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Anderlecht – Union : 39 ans plus tard

Jules Monnier Jules Monnier est rédacteur pour Sport/Foot Magazine

Un peu moins de 40 ans après leur dernière confrontation, Anderlecht et l’Union Saint-Gilloise se retrouvent ce jeudi en 16e de finale de la Coupe de Belgique. L’occasion de replonger dans l’histoire de ces deux clubs bruxellois mythiques.

4,7 kilomètres soit 11 minutes en voiture en conditions de trafic normal. La distance qui sépare les stades du Sporting d’Anderlecht et de l’Union Saint-Gilloise est incontestablement la plus courte parmi les affiches que nous offre les 16emes de finale de la Coupe de Belgique version 2018-2019.

Si le tirage au sort nous a tout de même réservé quelques derbys comme les confrontations entre Harelbeke et Courtrai, Genk et Lommel ou encore Malines et l’Antwerp, aucun d’entre eux n’offre le prestige de cette confrontation entre les deux derniers clubs bruxellois restants en lice dans cette compétition.

Forts de leurs 45 titres cumulés, Anderlecht (34) et l’Union (11) représentent à eux deux plus d’un tiers des trophées de champion de Belgique de l’histoire. Pourtant, les deux entités bruxelloises se sont fort peu rencontrées au regard de leur longue histoire et leur dernière confrontation officielle remonte à un peu moins de 39 ans !

Un duel inégal

Alors que l’Union a fêté ses 120 ans en 2017 et que le Sporting a soufflé ses 110 bougies en mai dernier, les deux cercles bruxellois n’ont disputé que 36 saisons au sein d’une même division, la première. Si l’Union accède dès 1901 à l’élite et s’y classe d’emblée à la troisième place, le voisin anderlechtois doit patienter jusqu’en 1921-1922 pour figurer pour la première fois au classement de ce qui s’appelle à l’époque la Division d’Honneur.

Pour cette première saison commune, les clubs voisins partagent à deux reprises : 0-0 au stade Emile Versé d’Anderlecht (rebaptisé Stade Constant Vanden Stock en 1983) et 2-2 au Stade du Parc Duden (rebaptisé Stade Joseph Marien en 1933) dans lequel les Unionistes se sont installés deux ans plus tôt.

À l’issue de la saison, Anderlecht se classe 12e sur 14 tandis que l’Union termine sur la deuxième marche du podium national, battu par le Beerschot lors du test-match pour l’attribution du titre. Lors de l’exercice suivant, les Mauves, qui ne font toujours figure que de Petit Poucet parmi le gratin belge, finissent avant-dernier et retournent voir ce qu’il se passe un échelon plus bas.

L’Union, elle, victorieuse à deux reprises de ses voisins (1-0 et 0-2) coiffe les lauriers, devançant cette fois le Beerschot de 5 points. Il s’agit alors déjà du huitième titre de champion de Belgique pour les hommes de la Butte, un record à l’époque.

De retour en Division d’Honneur après une année de purgatoire, les occupants du Parc Astrid battent une première fois les Jaune et Bleu à domicile (1-0) lors de l’exercice 1924-1925. Mais les Anderlechtois, coachés alors par l’Anglais William Growning, n’ont pas encore la stabilité de leurs voisins et font l’ascenseur entre les deux premières divisions à plusieurs reprises au cours des années 20 alors que les Saint-Gillois vivent une période de vaches maigres sans le moindre podium entre 1926 et 1932.

En 1930, les Unionistes sont même devancés pour la première fois de leur histoire par le  » Sporting Anderlechtois  » au terme du championnat : cinquièmes, les Mauves terminent avec deux unités de plus que leurs rivaux, huitièmes.

L’Union 60

Il ne s’agit pourtant là que d’une anomalie et, dès la saison suivante, les choses se remettent dans l’ordre : l’Union, douzième, n’échappe à la relégation que grâce à une différence de buts moins défavorable que celle du Racing Montegnée tandis que le SC Anderlechtois termine bon dernier et est renvoyé une division plus bas. Les pensionnaires du Stade Versé demeureront alors quatre longues saisons au deuxième échelon national avant de revenir en Division d’Honneur en 1935. Depuis lors, Anderlecht n’a plus jamais quitté l’élite.

Mais s’il y a bien un club qui a marqué de son empreinte le football des années 30, c’est la Royale Union Saint-Gilloise. Alors que le matricule 10 connaît une période compliquée, les dirigeants saint-gillois décident de rappeler le coach anglais Charles Griffiths, dernier à avoir offert la couronne nationale au matricule 10 mais également premier entraîneur professionnel du Bayern Munich et membre du staff technique qui conduit l’équipe nationale belge au titre olympique de 1920.

D’emblée, le pari s’avère gagnant et l’Union se classe troisième en 1931-1932. L’exercice suivant est entamé de la même manière et les Jaune et Bleu ne sont battus qu’à deux reprises lors du premier tour. La défaite face au Beerschot, le jour de Noël 1932 sera la dernière avant longtemps. Car l’Union devient une véritable machine de guerre. Misant sur un onze de base qui ne varie quasiment jamais et emmené par le capitaine Jules  » Pataat  » Pappaert, Griffiths aligne 12 rencontres sans défaite et décroche le neuvième sacre de l’histoire du club.

1933-1934 est du même acabit : 17 victoires et 9 matches nuls, parfois chanceux, octroient à l’Union son dixième titre et lui permettent, petit à petit d’entrer dans la légende. La saison suivante, 22 nouvelles rencontres sans défaite porteront la marque d’invincibilité à 60 et offrira aux Saint-Gillois un surnom éternel : l’Union 60.

Malgré la défaite (2-0) face à l’ennemi de toujours, le Daring puis une autre (1-0) au Beerschot, en fin d’exercice, le matricule 10 fêtera son 11e sacre, le dernier de son histoire dans les plus hautes sphères du football belge.

Le revirement

L’Union a atteint le faîte de son histoire et les 45 années suivantes ne seront qu’une longue dégringolade jusqu’à même atteindre la Promotion (D4) en 1981 après être passé à deux doigts de la radiation en 1976. Anderlecht, de son côté, n’a cessé de grandir depuis son retour au plus haut niveau.

Au lendemain de la guerre, les Bruxellois, emmenés par le BombardierJef Mermans (365 buts en 399 matches de D1 belge) décrochent le premier titre de leur histoire. Le Sporting grandit vite, très vite même : entre 1949 et 1956, il décroche six nouveaux titres de champion.

10 ans plus tard, en 1966, Anderlecht décroche déjà son 12e trophée national et devient, devant l’Union, le club le plus titré du Royaume, une fierté dont les Mauves, forts de 34 titres, peuvent toujours s’enorgueillir aujourd’hui.

Alors que les Unionistes font le yo-yo entre les deux premières divisions au cours des sixties, le Sporting continue sa moisson de succès. En 1972-1973, les deux clubs s’affrontent pour la dernière fois en championnat : les Mauves l’emportent (2-0) au Parc Astrid tandis que les Jaune et Bleu se montrent les plus forts sur la Butte (1-0), ce qui ne les empêche pas de quitter, pour de bon, la première division à l’issue du championnat.

Deux rencontres officielles auront encore lieu entre les deux clubs voisins, toutes deux en Coupe de Belgique : en 1975, le Sporting élimine l’Union (2-1) en 32e de finale et quatre ans plus tard, le 31 octobre 1979, les Anderlechtois sortent une nouvelle fois vainqueur de cette ultime confrontation (2-0) en 16e de finale.

Et si Constant…

Si, depuis lors, Anderlecht a assis sa mainmise sur le football, frappant notamment les esprits au niveau européen en remportant deux Coupes des Coupes et une Coupe UEFA, il le doit en grande partie à Constant Vanden Stock, président du matricule 35 de 1971 à 1997. Comme d’autres joueurs renommés, Vanden Stock est passé à la fois par Anderlecht (de 1932 à 1938) et par l’Union (1938-1943).

Si c’est bien évidemment l’étiquette mauve qui restera à jamais associée à son image, Constant a toutefois toujours gardé beaucoup de sympathie pour le club saint-gillois comme le révèle une anecdote racontée par Frans Verschueren, ancien illustre joueur et capitaine de l’Union.

Invité pour un repas par son ancien coéquipier Vanden Stock, Frans rejoint Constant dans son bureau anderlechtois, à une période où le Sporting est au sommet de sa gloire européenne. Parmi les trophées et photos des Mauve et Blanc, un cliché attire l’attention de Verschueren : vérification faite, il s’agit bien d’une photo d’équipe de la légendaire Union 60.

Ce que confirme Constant : chaque matin, il y jette un oeil en se disant que c’est l’équipe à battre, le mythe à dépasser. Une histoire qui en dit long sur l’impact qu’aura eu cet exploit à l’époque. Du côté de Saint-Gilles, on raconte même qu’avant de devenir le patron du Sporting, Vanden Stock aurait tenté de mettre la main sur l’Union mais aurait été éconduit par les dirigeants d’alors.

Si aucun document officiel ne vient étayer cette affirmation, il va sans dire que cela aurait probablement changé le cours de l’histoire du foot bruxellois tant le virage du professionnalisme réussi par Constant au Sporting a été une véritable sortie de route du côté de la Butte.

Le fossé creusé entre les deux clubs tout au long du dernier quart du vingtième siècle est tel que de nombreux supporters unionistes sont également des sympathisants d’Anderlecht, leur équipe en première division. Une porosité qui témoigne plus d’une relation de voisinage que d’une véritable rivalité, à l’image de celle qui oppose le club de Molenbeek aux deux équipes qui nous occupent.

Aujourd’hui, tant au Parc Astrid qu’au Parc Duden, on se trouve à un nouveau tournant de son histoire. Côté mauve, la famille Vanden Stock a cédé les rênes à Marc Coucke tandis que l’Union, propriété de Tony Bloom depuis cette année, bat désormais pavillon anglais. Un moment idéal pour des retrouvailles.

Le toss du premier Anderlecht-Union au Parc Astrid en 1921-22.
Le toss du premier Anderlecht-Union au Parc Astrid en 1921-22.© ARCHIVES-UNION 1897
Duel entre Paul Van Himst et l'Unioniste Fernand Verleysen.
Duel entre Paul Van Himst et l’Unioniste Fernand Verleysen.© ARCHIVES-UNION 1897
La mythique Union 60 qui survola le championnat de Belgique de 1933 à 1935.
La mythique Union 60 qui survola le championnat de Belgique de 1933 à 1935.© ARCHIVES-UNION 1897
Constant Vanden Stock
Constant Vanden Stock© ARCHIVES-UNION 1897
Anderlecht - Union : 39 ans plus tard
Anderlecht - Union : 39 ans plus tard

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