Jacques Sys

« En ne parlant de titre qu’à partir de 2022, Anderlecht gifle ses supporters »

Jacques Sys Jacques Sys, rédacteur en chef de Sport/Foot Magazine.

En ces jours sombres précédant Noël, quelqu’un, à Anderlecht, songe-t-il au triomphalisme avec lequel le Sporting a embauché Vincent Kompany en mai dernier ?

Son retour devait être le symbole d’un autre avenir et réconcilier des supporters en grogne avec le club. Une grande partie de la presse ne cessait de se réjouir de l’arrivée de Kompany, à croire qu’un ange gardien était tombé du ciel. Quand le nouveau joueur-entraîneur, ensuite rebaptisé joueur-manager, a réuni son staff et d’autres départements, pour donner à chacun le sentiment qu’on suivait une seule vision, ça a fait l’effet d’une nouvelle d’ordre mondial.

Vincent Kompany doit aussi se remettre en question.

Sept mois plus tard, nul n’a décelé de vision et la direction a effectué une étrange génuflexion. Demander de la patience revient à condamner sa propre gestion, c’est un signe d’impuissance. Jamais on n’a dû l’étaler de cette manière. On dirait qu’Anderlecht veut se prémunir contre de mauvaises prestations, contre son incapacité à inverser la spirale négative dans laquelle il est pris. Les Mauves veulent ainsi apaiser le mécontentement de supporters traditionnellement critiques.

En faisant savoir, dans une lettre ouverte, qu’il ne parlera du titre qu’à partir de 2022, Anderlecht gifle ses supporters. Il est très improbable que tout le monde ait été d’accord quant à cette lettre car elle va à l’encontre de la grandeur qu’Anderlecht veut dégager.

En tout cas, Marc Coucke, qui s’appuie sur son instinct en affaires, doit être désespéré. Il a dû comprendre depuis longtemps que les lois du football ne sont pas les mêmes que celles du monde des affaires. La question essentielle est ailleurs : quel plan a-t-il élaboré pour extirper son club de son impasse ? Quelqu’un d’autre le saurait-il, à Anderlecht ? On ne peut pas éternellement passer le balai à travers le personnel et saper les fondements du club, surtout quand les nouveaux ne parviennent pas à donner un nouvel élan ni à apporter de nouvelles idées au club.

Il y a presque deux ans que Marc Coucke, avant même son entrée en fonction officielle au poste de président, a souligné la nécessité de moderniser le club, durant une conférence de presse. Il a ouvertement parlé d’un football qui convienne au style d’Anderlecht. Il a régulièrement fait allusion à l’ancienne direction et aux erreurs qu’elles a commises. Mais la composition du noyau actuel lui est-elle imputable ? Par exemple, comment se fait-il que le noyau comporte 48 joueurs mais qu’en même temps, on parle tout le temps d’une équipe beaucoup trop jeune ? Pourquoi la cellule de scouting commet-elle autant d’erreurs ? Et si on attend tellement d’un nouveau système, au nom anglais qui sonne bien, pour recruter des joueurs, pourquoi n’y avoir pas eu recours plus tôt ?

Mais la question essentielle, c’est ce qu’a apporté Vincent Kompany à Anderlecht pour le moment, si ce n’est que sa présence a longtemps rassuré les supporters. Entraîneur, Kompany a eu de mauvais jugements, il s’est accroché trop longtemps à un concept pour lequel il ne disposait pas du matériel nécessaire et il est co-responsable de la situation actuelle. Lui aussi doit se remettre en question.

Anderlecht n’a d’autre choix que de repartir de zéro, bientôt. Mais le club possède-t-il suffisamment de bagage footballistique pour choisir les bonnes personnes aux bonnes places ? Et surtout, quelles sont ses possibilités financières sur le marché des transferts, dans la mesure où ses dettes impactent son budget ? En tout cas, il est temps de transposer en actes concrets la foi dans le projet et tous les mots creux employés à ce propos. De ce point de vue, la courte trêve hivernale invite à la réflexion. À tous les niveaux.

Vincent Kompany
Vincent Kompany© belgaimage

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