Swann Borsellino

Diables rouges: l’immense Youri Tielemans

Découvrez la chronique de notre consultant Swann Borsellino.

Je n’ai jamais été à Neerpede. Mais j’ai été à Plomelin. J’avais douze ans et si je me souviens de cette petite commune du Finistère, en Bretagne, c’est parce que j’y ai regardé la finale de Coupe de l’UEFA entre Marseille et Valence, mais pas seulement. À cette époque, se jouait dans cette petite ville de 4.000 âmes l’un des plus beaux tournois de football U13 de la planète: le Mondial Pupilles. Parmi ces gamins venus du monde entier, mon équipe, le CO Vincennes, qui avait hérité du FC Nantes dans sa poule. De cette compétition, je garde quelques souvenirs. Certains émus, comme notre rencontre avec une sélection de gamins venus d’Irak, si fiers de fouler le gazon pas assez tondu. D’autres drôles, comme cette photo d’un ancien partenaire, Sidney, que j’avais immortalisé en train de dormir dans le bus avec mon Kodak jetable et un cadrage moins efficace qu’avec mon pied gauche. Et un souvenir impressionnant quand, éliminés, nous avons assisté aux matches qui restaient. Assez vite, nos yeux se sont braqués sur les jeunes aux maillots mauves. Anderlecht pliait ses adversaires avec minutie et passion, et mes collègues et moi nous demandions qui étaient ces ovnis. Habitués à la qualité footballistique de la région parisienne, nous avons découvert qu’elle existait ailleurs. À l’époque, je ne savais pas que la vie me mènerait en Belgique, mais en bon amoureux du foot, je m’étais promis de garder un oeil sur cette équipe.

Youri Tielemans, 23 ans, rappelle qu’il n’y a pas d’âge pour être un patron.

Je tiens toujours mes promesses. De fait, quel ne fut pas mon plaisir de lire dans la presse, un jour de mai 2017, que Youri Tielemans allait rejoindre une équipe de mon championnat. Je ne suis pas du genre à m’enflammer, mais je crois bien que ce jour-là, j’avais du me fendre d’un « vous n’êtes pas prêts pour le petit prodige » sur les réseaux sociaux. Des réseaux sociaux qui n’oublient rien, surtout pas de me renvoyer mon message à la gueule au fur et à mesure des prestations pas toujours abouties du rejeton de Neerpede. Mais ce dimanche avait un petit goût de justice. Sur les coups de 18 heures, j’avais la chance de commenter le quart de finale de FA Cup entre Leicester City et Manchester United. Une grande bataille sur le papier. Une correction dans les faits, tant il y avait un monde d’écart entre les deux équipes. Un monde dirigé d’une main de maître par Youri Tielemans, 23 ans, qui rappelle, si le besoin était nécessaire, qu’il n’y a pas d’âge pour être un patron. En club comme en sélection.

Car c’est ça qui marque le plus, quand on regarde un match de Youri le Fox. On peut évidemment lire les statistiques, leur donner de l’importance. Le milieu de terrain marque plus et assiste plus. Rien de nouveau, cependant, tant ceux qui l’ont vu grandir connaissent sa qualité de frappe et de passe. Peu étonnant, finalement, de le voir fausser compagnie à l’apathique milieu des Red Devils ce dimanche, avant de conclure d’une frappe millimétrée à l’entrée de la surface. Ça, Youri sait le faire. Depuis Neerpede. Depuis le berceau peut-être, même. Sa révolution réside essentiellement dans l’attitude. Il y a autant de joueurs capables techniquement dans le monde professionnel que de choix de bières dans un supermarché belge. Il y a moins de joueurs avec la personnalité de Tielemans. Ce mot « personnalité » paraît être fourre-tout. C’est faux. Avec de la personnalité, celle de Bruno Fernandes, par exemple, Manchester United aurait sûrement mieux fait, ce dimanche. Lors de ce match, Youri a joué autant avec ses pieds qu’avec ses bras. Constamment, il a aiguillé le jeu des siens. Tantôt par des passes, tantôt par des indications. Celles qui sont délivrées par celui qui a la qualité technique et celles qui sont données par celui qui comprend le jeu. Outre ce statut de petit général au sourire d’enfant, c’est sa présence systématique au bon endroit qui fait le nouveau statut de Tielemans. Systématiquement entre les lignes, toujours demandeur, il permet au trio Fofana, Evans, Söyüncü d’avoir une bonne solution si les lignes de passes vers Castagne et Albrighton sont coupées. Et mieux que ça: il veut le ballon. Il ne lui brûle jamais les pieds. Plus intéressant encore, son aptitude perpétuelle à être « coté ballon » pour apporter le surnombre et créer des mouvements à trois. Tantôt côté droit, tantôt côté gauche, jamais sans raison. Une obsession de l’apport offensif intelligent de très bon augure avant l’EURO. Un festival complet qui méritait que l’on chante ses louanges. Un de ces quatre, j’irai à Neerpede. C’est moins loin que la Bretagne.

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