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Vincent Kompany: The Legend

Thomas Bricmont

L’histoire à succès de Manchester City est indéniablement liée à celle de son capitaine. Retour sur le parcours d’une icône.

À la 86e minute, nouvel hommage : Vincent Kompany retire son brassard de capitaine et l’offre à David Silva. Les supporters de Brighton saluent l’icône d’applaudissements nourris alors que les fans visiteurs massés derrière le but lancent l’hymne habituel du King.  » Here’s to you Vincent Kompany, City loves you more than you will know « .

Le titre est en poche depuis la 65e minute et le but de Riyad Marhez. Le peuple blue peut enfin faire la fête après avoir été délivré une première fois, six jours plus tôt, suite à la frappe iconique de leur capitaine face à Leicester.

La bataille pour le titre entre City et Liverpool fut héroïque et a enfin pris fin. 98 points glanés, 32 succès, 95 buts marqués pour décrocher le Graal, des chiffres fous venus conclure une saison historique.

Sur la pelouse du Falmer Stadium, le traditionnel podium est dressé. Après de longues minutes d’attente, le speaker bien en voix annonce le nom de celui que tout le monde attend pour valider ce sacre.

Vincent Kompany débarque en haranguant ses supporters massés derrière le but. Vinnie remporte un treizième prix et soulève son onzième trophée sur le sol anglais. Blue Moon retentit dans les enceintes du stade, avant Wonderwall, autre hymne des fans citizens.

Noel Gallagher est lui aussi présent, du haut de sa loge, fêtant le sixième titre national de son club.  » On a dû gagner 14 matches d’affilée pour décrocher ce titre. Je ne sais pas si les gens réalisent. On a joué contre la meilleure équipe de tous les temps. Après nous bien sûr « , sourit Kompany au micro de Fred Waseige, avant de poursuivre la fête dans les vestiaires et filer vers Manchester.

Une icône

Dans les rues de la cité balnéaire de Brighton, les fans de City sont loin d’en avoir fini avec leur journée ensoleillée et rêvée. Les visages se font de plus en plus rougeauds et les pintes s’enfilent.

 » Comment vous pouvez-me poser une telle question ? Vincent Kompany est une icône. On ne remerciera jamais assez la Belgique de nous l’avoir envoyé « , nous balance l’un des lads mancuniens présents sur place.

Au Black Lion, un pub du centre-ville, on tombe même sur un supporter du voisin United.  » Autant je déteste City, autant je respecte Kompany. Il a une telle personnalité qu’on ne peut que le respecter. Ce type de leader, United n’en a plus depuis longtemps. Trop longtemps.  »

Flashback. 13 Mai 2012. Le foot anglais s’apprête à connaître le thriller le plus haletant de son histoire. Sur un service du bout du pied de Mario Balotelli, Kun Agüero envoie les Skyblues au paradis en offrant la victoire et le titre 44 ans après le dernier sacre de City.

À la 90e minute de jeu, le score est encore de deux buts à un pour Queens Park Rangers, avant qu’Edin Dzeko n’égalise sur corner et qu’à la 93e minute, l’international argentin ne plonge l’Ethiad Stadium dans une totale hystérie.

City est champion alors que de nombreux supporters de United pensaient déjà fêter leur 20e titre dans les travées du stade de Sunderland.  » Le but d’Agüero est le moment le plus incroyable de l’histoire de ce club « , évoque encore aujourd’hui Pep Guardiola.

Ce dimanche 13 mai 2012 sous un beau soleil printanier, Vincent Kompany s’installe au sommet du foot anglais, après avoir été élu Joueur de l’Année en Angleterre, un titre que n’avait jamais gagné un Citizen et qui, les cinq dernières saisons, avait toujours été décerné à un joueur d’United.

Le meilleur défenseur de la Premier League

Après avoir repris le brassard à Carlos Tévez, quelques mois plus tôt, Vinnie brandit le trophée du champion devant 48.000 spectateurs. Nombreux sont encore sous le choc alors que d’autres essuient leurs larmes.

Un peu plus de deux heures après ce final légendaire, dans les catacombes de l’Etihad Stadium, Noel Gallagher, chanteur d’Oasis, sort de l’ascenseur, croise Pierre Kompany père de Vincent, s’agenouille et mime le geste de prosternation :  » Thank you Mister Kompany !  »

Au bout de la route, son fils, Vincent, qui lui tombe dans les bras avant de prendre la pose, en famille, sur la pelouse au milieu d’un stade désert, la coupe entre les mains.  » Je me suis claqué une vertèbre tellement elle est lourde « , sourit Vincent.

Avec les neuf trophées remportés depuis, il a assurément renforcé ses vertèbres. Malgré la grandeur de l’exploit, Kompany vit l’instant avec ses proches : son père, sa femme, Carla, sa fille Sienna, son frère François, sa soeur Christel, et son meilleur ami Rodyse. Ce 13 mai 2012, le Prince est mort, vive The King.

Kompany exulte après son but, aussi sublime que décisif pour le titre, contre Leicester.
Kompany exulte après son but, aussi sublime que décisif pour le titre, contre Leicester.© BELGAIMAGES

Alan Hansen (ancienne gloire de Liverpool avec lequel il décrocha huit titres et trois Coupes des Champions) rédige un véritable éloge panégyrique dans The Telegraph.  » À 6 millions de livres (le prix de son transfert entre Hambourg et Manchester City, ndlr), Vincent Kompany est sans doute la meilleure affaire de tous les temps. Il a démontré qu’il était sur la bonne voie pour devenir le meilleur défenseur de l’ère de la Premier League. « .

Captain Fantastic célébré par ses coéquipiers. King Komp est entré dans la légende des Citizens.
Captain Fantastic célébré par ses coéquipiers. King Komp est entré dans la légende des Citizens.© BELGAIMAGES

Le célèbre consultant de Match of the Day ne s’était pas trompé puisque, sept ans plus tard, lors d’une élection organisée par la BBC, Kompany est élu meilleur défenseur de l’histoire de la Premier League.

Captain Fantastic

Autour du stade, la folie déclenchée par le but d’Agüero ne faiblit pas. Quand on demande aux fans ce que Vinnie représente pour eux, les mots  » Captain fantastic  » et  » Legend  » sont déjà lâchés. L’un d’eux développe :  » Il est consistant et imposant sur le terrain et toujours heureux de représenter son club en dehors. Il est un peu old school en fait, animé des mêmes valeurs que les joueurs des années 60-70, pour qui appartenir à un club voulait dire quelque chose.  » Et pourtant, King Komp n’est au club que depuis quatre saisons. Dans les esprits des fans mancuniens, il est là depuis toujours.

Dans les bras de Pep Guardiola avec lequel il vient de remporter son deuxième titre de champion d'affilée.
Dans les bras de Pep Guardiola avec lequel il vient de remporter son deuxième titre de champion d’affilée.© BELGAIMAGES

Un an plus tôt, en 2011, Kompany remporte son premier trophée avec City en décrochant la FA Cup face à Stoke City après avoir écarté le voisin United en demi-finale. C’est aussi le premier sacre des propriétaires émiratis arrivés à l’été 2008, quelques semaines après le transfert de l’international belge sur fond de polémique et de Jeux Olympiques.

Après s’être pris une rouge face au Brésil avec les Diablotins de Jean-François de Sart, lors du premier match de la compétition des Belges, Kompany est sommé de retourner à Hambourg. Il discute jusqu’aux petites heures avec les dirigeants allemands et décide de poursuivre l’aventure olympique – contre l’avis de sa direction – pour enfin, se voir pousser vers la sortie par les huiles de l’Union belge.

Jacques Lichtenstein, son agent, se rappelle :  » Le président de Hambourg avait établi deux catégories : ceux qui jouent pour les grandes nations pouvaient aller jusqu’au bout de l’épreuve, alors que les joueurs des petites nations, dont faisait partie la Belgique, devaient être présents pour la reprise des entraînements. Une décision honteuse et scandaleuse. Pour contester cette injustice, Vincent a été au clash et il avait 100% raison. Ça a donné par la suite une ouverture pour partir de Hambourg.  »

Ambassadeur du club

Quand Kompany franchit la Manche cet été-là, il découvre un club qui n’a encore rien à voir avec le géant actuel.  » Si tu voulais faire de la boxe dans la salle de fitness, tu ne pouvais boxer qu’avec un gant car on n’en avait qu’un seul « , raconte Vinnie dans le documentaire  » Manchester City, All or nothing « .

En 2012, quelques mois avant le sacre du 13 mai, nous partons interroger le néo-capitaine sur ses terres. Les bolides dernier cri des joueurs côtoient des infrastructures des plus basiques. À l’entrée, un petit box en préfabriqué fait office de Media Center. Il y a même David Platt, un peu plus loin, venu assurément nous provoquer.

On est très loin du club futuriste actuel. Mais Kompany est déjà sûr de son fait :  » Je ne pense pas qu’il y ait beaucoup de clubs en Europe qui se trouvent dans une situation plus favorable que City par rapport à l’avenir. Je fais partie de cette histoire depuis le début, depuis la reprise du club par le cheikh, l’histoire m’est devenue personnelle. Le club a évolué à une vitesse foudroyante et j’ai la chance de pouvoir vivre cette évolution et de moi-même progresser.  »

Vincent Kompany grandit avec City, City grandit avec Kompany. Marié à une Mancunienne pure et dure, père de trois enfants élevés sur le sol anglais, l’enfant du quartier nord de Bruxelles épouse très vite cette cité du nord-ouest de l’Angleterre. Il devient ambassadeur du club et de son image très ambitieuse mais aussi de la ville.

Vendredi dernier, deux jours avant le match du titre, Kompany rend visite à un centre d’aide aux sans-abris  » Supporting People In Need « .  » C’est la moindre des choses. Et faire ce geste, deux jours avant un match important, ça m’aide aussi. Ça remet en place les priorités dans la vie.  »

Plus qu’un footballeur

Titulaire d’un MBA à la Business School of Manchester, son envie d’entreprendre s’est aussi développée avec les années, notamment à travers un très gros projet immobilier qu’il porte depuis quelques années.  » Son envie, c’est d’être plus qu’un footballeur « , précise Jacques Lichtenstein.  » Mais pas pour autant un homme d’affaires.  »

Si l’histoire prend aujourd’hui les formes d’un happy end, son parcours n’a jamais été un long fleuve tranquille. Lors de la saison 2015-2016, Kompany ne dispute que 14 matches de championnat et sera absent lors de l’EURO en France.

Ces blessures qui s’accumulent correspondent au léger déclin d’un club qui termine 4e en 2016 et 3e la saison suivante. Lors de ces deux campagnes, Captain Fantastic est out respectivement 136 et 225 jours. Nombreux le pensent fini pour le haut niveau. Lui n’est jamais plus fort que dans l’adversité.

Il part se refaire une santé sous forme d’un régime détox dans le célèbre spa de Merano, en Italie, et s’astreint à des entraînements très lourds à son retour.  » Avant, je pensais que j’étais une machine. Maintenant, je sais que je suis un être humain qui a la performance d’une machine. Tant que j’aurai ce sentiment, je continuerai à jouer au football. Mais, je veux relever des défis.  »

Les blessures ne lui font plus peur, elles qui l’ont accompagné tout au long de sa carrière.  » « Tu peux progresser, même si tu es blessé », dit-il dans le docu « Manchester City, All or nothing ». « Quand tu es seul à t’entraîner au fitness pour revenir dans le coup, tu penses à ton positionnement sur le terrain. »

Retour en force

« Vincent, c’est un homme qui en veut tout le temps. Tu lui dis dix jours de repos, il voudra revenir après cinq jours. C’est un professionnel remarquable, doté d’une personnalité incroyable, que ce soit comme joueur ou comme personne », raconte à son propos, Lieven Maesschalck.

La saison dernière, Kompany rechute. Le club ne lui témoigne plus le même soutien. Le président, Khaldoon Al Mubarak, déclare : « La chose la plus compliquée pour Guardiola c’est de trouver un défenseur central. Car sa demande est immense. »

Aymeric Laporte débarque pour 58 millions de pounds en provenance de Bilbao lors du mercato de janvier. Ian Cheeseman, journaliste à la BBC et suiveur des Citizens depuis de nombreuses années, précise : « Guardiola ne le considère plus comme un titulaire, mais avec l’enchaînement des matches, Kompany peut toujours rendre de précieux services dans des rencontres de moindre envergure. Vinnie est devenu une sorte de back-up en cas de blessure des titulaires. Il connaît son rôle et semble s’en accommoder. »

Vinnie lors de sa première saison à Manchester City.
Vinnie lors de sa première saison à Manchester City.© BELGAIMAGES

C’est plutôt mal le connaître. Kompany revient en force en fin de saison. Il inscrit un but rageur de la tête lors du derby, qui devait consacrer City en cas de succès, mais finit par s’incliner (2-3).

Dans les vestiaires, l’homme prend la parole et met les joueurs face à leurs responsabilités après avoir pris l’eau contre Liverpool en quart de finale de la Ligue des Champions. Une semaine plus tard, City est sacré champion. Vince soulève le trophée de la Premier League pour la troisième fois.

La Cup en guise d’au revoir

Cette saison, Kompany a déjoué tous les pronostics de ceux qui le croyaient à nouveau mort. Il est de toutes les grandes batailles, ou presque. Il dispute 75 minutes de la finale de la League Cup remportée face à Chelsea, sort une énorme prestation lors de la rencontre décisive du championnat face à Liverpool en janvier dernier (succès 2-1), réitère face à Manchester United lors du succès à Old Trafford du 24 avril.

Seule ombre au tableau : cette élimination face à Tottenham, à nouveau en quarts de finale de la Ligue des Champions. Kompany est présent lors de l’épique manche retour face aux Spurs (4-3) durant laquelle son partenaire, Aymeric Laporte est très peu inspiré. Mais il y a un moment qui éclipse évidemment tout le reste. Ce 6 mai face à Leicester, et cette frappe irréelle à la 70e minute qui vient libérer tout un stade.

« Non, ne shoote pas Vinnie », entend-il quand il avance ballon au pied à 30 mètres des cages de Kasper Schmeichel. « Je ne suis pas arrivé aussi loin dans ma carrière pour les écouter », dira-t-il après la rencontre. « Je ne peux pas décrire ce qu’il a réalisé. C’est une légende absolue. La seule chose que je peux faire c’est me prosterner », sourit le jeune Oleksandr Zinchenko.

Tous les observateurs saluent l’exploit de ce grand monsieur du foot anglais. « Où veux-tu ta statue, Vincent Kompany ? « , demande même l’ancien Red Devil, Gary Neville.

Ce but dantesque est le 20e, toutes compétitions confondues, de Kompany sous le maillot citizen. Dès le coup de sifflet final face à Leicester, les caméras se braquent sur l’international belge. Ses partenaires viennent tour à tour le féliciter. Pep Guardiola lui tombe dans les bras.

Youri Tielemans échange avec le boss au milieu de la pelouse, telle une passation de pouvoir entre la légende et la relève. Deux joueurs au même passif et aux mêmes origines. Ses enfants le rejoignent sur la pelouse avant d’entamer un tour d’honneur. Le dernier à l’Etihad ? Les émotions sont fortes.

L’habituel warrior des pelouses contient difficilement ses larmes. C’est plus de dix ans d’histoire avec ce club qui semblent prendre fin. Une fin idyllique sur le plan sportif, plus conflictuelle avec les décideurs du club, qui auraient oublié la signification du mot respect. Au contraire des fans qui continuent à chanter à sa gloire.

Hier déjà, aujourd’hui, et demain encore. Samedi prochain, en finale de la Cup, face à Watford, Vincent Kompany aura l’occasion de remporter un douzième trophée sur le sol anglais et de conclure sa saison sur un incroyable triplé. Existe-t-il une plus belle manière de dire au revoir ?

Captain-Leader-Legend

« En fait, il pourrait être président. Car ses speechs sont si forts », dit Bernardo Silva. Et Vincent Kompany ne l’ouvre pas que quand il faut taper du poing sur la table dans le vestiaire. Lors de l’hommage à Yaya Touré, en mai 2018, c’est lui qui prend le micro façon ambianceur pour rappeler l’ampleur du joueur qu’était le milieu de terrain ivoirien.

Captain-Leader-Legend est le hashtag qui accompagne tous les posts ou presque pour le décrire sur les réseaux sociaux. Arrivé en Premier League en 2008, Vincent Kompany a également été la personnalité belge la plus influente alors que notre football est en plein marasme.

Pour le quotidien, The Independent, le numéro 4 des Citizens est même la version moderne de Colin Bell, considéré comme le plus grand joueur de l’histoire du club. « Vincent ne pourrait pas vivre sans être capitaine », poursuit son frère, François. « Et en Angleterre, ce rôle revêt une dimension très particulière. C’est plus important que dans n’importe quel autre pays. C’est davantage que de simplement porter le brassard sur le terrain. »

Jacques Lichtenstein : « Dans le foot, il y a la catégorie des bons et des très bons joueurs. Et une dernière, dans laquelle ils sont très peu, celle des capitaines, des vrais, car beaucoup portent le brassard mais ne le seront jamais. Vincent, c’est bien plus encore qu’un vrai capitaine. Pierre, son père, m’expliquait à quel point Vincent, dès l’adolescence, voulait revêtir ce rôle. À quel point c’est important pour lui d’être un leader. Même si ce n’est pas son intention, quand il rentre dans une pièce, il écrase tout le monde par son rayonnement. »

Captain Kompany soulève le trophée de la Premier League. Une image que les fans mancuniens ne se lassent pas de revoir.
Captain Kompany soulève le trophée de la Premier League. Une image que les fans mancuniens ne se lassent pas de revoir.© BELGAIMAGES

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