© belgaimage

Daknam, là où le temps s’est arrêté

Matthias Stockmans
Matthias Stockmans Matthias Stockmans is redacteur van Sport/Voetbalmagazine.

Lokeren fait figure de vieille ferme au milieu de gratte-ciels, dans le football actuel. Jusqu’à quand?

« Celui qui était mon délégué il y a vingt ans est maintenant responsable du matériel. Chapeau, président, je connais encore beaucoup de gens « , a déclaré Olivier Deschacht lors de sa présentation. Il était pétri de bonnes intentions mais il a mis le doigt sur la plaie : rien n’a changé à Daknam, en vingt ans.

Willy Peeters (87 ans) est délégué depuis 61 ans. Lokeren emploie les mêmes personnes depuis vingt ou trente ans. Il s’appuie sur des volontaires. L’attaché de presse Herman Vandeputte doit être le seul non rémunéré de D1. Son fils s’occupe de la gestion administrative des matches. Les joueurs restent accessibles aux supporters et aux journalistes. L’ambiance est familiale. Malheureusement, dans le football contemporain, Lokeren fait figure de vieille ferme perdue au milieu de gratte-ciels. Aussi louables soient ces serviteurs bénévoles, ils ne peuvent apporter l’innovation nécessaire. Engager du personnel coûte cher. Le président Roger Lambrechts, qui vient d’avoir 87 ans et est président depuis 25 ans, veut l’éviter.

Le Sporting Lokeren piétine depuis plusieurs saisons. Tous ses membres sentent qu’il a besoin d’un nouvel élan mais nul ne sait d’où il doit venir. Ils lisent tous les articles dans lesquels le président répète qu’il veut céder le club. Du coup, tout le monde s’endort. Malgré le retour de Peter Maes, cette absence d’ambition s’est répandue à tous les étages. Quand Oliver Deschacht a émis des suggestions pour améliorer l’encadrement de l’équipe, ses coéquipiers ont souri :  » Bonne chance, Oli !  » L’un d’eux témoigne :  » Nous avons tous connu de meilleures conditions ailleurs, ce qui nous démotive.  »

Le syndrome post-Maes

Lokeren a vécu ses meilleurs moments entre 2011 et 2014, avec le CEO Marc Vanmaele. Il avait convaincu l’économe Lambrechts de bâtir une nouvelle tribune, appuyé par les résultats : deux victoires en coupe, trois PO1 et l’Europa League. Malheureusement, le club a ensuite décliné sportivement, ce qui l’a empêché de profiter de cette tribune. Vanmaele est parti et est coordinateur au Cercle, suivi un an plus tard par Maes. Depuis 2015, Lokeren lutte contre la relégation et son assistance est passée de 8.000 à 5.000.

Il a pourtant tenté de surfer sur le flow positif de l’ère Maes. Le directeur technique WillyReynders a imposé Bob Peeters. Un échec. Le président préfère les gens qu’il connaît ou les noms. Après quatre mois, il a limogé Peeters pour annoncer, à la stupéfaction générale, le retour de Georges Leekens, le 25 octobre 2015. Un geste impulsif, commis sans consulter son DT. Leekens n’en a pas fait mystère : il entendait bien être un manager à l’anglaise, au grand dam de Reynders.

C’était le début de la fin. Avec Leekens, Lokeren a reculé dans le temps. Il ne l’a compris qu’un an plus tard, confronté à la désertion de supporters dégoûtés par le football lamentable de l’ancien sélectionneur. Le président a reconnu son erreur :  » Leekens reste un ami mais il appartient au passé.  » Reynders a eu gain de cause. En faisant appel à Runar Kristinsson, il a une nouvelle fois tenté de rajeunir le club. L’Islandais a conquis tout le monde par son intégrité et un discours bien pensé. Lokeren semblait avoir trouvé un souffle nouveau.

Il a été coupé dès la première journée, un an plus tard, contre le Club Bruges : 0-4. L’équipe ne s’en est pas remise. Elle a été défaite à Courtrai. Au même moment, Peter Maes était à nouveau libre. Lambrechts a décidé de ne pas louper l’occasion et a viré Kristinsson, après moins d’un an. Un moment-clef : au lieu de patienter, Lambrechts s’est rabattu sur les valeurs sûres.

Le duo Kristinsson- Arnar Vidarsson ne cessait de lui soumettre des idées pour professionnaliser l’encadrement sportif. Les suggestions allaient de nouveaux appareils de fitness à l’embauche de personnel médical. Ces dernières années, de nombreux joueurs nous ont dit en soupirant que l’encadrement n’était pas digne de la D1. Le président tient fermement son portefeuille et surveille tout. Vraiment tout.

Il faut justifier ses indemnités kilométriques. Un joueur a dû demander la permission de subir une thérapie de 80 euros, pour guérir plus vite. Il ne juge pas nécessaire la présence d’un médecin en stage. Les engins de fitness sont démodés. Un espace fitness ? Pourquoi ? Le tunnel des joueurs est vide en semaine. Les vestiaires n’ont pas changé depuis trente ans. Le cabinet médical est trop humide pour y conserver des médicaments. Le remplacement d’une conduite d’eau a généré des discussions interminables.

Les initiés affirment qu’il est possible de collaborer avec Lambrechts mais qu’il faut d’abord gagner sa confiance, ce qui coûte du temps et de l’énergie.  » Il ne faut pas que ça coûte.  » C’est la raison de la mise à l’écart de Reynders, son bras droit depuis 14 ans : ses transferts n’ont pas été rentables. Il a été viré la veille de la clôture du mercato.

Le déficit

Les successeurs de Vanmaele se sont heurtés au même mur. Rudy Geens a tenu six mois. Frederic Schroyens, issu de l’école des jeunes, a été nommé CEO à l’été 2016. Il mise sur la digitalisation et a de bonnes idées mais il y a deux ans, il a fait perdre de l’argent au club en organisant des concerts pendant les PO2. Lambrechts a calé. Il peut être logique qu’à son âge, il ne veuille plus investir. C’est un homme d’affaires avisé. Le Sporting est en déficit mais en 2015, il a réalisé un bénéfice de 5,6 millions, grâce à la vente d’ Alexander Scholz, Hans Vanaken, Junior Dutra et Nill De Pauw.  » Il nous faut un transfert d’un million au moins tous les deux ans « , déclare le président, ajoutant qu’une rétrogradation scellerait la mort de son club.

Il clame qu’il veut passer le relais depuis dix ans mais n’a accompli le premier pas, le passage en SA, qu’il y a un an. Il veut vingt millions pour ses actifs joueurs et installations. Il a refusé des offres de Chine, du Japon, du Qatar et de Russie, estimant que ces repreneurs ne pensent qu’à faire commerce de joueurs. Vouloir assurer l’avenir de son club est tout à son honneur, de même que son souhait de conserver un ancrage local. Mais alors, pourquoi refuse-t-il l’offre d’un groupe d’entrepreneurs régionaux ? C’est que l’aspect financier est encore plus important…

De ce point de vue aussi, Lokeren tourne en rond pendant que le temps s’égrène. Le président a fait en sorte que le club reste viable deux ans après son décès mais ses murs continuent à s’effilocher.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire