Arbnor Muja, la bonne surprise de l’Antwerp en 2023 ?

Alors que l’Antwerp réalisait un mercato riche en noms ronflants, l’arrivée d’Arbnor Muja, un Kosovar qui avait impressionné les observateurs du Great Old lors d’une double confrontation en barrages de la Conference League, semblait presque une anomalie. Après des premières semaines compliquées, l’ailier a été désigné joueur du mois de décembre. Un envol ou un mirage ?

Être élu joueur du mois grâce à seulement deux prestations est possible. Il faut dire que la trêve d’un mois pour permettre le déroulement de la Coupe du monde a forcément réduit à une peau de chagrin les possibilités de rencontres à disputer pour les clubs au cours du dernier mois de l’année écoulée. Les formations belges n’ont pas pu profiter totalement de la dinde et de la bûche puisqu’elles ont été à pied d’oeuvre pendant les fêtes de fins d’année. Un match de Coupe de Belgique pour les clubs encore engagés dans la compétition et une journée de championnat figuraient au programme. Suffisant pour attribuer le titre honorifique de joueur du mois. Et à l’Antwerp, c’est un joueur étonnant qui est sorti du chapeau, après avoir été élu par les supporters du matricule 1. Alors qu’il est rarement entré en action avant le Mondial, Arbnor Muja a marqué une fois et signé deux passes décisives contre le Standard et Westerlo. Celui qui n’avait disputé que 232 minutes depuis son arrivée dans la ville portuaire en août est-il enfin lancé ou s’agit-il d’un feu de paille de début d’hiver ?

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La désignation de Muja pour le titre de joueur du mois est d’autant plus surprenante qu’il n’est pas le joueur anversois à avoir été le plus productif au cours des deux dernières sorties de 2022. Le Néerlandais Calvin Stengs a fait trembler les filets à deux reprises et a donné deux assists. A chaque fois un but et une passe décisive, aussi bien contre les Rouches que contre les Campinois. Sans compter que, parmi les autres nominés, figurait la jeune pépite Arthur Vermeeren, 17 ans, que la légende du RAFC, Patrick Goots, n’hésite d’ailleurs pas à comparer à Andrès Iniesta. Ni plus ni moins.

Repéré lors d’un duel de l’Antwerp en barrages de la Conference League

Le transfert d’Arbnor Muja à l’Antwerp avait surpris quelques uns à l’époque. Il faut dire que le club détenu par l’ambitieux Paul Gheysens visait des grands noms, surtout avec l’arrivée de Marc Overmars à la direction sportive. Alors forcément, le recrutement d’un Kosovar de 24 ans, évoluant encore dans son pays natal, apparaissait comme une anomalie entre des Vincent Janssen, Toby Alderweireld ou Jurgen Ekkelenkamp.

Certes, il ne faut pas limiter le scouting qu’aux noms les plus connus et l’on peut réaliser de belles affaires dans des compétitions peu médiatisées et réputées. L’exemple de Khvicha Kvaratskhelia, le Géorgien qui est devenu l’une des nouvelles attractions de Napoli en est une preuve. Il a débarqué à l’ombre du Vésuve en provenance du Dinamo Batoumi, club de son pays natal. Sauf que l’attaquant a été contraint d’effectuer ce choix en raison de la guerre en Ukraine et la suspension de son contrat par le club russe de Rubin Kazan.

Une carrière entre Kosovo, Albanie et… sixième division allemande

Ce n’est pas vraiment le cas d’Arbnor Muja, dont la carrière s’est déroulée entre le Kosovo, l’Albanie et la… sixième division allemande. En 2018, il avait quitté Trepca, club de la ville où il a grandi, pour la seconde équipe de l’Eintracht Braunschweig, avant de repartir à Skënderbeu, formation albanaise qui avait accueilli le globe-trotter belge Marvin Ogunjimi en 2017.

Pour la petite histoire, la famille Muja avait fui le conflit yougoslave au coeur des années 90 pour s’établir en Allemagne. C’est sans doute pour cette raison que l’ailier droit a d’abord tenté sa chance à l’étranger dans ce pays. Après son escale albanaise, Muja est revenu à Trepca, son club formateur avant de rejoindre l’ambiteux FC Drita. La saison dernière, il a marqué 4 fois et délivré 7 passes décisives en 20 apparitions dans le championnat kosovar (et 8 buts et 10 assists en 30 rencontres si l’on ajoute les autres compétitions disputées par Drita). Des statistiques intéressantes pour un joueur important dans son équipe, mais pas celles qui tapent en principe dans l’oeil d’une formation aussi ambitieuse que l’Antwerp.

Arbnor Muja, qui évoluait encore au FC Drita, défend contre Marcus Holmgren Pedersen de Feyenoord pendant le deuxième tour de qualification de la Conference League (Photo by Herman Dingler/BSR Agency/Getty Images)

Sauf que lors du double duel de barrages de la Conference League entre les deux clubs, Muja va manifestement marquer les esprits des décideurs du Great Old, alors qu’il ne fera pourtant pas trembler les filets. Il avait contribué, au tour précédent, à la qualification de ses couleurs contre l’Inter Turku, en s’offrant un doublé et en donnant un assist.

D’après l’ailier, c’est surtout lors de la rencontre au Bosuil, où les locaux avaient été contraints au partage contre leur invité du jour, qu’il a marqué les esprits. « Lors de la manche retour disputée au Kosovo, je souffrais de quelques problèmes aux ischio-jambiers et je n’étais pas à 100 % de ma forme », se souvient Muja dans les colonnes d’Het Laatste Nieuws. « Nous avions été éliminés après un match intense et dans les catacombes du stade, j’ai rencontré le président de Drita, avec qui j’ai toujours eu un bon contrat. Il m’a dit : « J’ai des nouvelles pour toi. Tu vas partir pour l’Anvers. » J’ai cru qu’il plaisantait », se remémore l’ailier de 24 ans. « J’ai ensuite vu une délégation composée de dirigeants de l’Antwerp qui m’attendait un peu plus loin. J’ai alors compris que c’était vrai. »

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« Je veux rendre sa confiance à Marc Overmars »

Abnor Muja rejoignait le Bosuil pour seulement 400 000 euros, de loin le transfert le moins coûteux pour le club le plus ancien du pays qui a signé, pour 19 millions d’euros, le quatuor composé de Janssen, Alderweireld, Ekkelenkamp et Gaston Avila. Logiquement, les attentes n’étaient pas très grandes pour un joueur qui apparaissait logiquement comme un pari. Cela allait nécessiter un temps d’adaptation pour se hisser au niveau dans une compétition et un club supérieurs à ce qu’il avait connu jusqu’à présent. « Je suis parti tenter ma chance en Allemagne quand j’avais 19 ans, mais j’étais encore trop vert à l’époque. Revenir au Kosovo s’est avéré être une bonne décision. Maintenant, je me sentais complètement prêt à passer à la vitesse supérieure », estime l’ailier droit du matricule 1.

Ailier rapide et gaucher, Muja aurait-il séduit Marc Overmars grâce à des qualités assez similaires à celles de celui qui évoluait aussi sur le flanc quand il portait les maillots de l’Ajax, du FC Barcelone ou d’Arsenal ? « Le fait que quelqu’un ayant le parcours d’Overmars m’ait recruté entraîne une grande responsabilité », admet Arbnor Muja. « Je veux tout faire pour lui rendre sa confiance. Malheureusement, au début de mon séjour, j’ai été freiné par quelques petits pépins physiques et j’ai aussi dû m’adapter à un rythme de jeu plus élevé. En dehors du terrain, par contre, j’ai trouvé mes marques presque immédiatement. Le club et mes coéquipiers ont pris grand soin de moi, en particulier Laurit Krasniqi qui possède des racines kosovares. J’ai aussi été assidu afin de maîtriser le plus vite possible l’anglais et ainsi pouvoir me faire comprendre dans mon nouvel environnement », explique encore à HLN celui qui n’a encore jamais porté les couleurs nationales du Kosovo, à l’exception de la catégorie espoir (6 sélections).

Les premiers mois à Anvers ont été compliqués pour le Kosovar qui a du s’adapter à un niveau d’exigence et de jeu plus intenses qu’au Kosovo. (Photo by TOM GOYVAERTS / BELGA MAG / Belga via AFP) (Photo by TOM GOYVAERTS/BELGA MAG/AFP via Getty Images)

Arbnor Muja a aussi un frère qui évolue un cran derrière dans le jeu. « Avec Ardian, j’ai joué une année au sein de l’équipe de Trepca, située dans notre ville natale de Mitrovicë. Nous occupions régulièrement ensemble le flanc droit. C’était agréable de jouer au football avec mon frère dans mon dos », raconte le dernier joueur du mois au RAFC.

Une adaptation compliquée pour le pari du Great Old

Jusqu’à la trêve de la Coupe du monde, le Kosovar n’avait pas vraiment eu l’occasion de s’illustrer. Il a dû attendre 10 journées pour effectuer sa joyeuse entrée en Belgique, en remplaçant l’infortuné Koji Miyoshi, gravement blessé face à Courtrai. Cette première a été en plus ponctuée par un revers contre les Kerels. La recontre suivante, Mark van Bommel le titularisait sur le flanc gauche pour la réception de Saint-Trond où il ne s’illustrait pas vraiment. Il écopait d’un bristol jaune et était remplacé peu après l’heure de jeu par le futur banni du Bosuil, Radja Nainggolan. De nouveau dans le onze de départ, en déplacement au Standard, il sombrait comme toute son équipe face à la furia rouche et quittait la pelouse après 68 minutes. Depuis lors, il se contentait de petites montées en jeu, Michel-Ange Balikwisha, ayant logiquement repris sa place sur le flanc gauche. Juste avant la Coupe du monde, van Bommel ne le convoquait même pas dans le groupe qui allait défier le FC Bruges.

La pause d’un mois lui a manifestement permis de travailler d’arrache-pied pour se mettre à niveau. Contre le Standard en Coupe, il doit remplacer Christopher Scott après seulement 11 minutes de jeu et c’est manifestement le déclic pour celui qui sera aligné sur son flanc droit de prédilection. Il offre le deuxième but d’un centre du gauche à Michael Frey avant de tromper Arnaud Bodart d’un joli tir du pied gauche, alors qu’il avait été oublié par la défense rouche. Une première réalisation sur les rectangles verts du Royaume célébré avec le signe de l’oiseau, cher à une légende du Standard, Axel Witsel.

En duel contre Nacer Chadli de Westerlo. Muja offrira un but à Frey après un joli solo au sein de la défense campinoise. (Photo by TOM GOYVAERTS/BELGA/AFP via Getty Images)

Prêt à mettre l’Antwerp à feu et à flanc ?

Contre Westerlo, il sera aligné sur l’autre côté dans un 4-4-2 avec Janssen et Frey comme target men. Il s’illustrera encore en réalisant un petit slalom sur le côté droit des Campinois avant de servir le pivot suisse pour la réduction du score à 2-1. Après ces deux rencontres réussies, Arbnor Muja sera-t-il le pari réussi de la direction anversoise ?

Il est sans doute encore trop tôt pour l’affirmer et une opposition relevée comme celle de La Gantoise ce week-end pourrait apporter des éléments de réponse. Une chose est sûre, il semble plus libéré dans sa tête et affiche plus de confiance dans ses intentions que lors de ses premiers pas hésitants. A défaut d’être l’arme fatale qui pourrait aider les Anversois à s’offrir un titre de champion qui ressemble encore à un rêve à l’heure actuel, Muja est déjà un joueur sur lequel Mark van Bommel pourra compter dans les prochaines semaines. Et vu les absences de Balikwisha, Ekkelenkamp et Miyoshi, il est important de bénéficier d’une belle profondeur de noyau.

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