Jacques Sys

Coach, objet à usage unique

Jacques Sys Jacques Sys, rédacteur en chef de Sport/Foot Magazine.

On a déjà vu 28 entraîneurs cette saison en D1A.

Le Slovène Luka Elsner, engagé par Courtrai, est provisoirement le dernier nom de la liste. Il y a déjà eu treize changements de coaches au sein de notre élite depuis l’été. C’est un carrousel qui ne s’arrête jamais. Et la recherche d’une certaine stabilité est plus que jamais un leurre. Mais ce n’est évidemment pas nouveau. Au cours des cinq dernières années, les clubs de D1A ont accumulé 93 remplacements!

Les coaches deviennent des objets jetables, des objets à usage unique, dès qu’une équipe va moins bien. Ils ont le boulot le plus compliqué dans un club. Pour eux, connaître le foot ne suffit plus. Un entraîneur doit être un psychologue, il doit assumer ses relations publiques, montrer des compétences tactiques et pédagogiques, savoir être dur et, en même temps, diplomate. Il doit s’exprimer correctement, convaincre et se vendre vis-à-vis de l’extérieur. Il doit entendre ce qu’il se dit, savoir ce que d’autres pensent, surveiller ce que les uns racontent sur les autres. Arie Haan a autrefois comparé tout ça à un théâtre. L’entraîneur doit être un metteur en scène. Et le Néerlandais ajoutait que c’est souvent une mission difficile quand on ne sait pas ce que la pièce raconte.

Les entraîneurs sont-ils screenés avant d’être engagés?

Les clubs procèdent-ils aux analyses suffisantes au moment où ils choisissent un entraîneur? Regarde-t-on s’ils correspondent à la culture du club en question? Ou sont-ils nommés simplement pour des questions de feeling, sur la base de leur palmarès, de leur réputation, ou d’autre chose? Les agents jouent-ils un rôle prépondérant? Quand on voit ce carrousel, on peut en tout cas conclure qu’il est rarement question d’un vrai screening. Encore moins quand un entraîneur est choisi en cours de saison. Souvent, on provoque une rupture de style, les fondements en place sont balayés et on repart à zéro. Dans l’espoir de provoquer un déclic, un électro-choc.

Alexander Blessin
Alexander Blessin© belgaimage

Un changement d’entraîneur, c’est la garantie de réveiller les joueurs. Parce que, dans un premier temps, ils veulent montrer de quoi ils sont capables. Mais ça dure rarement. Et les vieux maux reviennent à la surface. Peter Maes a bien pris les choses en mains quand il a débarqué à Saint-Trond, il semblait parti pour remettre l’équipe sur les bons rails, mais après la récente série d’une seule victoire en quatre matches, on voit que l’effet a pris fin. Mbaye Leye a réussi des débuts de feu avec le Standard en alignant quatre victoires en autant de matches, mais un deux sur neuf a suivi. Quand le noyau manque de qualité, quand il a été mal composé, ce n’est pas la faute de l’entraîneur. C’est la responsabilité des dirigeants. Mais eux, ils restent en place. Alors qu’un C4 remis à un coach, c’est une défaite pour une direction. Malheureusement, les patrons de clubs le reconnaissent rarement.

Dans la recherche du bon profil, cette saison, il n’y a finalement qu’Ostende qui a bien travaillé. On a été étonné, l’été dernier, quand ce club a appelé un Allemand inconnu et sans expérience, Alexander Blessin. Mais le travail avait clairement été bien préparé en amont. La direction avait beaucoup parlé, avec Blessin, mais aussi d’autres personnes. Ce Blessin est la révélation de la saison. Il ne lui a pas fallu bien longtemps pour implanter sa philosophie sur un nouveau groupe de joueurs. Et cette philosophie, il s’y tient, même quand l’équipe connaît un coup de moins bien.

La clarté, c’est le moteur du succès. Ostende n’a pas été épargné par les cas de Covid ces dernières semaines, mais quand un joueur est indisponible, Blessin le remplace simplement par un autre, poste pour poste, mission pour mission. Et le jeu reste efficace. Et reconnaissable. Aujourd’hui, cet Ostende qu’on condamnait à se battre pour son maintien est cinquième, à deux points d’une place en play-offs 1.

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