Zones d’ombre

Les zones d’ombre sont partout. Dans nos vies « covidiennes », qui masquent nos sourires, enferment nos libertés et ouvrent les portes déjà entrouvertes de l’indécence de la gouvernance du monde. L’ombre plane aussi dans nos vies footballistiques. Ce rayon de soleil qu’est très souvent le football est confisqué à nos enfants, aux joueurs amateurs, aux supporters. Le sport, c’est la santé. C’était avant.

Même les règles du jeu sont sujettes à des zones d’ombre. Normal, elles sont édictées et jugées par des hommes. Quoique, ça aussi, c’était avant. Le VAR est dans le fruit et même le défendu reprend son dû. Celui de l’interprétation. Aston Villa en a fait les frais sur la pelouse de Manchester City. C’est 0-0, City n’y arrive pas tellement, Villa y arrive bien. Tyrone Mings, le défenseur de Villa, contrôle un ballon qu’il se fait chiper par Rodri, qui revient d’une position de hors-jeu. Bernardo Silva en profite pour faire 1-0. Les Villans protestent, leur coach Dean Smith est exclu. Villa est battu. L’arbitre applique le règlement, le fait que Mings touche le ballon remet Rodri en jeu.

Même les règles du jeu sont sujettes à des zones d’ombre. Normal, elles sont édictées et jugées par des hommes.

Quelques jours plus tard, l’Official Board déclare: « Si la même situation se représente, il est demandé aux arbitres de ne pas valider le but. » Dorénavant, si un joueur qui revient de hors-jeu provoque intentionnellement la perte de balle d’un adversaire et que cela porte préjudice à l’équipe de ce dernier, il y a faute.

Ce sera donc un mélange de loi du jeu, d’esprit du jeu, et d’interprétation du VAR. Flou, on vous disait. Et même « relou ». Encore avec City. Sur la pelouse de West Bromwich Albion, cette fois. Le même Silva reçoit un ballon, il déboule, quatre secondes plus tard, la juge de touche lève son drapeau. Les joueurs de WBA s’arrêtent de jouer. Cancelo a tout le temps de trouver la lucarne. Le VAR montre que Silva n’était pas hors-jeu, pour un millimètre. Il l’était dans les faits footballistiques, il ne l’était dans le vrai technologique. But accordé. Les humains de West Brom ont fait confiance à l’humain, ils sont trahis par une machine. Insupportable, fou et de plus en plus flou.

Ce même flou entoure aussi ce filou de Sam Allardyce. Redevenu coach du côté de ce même WBA. Le mec sévit dans le côté sombre du foot depuis des décennies. Big Sam c’est Big trouble. Beaucoup de transferts, collusions avec des managers, et puis surtout, cette fabuleuse aventure comme coach national: 100% de victoire à la tête de l’équipe d’Angleterre. Rare, sublime, imbattable. Certes, mais son règne n’a duré qu’un match. Un 0-1 en Slovaquie, et puis la honte et la porte. Piégé qu’il fut par des journalistes déguisés en hommes d’affaires. Allardyce leur propose une solution pour contourner les règles de transfert concernant la tierce propriété. Coût du coup de main? 460.000 euros. Ce type propose d’arnaquer son propre employeur. Il sera viré, mais retrouvera du boulot en Premier League. Pas de doutes, entre les bancs des accusés à ceux de touche, la décence ne trouve plus sa place.

Confirmation de l’amnésie générale, en conférence d’avant-match de ce même West Bromwich-Manchester City, Pep Guardiola déclare qu’Allardyce est un génie. Tout cela parce qu’il a sauvé six clubs de Premier League de la relégation. Vu le passé de Big Sam, on se permettra d’avoir des doutes quant à la façon d’y parvenir. Mais ce serviteur du foot qu’est Guardiola s’en fout. Lui aussi a l’indignation sélective. Premier à réclamer le respect des droits de l’Homme en Catalogne, il est le dernier à se poser les mêmes questions quant aux mêmes droits de l’Homme dans le pays de ses employeurs actuels. Il y a moyen de s’asseoir sur la cohérence philosophique tout en avançant vers la performance footballistique. Son Manchester est leader.

Cette Premier League est floue et resplendissante à la fois. Déjà neuf équipes ont occupé la première place du classement. Génial. On n’en est qu’à la 21e journée. Moins génial pour un des coaches qui a occupé cette première place. Il vient d’être viré. Le 5 décembre, il était en tête, le 25 janvier, on la lui coupe.

Frank Lampard n’est plus. Une petite mort pas bien grave dans sa vie pleine de trophées. Le Lampard joueur est d’ores et déjà éternel, l’entraîneur essayera de durer. Ailleurs. Plus que jamais, la plus belle place dans un stade, c’est sur le terrain.

Un terrain qui nous rappelle que de l’ombre à la lumière, et inversement, il n’y a que la vérité d’un match. Nonante minutes où toutes les logiques, tous les possibles sont faits pour être bafoués par l’incertitude du sport. Pourvu que ça dure.

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