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Hjulsager explique la résurrection d’Ostende: « L’année passée, on ne jouait pas vraiment au football »

Guillaume Gautier
Guillaume Gautier Journaliste

Maître à jouer de la meute d’Alexander Blessin, Andrew Hjulsager fait sauter tous les verrous du pays à coups de Danish Dynamite. Rencontre avec un enfant de Copenhague qui a réalisé son rêve espagnol avant de sortir la tête de l’eau sur les plages d’Ostende.

Si l’agitation règne dans les couloirs, c’est moins à cause de l’euphorie de la fin de saison que de la routine des tests Covid réalisés par la Pro League, dont les représentants sont installés en haut de l’escalier du centre d’entraînement des Côtiers. Ostende prépare son sprint final dans la décontraction, incarnée par le bruit d’une balle rebondissant sur une table de ping-pong ou l’enthousiasme provoqué par une partie de fléchettes.

Andrew Hjulsager reçoit dans la salle dédiée aux jeux vidéo, irradiée par les premières chaleurs printanières et surpeuplée de Sport/Foot Magazine sur la table basse. Une fois la porte fermée, l’atmosphère devient propice aux confidences sur la saison folle du KVO, son statut de chef d’orchestre et un regard dans le rétroviseur vers une carrière entamée dans les cours de récréation de Copenhague, là où le football est passé du rêve à l’objectif.

Comment est-ce qu’on apprend le football au Danemark?

ANDREW HJULSAGER: Je suis arrivé à Brondby à neuf ans et c’est aussi là que j’ai fait mes débuts chez les pros. On m’a éduqué dans un jeu très tactique: un bloc rigide, la zone partout sur le terrain, très peu de un-contre-un. Les équipes s’attendent, se regardent, et le favori arrive facilement à 65% de possession. C’est très différent d’ici où il y a beaucoup plus de duels. En fait, ça peut vite devenir un football chiant.

« En Espagne, le style de jeu était très différent »

Le contraste doit être assez fou quand tu te retrouves bombardé en Liga, à tout juste 22 ans. Dans quelles circonstances est-ce que tu débarques au Celta Vigo?

HJULSAGER: Je sortais déjà de quelques bonnes saisons et là, j’étais dans la dernière année de mon contrat et je jouais mon meilleur foot. À la trêve, je suis à huit buts et sept passes décisives. Mon idée, c’était de quitter le club au bout de mon contrat, mais le Celta est arrivé à la mi-janvier. J’avais d’autres options, mais c’était la seule équipe espagnole à venir vers moi avec quelque chose de concret. Et c’était la Liga ! Je regardais beaucoup le championnat, et à ce moment-là ( en janvier 2017, ndlr), c’était encore le meilleur du monde.

Je me dis toujours que je veux arriver à quinze actions décisives, buts plus assists. »

Andrew Hjulsager

De Brondby à Vigo, ce n’était pas un peu présomptueux comme transition?

HJULSAGER: Je n’étais pas le premier joueur danois du club. D’ailleurs, je me suis renseigné auprès de Pione Sisto et surtout de Daniel Wass, qui étaient encore là-bas. Ils m’ont dit beaucoup de bien du club et ça restait normalement une équipe de milieu de tableau, pas le genre à acheter des joueurs pour vingt millions d’euros.

C’était quoi le plus difficile, s’adapter à la vie ou au foot?

HJULSAGER: Les deux. La culture est complètement différente. À Vigo, presque personne ne parle anglais. Et puis, les gens ont un style de vie très différent. Au Danemark, c’est très strict. Quand on te donne rendez-vous à midi, c’est midi. L’Espagne, c’est plus tranquille. Et puis, au niveau du football, le style de jeu est très différent. Avec la chaleur, c’est impossible de jouer à un tempo élevé sans arrêt, de courir tout le temps. Donc parfois, les matches peuvent être très lents, jusqu’à trente mètres du but où d’un coup, ça explose et ça va à cent à l’heure.

Pourquoi tu n’as jamais vraiment réussi à t’imposer dans l’équipe?

HJULSAGER: C’est un ensemble de pas mal de choses. Au début, le club était en milieu de tableau, jamais trop en difficulté pour s’inquiéter donc le coach remettait toujours la même équipe. Les opportunités sont venues quand le club a commencé à lutter pour le maintien, mais au final j’ai quand même forcé un prêt en D2 à Grenade pour avoir du temps de jeu. Et puis, je jouais sur le flanc, et ça cachait une bonne partie de mes qualités.

Avant, tu avais toujours joué dans l’axe?

HJULSAGER: J’avais toujours été plutôt box-to-box, un milieu qui courait beaucoup, qui savait presser ou construire le jeu… J’ai seulement joué sur le flanc quand j’ai débuté chez les pros, parce que le coach voulait me laisser grandir avant de me confier des responsabilités au milieu. Mais en Espagne, on m’a mis sur un côté. Je savais le faire parce que je suis capable de courir, de centrer, et j’ai dû m’adapter pour me mettre à dribbler. Mais je pense qu’on peut voir à mes performances cette année que je suis meilleur quand je suis dans l’axe.

« C’était une bonne chose qu’Ostende en arrive là »

Comment tu te retrouves à Ostende?

HJULSAGER: Je sortais de deux ans et demi sans vraiment m’installer dans un onze et je sentais que j’avais besoin d’un club où je resterais dans l’équipe même après un moins bon match. À ce moment-là, le Danemark avait un sélectionneur norvégien ( Age Hareide, ndlr). On s’était vu pendant l’été et il m’avait conseillé d’aller en Belgique ou aux Pays-Bas pour y faire un an ou deux et retrouver mon meilleur niveau. Comme le coach d’Ostende était norvégien aussi, et qu’il m’a dit que je jouerais au milieu, j’ai sauté le pas.

Et tu arrives dans une équipe qui jouait surtout pour ne pas encaisser de but…

HJULSAGER: Ce n’était pas la façon dont le coach aimait jouer, des gars qui l’avaient eu dans ses clubs précédents me l’avaient dit. Mais avec les joueurs qu’on avait, je pense que c’était difficile de faire quelque chose d’autre. Et c’est sans doute l’une des raisons qui font qu’il est parti en plein hiver.

Et même en plein match.

HJULSAGER: Je me souviens qu’on jouait un des derniers matches de l’année, à Charleroi. À la mi-temps, il m’a dit que c’était son dernier match. C’était une année vraiment folle…

De quoi te faire regretter ton choix?

HJULSAGER: C’est clair que quand je me suis finalement retrouvé à jouer sur le flanc, qu’on ne faisait que perdre et qu’on ne jouait pas au foot. Je me disais que ce n’était pas pour ça que j’étais venu. Mais avec le recul, je pense que c’était une bonne chose que le club en arrive là, parce que ça a permis de faire un reset.

Tu as quand même passé le confinement à te demander ce qu’il allait arriver, non? Des repreneurs qui traînent, pas de licence…

HJULSAGER: J’étais sûr que l’équipe allait trouver un repreneur. Quand tu regardes la situation objectivement, il y a de nouvelles installations, de bonnes infrastructures et seulement huit joueurs sous contrat. Ce club représentait l’opportunité parfaite pour quelqu’un qui voulait reconstruire une équipe.

Tu finis rapidement par penser que ça va bien tourner? Parce que quand le mercato commence, on voit surtout débarquer des joueurs sans grosses références, certains qui n’ont jamais été pros…

HJULSAGER: On a commencé avec une équipe de joueurs dont personne ne voulait, mais après notre dernier match amical contre le Cercle, j’ai senti qu’on ne jouerait pas le maintien. Quand on a battu Malines, ce n’était pas notre meilleur match du début de saison, mais ça a servi de déclic, et le bon flow a commencé.

« J’ai toujours l’ambition de jouer le top »

À partir de quel moment tu te dis que l’équipe peut viser quelque chose en haut de tableau?

HJULSAGER: Je ne me souviens plus exactement du moment, mais je me rappelle d’une interview assez vite dans la saison où j’ai parlé des play-offs 1. Le journaliste m’a regardé avec de grands yeux, genre « Wow, il y a quand même quelques vraies équipes devant ». En vrai, je pensais à ce moment-là que les play-offs se jouaient encore à six ( Il se marre). Mais déjà là, je ne voyais pas une équipe qu’on ne pouvait pas battre, à part Bruges peut-être. Après, il faut aussi reconnaître que toutes les équipes se sont mangées pas mal de points. Normalement, avec notre total de points actuel, on ne devrait pas être si haut dans le classement.

L’équipe se met un peu de pression pour aller chercher le top 4 maintenant? C’est devenu un objectif?

HJULSAGER: Ça dépend des joueurs. Moi, j’ai toujours l’ambition de jouer le top, mais certains sont un peu plus relax, déjà contents avec ce qu’on a fait jusqu’ici. Le coach est fort pour ça, il fait en sorte qu’on garde de l’appétit.

Il vous a transformés en animaux affamés.

HJULSAGER: On utilise souvent une image de lion. D’un groupe de lions. Et c’est la raison pour laquelle on est si bons cette année. Avec notre agressivité, on force les adversaires à faire des erreurs. Maintenant, on peut finir huitièmes et se dire que c’était une bonne saison, ou aller chercher la quatrième place et faire quelque chose d’incroyable. Pour moi, c’est ce qu’on doit viser.

Le fait de jouer sans public, ça aide votre équipe, qui est assez jeune?

HJULSAGER: C’est sûr à 100%. Je me souviens qu’au Danemark, on avait un public plutôt chaud. Il avait beaucoup d’influence sur l’adversaire, mais pouvait aussi en avoir sur nous, quand les supporters commençaient à siffler après une mauvaise passe. Ici, on n’a pas cette pression. Quand tu vas en déplacement au Standard par exemple, normalement le public pèse tellement que tu as l’impression que le temps se raccourcit chaque fois que tu touches le ballon. Cette sensation-là, elle a disparu sans les supporters.

« Je sais que je suis un joueur-clé »

Personnellement, tu joues la meilleure saison de ta carrière?

HJULSAGER: Je pense, oui. Je pourrais être encore plus décisif, avec un peu de chance et en faisant parfois de meilleurs choix, mais j’ai la confiance du coach. Il m’a donné beaucoup de responsabilités et je les assume.

C’est un statut qui te plaît?

HJULSAGER: Je sais que je suis un joueur-clé. On peut le voir dans les stats. Mais j’aime ça.

Pour tes stats, tu te fixes un objectif en début de saison?

HJULSAGER: Je me dis toujours que je veux arriver à quinze actions décisives, buts plus assists. J’ai eu un coach qui me disait qu’un bon milieu de terrain devait atteindre ces chiffres.

C’est plus facile cette saison que l’an dernier…

HJULSAGER: C’est surtout plus simple parce qu’on n’a pas 80 mètres à faire quand on récupère le ballon ( Il rit). Si tu compares le nombre de ballons que je reçois par match et les positions où je les reçois par rapport à l’année passée, ça n’a rien à voir. L’année passée, on ne jouait pas vraiment au football. On était dans notre surface, on attendait et on espérait que Fashion ( Sakala, ndlr) fasse quelque chose.

Dans ton plan initial, tu parlais d’une ou deux saisons en Belgique pour te relancer. C’est donc ta dernière saison à Ostende?

HJULSAGER: Je veux terminer la saison aussi bien que possible, voir où on finit, et parler de la saison prochaine quand la saison sera terminée. Il y a toujours de l’intérêt quand tu joues une bonne saison, mais j’ai toujours tenté de ne pas me concentrer là-dessus, surtout qu’en foot il y a une grande différence entre de l’intérêt et quelque chose qui atterrit vraiment sur la table. J’ai toujours choisi de ne commencer à réfléchir que quand je voyais quelque chose devant moi. Quand j’étais plus jeune, je faisais pas mal de plans, mais avec le temps j’ai appris que le meilleur moyen d’avancer, même si ça parait cliché, c’était de se concentrer sur le fait d’être performant au prochain match. Parce que c’est comme ça que les opportunités finissent par arriver.

Hjulsager explique la résurrection d'Ostende:
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La sélection, Laudrup et l’Espagne

Tu as toujours été international chez les jeunes, mais pas encore sélectionné chez les pros. C’est sûrement dans un coin de ta tête…

ANDREW HJULSAGER: J’étais proche d’être repris au moment où j’ai signé en Espagne, je pense que j’aurais été sélectionné si je m’étais imposé à Vigo. J’avais des contacts avec l’ancien coach, et je pense que je me rapprochais de l’équipe, mais le coach a changé depuis ( Il rit). Je n’ai pas encore parlé avec le nouveau sélectionneur. Mais le style dans lequel joue l’équipe maintenant convient bien à mes qualités.

Pas évident de se faire une place quand on joue au même poste que Christian Eriksen.

HJULSAGER:(Il se marre) C’est clair que devenir une star dans l’équipe sera difficile, mais je pense que si je performe comme cette saison, je finirai par entrer en ligne de compte.

Ce serait un rêve pour un gars qui a grandi avec les grands talents danois des années 90 comme modèles?

HJULSAGER: Ce n’est pas très original pour un Danois, mais j’ai grandi en regardant les matches de Michael Laudrup. D’ailleurs, quand j’étais en Espagne et qu’on me demandait d’où je venais, je répondais Danemark et parfois, les gens ne situaient pas bien. Du coup, je disais Laudrup et ça devenait tout de suite plus clair ( Il rit).

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