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EURO 2021: pourquoi l’Angleterre y croit plus que jamais

Frédéric Vanheule
Frédéric Vanheule Frédéric Vanheule is redacteur bij Sport/Voetbalmagazine.

L’Angleterre va-t-elle s’offrir une finale de rêve sur la mythique pelouse de Wembley? Dans leur légendaire arène, les Three Lions devront d’abord prendre la mesure du Danemark devant 60.000 fans, avant d’affronter l’Italie ou l’Espagne.

Il arrive que l’EURO serve de décor à d’improbables scénarios, qui font partie de l’histoire du football. Cette année, les huitièmes de finale ont été marqués par l’élimination de tous les finalistes des derniers grands tournois (la France et la Croatie au Mondial 2018, le Portugal et la France à l’EURO 2016). Et puis il y a l’Angleterre. Une équipe qui, dans ce tournoi disséminé à travers l’Europe, a pu disputer presque l’ensemble de ses matches à Londres.

Le sélectionneur Gareth Southgate a lui-même déclaré que l’élimination de l’Allemagne n’effacera jamais le traumatisme de 1996. Cette année-là, l’ancien défenseur central avait loupé le tir au but décisif en demi-finale contre la Mannschaft… à Wembley. L’ex-joueur de Crystal Palace, Aston Villa et Middlesbrough, aujourd’hui âgé de cinquante ans, n’a pas oublié qu’à l’époque, il avait servi de bouc émissaire. Logique, donc, de le voir tempérer l’enthousiasme. « La victoire contre l’Allemagne était un grand moment. Mais elle doit surtout nous servir à bâtir l’avenir. Sinon, elle n’aura servi à rien. »

Ne pas s’égarer

Il y a 25 ans, c’est toute l’Angleterre qui était inconsolable, car malgré le message que diffusait l’hymne du tournoi ( » Football is coming home »), le football n’était – une fois de plus – pas rentré à la maison. Les derniers bons souvenirs d’un EURO réussi pour les Anglais sont déjà bien lointains. Une troisième place en 1968 et une autre 1996, c’est peu pour un pays où la vie d’une grande partie de la population est rythmée par le sport le plus populaire de la planète. Aujourd’hui, c’est un sentiment de soulagement collectif qui prévaut.

Southgate, d’abord à la tête des U21 entre 2013 et 2016, a entamé sa mission avec la sélection A le 30 novembre 2016, après le licenciement de Sam Allardyce. À l’époque, il avait déclaré qu’il s’efforcerait de répondre à l’attente. Un message acclamé par les 45.000 supporters qui garnissaient la mythique enceinte londonienne. Des scènes identiques à celles qui se sont produites samedi à Rome, où la victoire aisée conquise face à l’Ukraine, sur le score de 4-0, a permis aux Three Lions de franchir une étape supplémentaire sur le chemin qui doit les mener à la gloire. Elle a été célébrée par une horde de 12.000 sympathisants, la plupart avec un verre de bière à la main.

Mais la route est encore longue. La fin de l’histoire doit encore s’écrire et rien ne dit que l’issue sera heureuse pour l’Angleterre, car les demi-finales et la finale doivent encore se disputer à Wembley, devant au moins 60.000 fans. Il est donc tout à fait possible que le football s’égare à nouveau, sur le chemin de « sa » maison. Les Anglais et leurs médias (à sensation) se raccrochent cependant à des paramètres encourageants et à des statistiques qui le sont tout autant. Ainsi, les Three Lions n’ont pas encore encaissé le moindre but en cinq confrontations, un exploit que seule l’Italie avait pu réaliser à la Coupe du monde 1990. Ils sont aussi la cinquième équipe, dans l’histoire de l’EURO à se qualifier dans la phase à élimination directe sur un écart de quatre buts. Et seulement la troisième depuis 2016, et l’extension de la compétition à 24 équipes. Belgique-Hongrie (2016) et Danemark-pays de Galles (2021) se sont tous les deux terminés sur le score de 4-0. En outre, ils en sont à sept clean sheets d’affilée, fait unique dans l’histoire de l’équipe nationale.

Après l’Ukraine, les critiques adressées au capitaine Harry Kane (27 ans) se sont estompées. Il a retrouvé sa meilleure forme au bon moment, ainsi que l’efficacité qu’on lui connaît sous le maillot de Tottenham. Deux buts sur quatre tentatives, voilà un ratio tout à fait respectable. Le tour d’honneur tout en retenue démontre cependant que l’Angleterre a conscience que le chemin est encore long. Car les interventions parfois fébriles du gardien Jordan Pickford (27 ans), qui a battu le record de quatre clean sheets d’affilée détenu depuis 1966 par le légendaire Gordon Banks, continuent à donner des sueurs froides et à semer le doute sur la stabilité défensive de l’équipe

Approche prudente

Southgate veut donc à tout prix éviter de tomber dans le piège de l’autosuffisance. Il n’est pas du genre à se lancer dans des déclarations fracassantes ou des remarques sarcastiques, le genre de saillies qui ne peuvent que mettre le feu aux poudres. Souvent tiré à quatre épingles, celui qui a revêtu le maillot de l’équipe nationale à 57 reprises ressemble aujourd’hui à un directeur d’école ou au CEO d’une petite entreprise familiale. Ses discours sont souvent posés et pleins d’humilité. Lors des interviews, le sélectionneur anglais essaie de se montrer convaincant, en partant du principe qu’il vaut mieux ne pas tenir de propos qu’on risque de regretter par la suite. Lorsqu’on lui a demandé ce qu’il pensait du chemin relativement aisé qui s’ouvrait à lui pour atteindre la finale, il s’est contenté de répondre: « Ce sera un énorme défi. »

Cette prudence se reflète aussi dans ses compositions d’équipe, durant le tournoi. En phase de poules, Southgate a souvent aligné six joueurs à vocation défensive pour quatre seulement au profil offensif. Contre l’Allemagne, il a même sélectionné sept joueurs dont la tâche principale était de parer à toute velléité offensive de l’adversaire. C’est ainsi qu’au centre de l’entrejeu, Declan Rice (22 ans, West Ham) et le héros méconnu Kalvin Philips (25 ans, Leeds United) ont été préférés à l’expérimenté Jordan Henderson, à la future star Phil Foden, et au chouchou du public, le supersub Jack Grealish.

Sécurité d’abord, tel est le maître-mot. Offensivement, l’Angleterre procède surtout par les flancs, en misant sur la créativité et les éclairs de génie de Raheem Sterling (meilleur donneur d’assists anglais du XXIe siècle, avec ses six passes décisives en direction de Kane) ou sur la vitesse de Jadon Sancho et Bukayo Saka. Résultat, Marcus Rashford, tout comme Dominic Calvert-Lewin, a été relégué au rang de spectateur privilégié de l’évolution de ses partenaires depuis la touche. Tous deux doivent pour l’instant se contenter de brèves montées au jeu. Cette approche prudente, dénuée de toute prise de risques, ne plaît pas à tout le monde, mais les résultats donnent raison à Southgate. « Ils ont fait le job », pouvait-on lire récemment sur le site de la BBC. Une défense qui rassure et une attaque qui tire profit de chaque opportunité qui se présente: dans le passé, ce sont typiquement des qualités associées à la Mannschaft. Des atouts qui avaient donné à l’Allemagne la réputation d’être invincible en tournoi. Lorsque Southgate obtient ce qu’il demande, son équipe joue de façon chirurgicale et sérieuse, plutôt que de manière exubérante et spectaculaire. Tiens, n’était-ce pas aussi ce que Roberto Martínez préconisait pour les Diables rouges?

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