Je ne savais pas que je pouvais tirer un coup franc comme celui contre Bruges. Avant, je n’en avais jamais tiré. C’est Nana Asare qui, à la mi-temps, m’avait dit de tenter ma chance. Quand le capitaine parle, on l’écoute.

Ma meilleure place, c’est celle d’attaquant en retrait, que ce soit derrière Mamadou Sylla ou Roman Yaremchuk, même s’ils jouent différemment. Roman est plus fort physiquement, Mamadou aime partir en profondeur. Je m’adapte à ce que le coach attend de moi, y compris défendre. Tactiquement et physiquement, j’ai beaucoup évolué en Belgique. Hein Vanhaezebrouck changeait souvent de stratégie et d’occupation de terrain, cela nous obligeait à réfléchir. Maintenant, les choses sont plus claires car j’occupe une place fixe.  »

Au Japon, beaucoup de gens de mon âge sont au bord de la dépression.  » – Yuya Kubo

 » Un idiot ne pourrait pas jouer avec Vanhaezebrouck  »

 » Le plus difficile à retenir, avec Vanhaezebrouck, c’étaient les signes sur corner car ils changeaient tout le temps. Un idiot ne pourrait pas jouer avec Vanhaezebrouck. C’est un excellent entraîneur sur le plan tactique mais je suis meilleur quand je joue à l’instinct. Le seul conseil que Yves Vanderhaeghe m’a donné, c’est de jouer le plus verticalement possible.  »

Depuis plus d’un an et demi, Yuya Kubo est international à part entière. Il sera sans doute présent en Russie.  » Mais avant cela, je veux ramener Gand à une meilleure place au classement. Nous sommes en route vers les play-offs 1 mais parler du titre serait une erreur. Un ticket européen, ce serait déjà bien.  »

Il est tout aussi prudent lorsqu’il évoque les ambitions du Japon en Russie.  » Le groupe est jeune mais a du potentiel. Seuls Keisuke Honda et Shinji Kagawa sont connus mais ils ne sont plus aussi forts qu’avant. Nous sommes dans un groupe intéressant avec la Pologne, le Sénégal et la Colombie. Si nous nous qualifions, nous pourrions rencontrer la Belgique.  »

Par Matthias Stockmans et Frédéric Vanheule

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