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Gojko Cimirot, une bonne pioche pour le Standard

De son bled natal de Trebinje aux bords de Meuse, Gojko Cimirot a fait son trou en silencieux. À la force de son second souffle et de la sueur de son front. Portrait du nouvel arrivant dans le milieu des Rouches.

Gojko Cimirot a les épaules solides.  » Il n’est pas du genre à se cacher. Il y a beaucoup de pression au PAOK et il savait très bien la gérer « , pose Omar El Kaddouri, son coéquipier lors des six derniers mois à Thessalonique. Preuve en est, le Bosnien porte ce qu’il a d’attributs pendant le dernier Clasico. Titulaire alors qu’il vient d’arriver trois jours plus tôt, il livre une prestation très encourageante, qui aurait pu être gratifiée d’un but, sans un hors-jeu de Duje Cop.

Vous ne pouvez que l’aimer, parce qu’il donne tout  » Matej Delac

On fait pire comme débuts.  » Il a une très bonne mentalité. On ne peut rien lui dire « , abonde Stéphane Gilli, adjoint attitré de Mécha Bazdarevic, qui dirige la sélection au quart de siècle d’existence, de fin 2014 à fin 2017.  » En Bosnie, quand les jeunes arrivent en sélection, ils ne disent rien, ils respectent les anciens. Lui, il s’est tout de suite donné à fond, alors que d’autres sont parfois sur la réserve.  » En clair : un bon gamin qui ne fait pas de bruit, mais qui brasse dans l’ombre.

Il faut dire que Cimirot est habitué aux atmosphères endiablées. Sarajevo, PAOK Salonique, puis le Standard. Que des clubs et des enceintes réputées pour leur ferveur. Le 23 mai 2014, le FK Sarajevo reçoit le NK Celik Zenica pour le retour de la finale de la Coupe de Bosnie. Les Bordo-Bijeli attendent un titre depuis sept longues années. À l’aller, ils disposent de leurs adversaires facilement, 0-2. Là, ils enchaînent, avec un Gojko de 21 printemps à la baguette.

Sous son impulsion, devant 7.000 personnes, dans son stade olympique, la rencontre ne devient plus qu’une formalité. À la 67e, il récupère un ballon sur le flanc gauche et explose, complètement. Un véritable festival dans lequel il élimine d’abord deux joueurs dans sa moitié de terrain, puis un troisième au niveau de la ligne médiane. Ensuite, il accélère, se farcit un quatrième et donne en profondeur pour le buteur et l’ouverture du score. Les Grenats gagnent 3-1 et la cinquième coupe de leur histoire.

Un joueur de l’ombre

À l’époque, Cimirot ponctue sa première saison dans la capitale. Dans les cages, il y a Matej Delac, le portier-pion prêté à peu près partout par Chelsea et, entre autres, à Mouscron la saison dernière.  » C’était sans conteste notre meilleur joueur « , assure le Croate.  » On savait qu’un jour, il allait partir. Il a l’aspect d’un milieu défensif traditionnel, mais il était partout entre le milieu et l’attaque.  » L’exercice suivant, les deux hommes soulèvent le graal. Ils sont champions de Bosnie.

En novembre 2014, Cimirot sort une nouvelle performance XXL. Déçu de ne pas être retenu avec l’équipe nationale, dont il vient de connaître les joies deux mois plus tôt, il arrache tout lors du brûlant derby contre Zeljeznicar. Victoire, 1-2.  » Il voulait montrer au sélectionneur qu’il s’était trompé « , poursuit Delac, toujours en stand-by à Stamford Bridge.  » Il travaille énormément pour l’équipe, mais il faut être un vrai fan de foot pour le remarquer. C’est un joueur de l’ombre.  »

Dans la deuxième partie de saison, le FK Sarajevo construit son titre sur une grosse solidité défensive. En 13 rencontres, Cimirot et les siens gardent le zéro onze fois.  » Vous ne pouvez que l’aimer, parce qu’il donne tout « , termine Delac, pas avare de compliments à son égard, au point de le comparer à Luka Modric. L’ascension du gosse de Trebinje, au pied du mont Leotar, le nom de son premier club, continue à bon rythme. Il rejoint le PAOK Salonique l’été qui suit, en 2015, pour un peu plus d’un million. Un somme importante pour un inconnu, tout droit sorti des Balkans.

Doublure de Pjanic

À l’extrême sud de la Bosnie-Herzégovine, Cimirot se construit. Au Stade  » Police « , il fait la loi au milieu, ce qui attire le regard du FK Sarajevo. Il lui suffit d’un an pour ensuite rejoindre la sélection, pourtant bien fournie à son poste. Miralem Pjanic, entre autres, évolue dans un registre similaire, bien qu’un peu plus porté vers l’avant. Après un premier pas contre le Liechtenstein, en septembre 2014, deux mois avant l’intronisation de Bazdarevic, il est régulièrement appelé. En octobre dernier, il joue neuf minutes dans la débâcle au Roi Baudoin (victoire des Diables, 4-0).

Danijel Milicevic, qui tente désormais de sauver le FC Metz de la descente, le croise très régulièrement chez les  » Dragons « .  » Je l’aime bien parce que c’est un gentil garçon, qui est très disponible. Il apporte beaucoup à l’équipe, il est fort ballon au pied et surtout, il fait beaucoup d’efforts. Le problème, c’est que dans sa position, il y a Pjanic, donc c’est difficile pour lui de s’imposer. Mais je suis persuadé qu’il peut s’installer en équipe nationale.  » En gros, Cimirot joue très souvent les doublures de l’excellent médian de la Juventus. Pas si mal.

 » En Bosnie, il y a beaucoup de bons joueurs, mais avec le même profil. Il y a beaucoup de monde au même endroit, surtout au milieu, mais lui, il est toujours dans la liste. Ça veut dire quelque chose « , continue Stéphane Gilli, qui a aussi bien failli se retrouver au Standard, il y a deux ans. Daniel Van Buyten avait rencontré Mécha Bazdarevic afin d’en faire l’éventuel T1 des Rouches. Avec 7 capes, Cimirot a de beaux jours devant lui.

Gojko Cimirot : une bonne pioche pour les Rouches.
Gojko Cimirot : une bonne pioche pour les Rouches.© BELGAIMAGE

Gilli ne le voit pas comme un milieu défensif classique, mais plutôt comme un relayeur. Un poste où il se sent plus à l’aise, notamment lorsqu’il a deux compères à ses côtés.  » Il aime toucher la balle, la faire tourner et il est très discipliné. Mais ce n’est pas un joueur à qui l’on dit : ‘ Tu restes devant la défense‘. Il a besoin de se porter vers l’avant. Sinon, ça serait le brider.  » En plus d’une forte activité à la récupération, d’une faculté à bonifier l’équipe par son abattage, Cimirot veut aussi participer au jeu.

Les pieds éduqués

Surtout qu’il a le bagage technique pour le faire. Milicevic :  » C’est l’école des Balkans. Il a les pieds éduqués. Il a aussi un gros volume de jeu, il a trois poumons. La première fois que je l’ai vu jouer, j’étais très surpris. Il n’a pas un gros gabarit, mais il a gagné beaucoup de duels parce qu’il est très fort dans les jambes « . En bref, un guerrier de 178 centimètres qui, au-delà de son profil de gendre idéal, devrait coller parfaitement avec l’ADN  » Standard « .

Encore cet hiver, le PAOK Salonique garde un oeil attentif sur les Balkans. Cette fois, c’est le défenseur Marko Mihojevic qui vient de prendre un vol direct de Sarajevo à la  » Toumba « , l’enceinte des aigles à deux têtes. Après une première saison entachée par les blessures, Gojko Cimirot, lui, devient le patron du milieu chez les Blanc et Noir. C’est Frank Arnesen, ex-Ajacide passé par Anderlecht au milieu des eighties, devenu directeur sportif sur les bords de la Mer Egée, qui le ramène au club.

Son deuxième exercice est excellent, utilisé tantôt devant la défense, tantôt relayeur par son coach d’alors, Vladan Ivic. Sur le pré, il montre qu’il a tout du milieu de terrain complet, capable aussi bien de gratter des ballons que de casser des lignes. Cimirot s’intègre tellement bien au mode de vie grec et à l’une de ses plus grosses écuries que certains fans s’attachent davantage à lui qu’aux joueurs locaux.

 » Les milieux défensifs ne sont jamais très populaires, mais ici, il était très aimé. Il arrive une heure avant l’entraînement, il ne fait pas de bruit mais, sur le terrain, il donne tout, même pour cinq minutes. C’est ce qui plaisait aux supporters « , souligne Omar El Kaddouri.

Cimirot prouve aussi qu’il sait marquer. Doté d’une très bonne frappe de balle, il expédie, par exemple, une demi-volée des vingt-cinq mètres dans les cages du Panathinaïkos, en février 2016. Un pétard qui termine sa course en lucarne et permet aux siens de recoller au score. Ce jour-là, Stelios Kitsiou et Charis Charisis, aujourd’hui à Saint-Trond, évoluent à ses côtés. Pourtant, El Kaddouri le répète :  » C’est quelqu’un de constant, de très régulier. C’est difficile de dire quel match ressort le plus, il est toujours très propre. Ici, il devait tourner à 13 kilomètres par match…  »

Coupe de Grèce

L’an dernier, quand même, il dépoussière son étagère d’un nouveau trophée : la Coupe de Grèce. Avec lui, les Dikefalos battent l’AEK Athènes, 2-1, en finale. Aujourd’hui, Gojko vient de souffler sur ses 25 bougies et est prêt à bouffer le monde.  » On était tous surpris qu’il parte « , glisse El Kaddouri, qui fait connaissance avec son remplaçant, Thibault Moulin, Waeslandien durant l’exercice 2015/16.

Preuve de sa dévotion, il tient à disputer une énième joute de Coupe, la veille de son départ, le 24 janvier dernier, contre l’ancien club de Ricardo Sa Pinto, l’Atromitos. Il retrouve le technicien portugais du côté de Sclessin, contre un chèque d’un peu plus de deux millions. En Grèce, on évoque une volonté de se rapprocher d’une Bundesliga qu’il apprécie. Au passage, il laisse le PAOK en tête de la très fermée Super League grecque. Le goût du travail bien fait, sans doute.

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