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Kroll :  » J’aime bien les gars qui n’hésitent pas à dire ‘On a joué comme des cons’ « 

Pierre Kroll a beau dire qu’il n’est qu’un profane en football, quand il se lance dans ses anecdotes, le dessinateur et caricaturiste est inarrêtable… C’est d’ailleurs lui qui entame de lui-même sa liste d’anecdotes.

Quand j’étais à l’école, j’avais un surveillant, Victor Wégria (ancien entraîneur du RFC Liégeois et père de Bernard Wégria, ndlr), qui me punissait régulièrement parce que j’étais un petit comique pas très obéissant. Un jour, il m’a dit : « Vous n’êtes pas de la famille du footballeur hollandais ? » Evidemment, j’ai plongé sur l’occasion : « Oui, oui, évidemment !  » Du coup il m’avait à la bonne, il me disait toujours : « Hé ! Il a bien joué en championnat hein dimanche ?!  » Je n’en savais rien, mais j’acquiesçais (rires). Pourtant, le footballeur avait un « L » en moins.

Dans le bouquin « Pour tout ceux qui n’aiment pas la politique et le football« , tu proposes un test pour savoir pour quel poste on est fait. Tu t’es basé sur quoi ?

Tout est quand même au deuxième degré. Pour être gardien, il faut supporter d’être seul pendant un moment et d’encaisser les responsabilités, il ne faut pas être un grand spécialiste pour faire ça. Je n’ai jamais fait le test donc je ne sais pas où je situerais…

Qu’est-ce qui t’a marqué dernièrement dans le football ?

Mon dernier coup de coeur, c’est le Héros du Gazon. J’ai vu un épisode, mais j’ai vraiment accroché. Je trouve que le truc est fait honnêtement et c’est même un hommage au football : on le voit à la base de la base. Dommage d’ailleurs qu’il n’y ait pas eu plus de vidéos du jeu : des ralentis, des analyses, etc.

Avant le Mondial 2014, tu avais dit à propos de Marc Wilmots : « On va essayer de comprendre maintenant ce que veut dire Marc Wilmots quand il parle. »

Certainement parce que je crois que Marc Wilmots a un art particulier de gérer l’interview en disant un peu tout et son contraire, en cachant l’essentiel, en parlant à ses joueurs à travers une réponse, etc. Il a toujours un message caché derrière l’autre. Je me rappelle également d’avoir dit dernièrement qu’avant l’EURO, Wilmots nous expliquerait en long et en large pourquoi on peut gagner le tournoi. Puis quand on sera éliminé, tout le monde nous dira pourquoi on n’avait aucune chance de le remporter. Le football est ainsi fait de langue de bois, c’est pourquoi j’aime bien les gars qui n’hésitent pas à dire « On a joué comme des cons« , qui sortent un peu des sentiers battus en interview.

Oser en caricature, c’est aussi anticiper, comme quand tu prépares déjà tes dessins avant les matchs. Mais imaginons qu’un remplaçant change tout dans les derniers instants…

J’ai eu un cas comme ça pour la finale de la Coupe du Monde 2010. Le match avait lieu pendant mon vol vers l’Egypte – d’ailleurs les Hollandais faisaient tout pour retarder le départ pour voir le match – et j’avais donc prévu deux dessins. Dans ce cas-là, je préférais voir l’Espagne gagner juste parce que je préférais le dessin de leur victoire. Maintenant, si c’est un événement extrêmement fort, je peux encore revenir dessus les jours qui suivent. En 2014, j’ai plus insisté sur le 1-7 du Brésil que sur la finale, par exemple…

Lier foot et actualités est-il plus simple ? Comme quand des joueurs grecs demandent aux Allemands de leur prêter des joueurs et des chaussures à l’EURO 2012…

Ce n’est pas nécessairement plus facile, mais inventer des situations en les ramenant au football permet de mettre en scène un conflit, une victoire, une défaite avec de l’universel. Parfois, on dessine encore des boxeurs parce que l’image est forte. Mais quand il s’agit d’un groupe contre un autre, le foot est souvent très fort, ça fait partie des clichés.

À travers tes dessins, tu critiques pas mal le côté fric du football…

C’est vrai que je trouve que c’est un monde abominable… La plus grande défense que je peux lui trouver, c’est qu’il ressemble au monde, mais alors le monde n’est pas beau. Les grands enthousiasmes que l’on a sont souvent associés à du nationalisme, à la haine de l’adversaire plutôt qu’à son respect… Et puis il y a toute la triche, en effet. Même si je pense que c’est beaucoup plus gangréné que ce qu’on nous montre. Le monde du foot professionnel a tout ce qu’il y a de plus détestable dans un métier. Il y a beaucoup d’argent, mais je ne dirai jamais qu’il est malhonnêtement gagné, car c’est la règle du sport : si tu cours plus vite qu’Usain Bolt, ben tu gagneras plus que lui.

Mais on est fort loin : quand je vois tout le ramdam qu’on fait autour de la décision ou non de Marc Wilmots de quitter les Diables Rouges pour Schalke, ça me sidère…

J’ai déjà rêvé – maintenant, ça prendrait un temps fou – qu’on prenne plus d’argent aux joueurs et qu’on choisisse une oeuvre, prenons la scolarisation des petites filles, à laquelle on dédierait cet argent. Et chaque club et joueur qui s’engageraient dans l’aventure recevraient un insigne qui signifie qu’il verse 20% de ce qu’il gagne à l’ONG. Ronaldo n’aura que 17 voitures à la place de 18 et le petit joueur de D1 belge sera tout content d’avoir le même logo que Ronaldo… On pourrait redorer le blason du monde du foot en disant : il y a beaucoup d’argent, mais ce dernier ne va pas que dans des villas à six piscines et dans les putes.

Tes enfants ont plus de lien avec le foot que toi, c’est ça ?

Mon aîné, qui vit maintenant au Kenya, a été abonné et même un Inferno : le dimanche, il était torse nu dans le stade à gueuler « Enculé, l’arbitre !  » Mon deuxième fils ne sait même pas combien il y a de joueurs dans une équipe, mais ma fille cadette est en plein dans l’ambiance parce qu’elle travaille dans un café à côté de Sclessin. Elle voit les interdits de stade qui passent le match au bistrot (rires).

Une dernière anecdote ?

J’ai fait le faire-part de naissance du fils de Guillaume Gillet. Et c’est aussi une anecdote marrante, car le jour où il est de nouveau champion avec Anderlecht après un match contre le Standard, sa femme me propose de venir à 18h. Je réponds « Mais, il sera là ?? » – « Oui oui, il fait un peu ‘bonjour’ sur le podium puis il revient » (rires). En même temps, les Anderlechtois se moquent souvent de nous les Rouches en disant qu’ils sont tout le temps champions et qu’ils ne vont pas faire des fêtes terribles à chaque fois.

Par Emilien Hofman

Retrouvez l’intégralité de l’interview de Pierre Kroll dans votre Sport/Foot Magazine

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