Graham Potter à Chelsea: plus de pragmatisme que de magie

Alors qu’il réalisait quasiment un parcours sans faute depuis son arrivée sur le banc de Chelsea, le 8 septembre dernier, Graham Potter a été trahi par son ex ce week-end. Brighton s’est montré sans pitié pour ancien entraîneur à succès, mais cette défaite n’entache cependant pas trop le bilan d’un homme qui a relancé des Londoniens en faisant preuve de flexibilité et en osant trancher dans le vif. Analyse.

Habitués aux gesticulations nerveuses très italiennes d’un Antonio Conte qui se contrefiche de renforcer les clichés et aux sautes d’humeur de Thomas Tuchel n’ayant pas peur d’agacer ses dirigeants, les supporters de Chelsea assistent à un tout autre spectacle, bien plus policé lorsqu’ils jettent un coup d’oeil en direction de leur banc. Le nouveau guide de Chelsea, Graham Potter, intronisé le 8 septembre dernier, arbore une barbe taillée et un costume cintré de couleur noire avec parfois un col roulé qu’il n’a pas commencé à porter pour répondre à la crise de l’énergie. Derrière cette apparence élégante se cache cependant parfois un volcan bouillonnant qui rappelle quelque part un certain José Mourinho, capable lui aussi de sortir un joueur avant la première mi-temps si ce dernier ne répondait pas à ses exigences. Ce fut d’ailleurs le cas du pauvre Conor Gallagher, prié de se rasseoir aux côtés du technicien des Blues après une piteuse prestation lors de son quart d’heure contre Brentford. Potter avait justifié sa décision en expliquant que l’attaquant était légèrement malade. Difficile de croire qu’il ne l’avait pas vu dès le début. Comme le Special One, Potter essaie aussi de protéger ses joueurs de l’extérieur, même s’il ne les épargne pas à l’intérieur.

L’homme n’hésite pas non plus à trancher dans le vif quand sa tactique de départ ne s’avère pas être la bonne. Contre Manchester United, son traditionnel 3-4-1-2 prenait l’eau et il a décidé de passer en 4-4-2 en remplaçant le défenseur espagnol Marc Cucurella par le besogneux milieu de terrain, Mateo Kovacic. Cette décision a permis à Chelsea de rééquilibrer les débats et d’arracher le partage. Mais ceux qui suivent Graham Potter depuis Brighton s’étonne de voir cet homme habitué à s’appuyer sur ses forces s’adapter à son adversaire du jour. Le signe d’une évolution dans son coaching ?

Un coach qui tranche dans le vif

Evidemment, sortir un Cucurella qu’il a dirigé chez les Seagulls fut probablement plus facile que s’il avait dû prendre la même décision avec un autre cadre de Stamford Bridge. L’Espagnol connaît les exigences de son entraîneur et aura su entendre ses explications. Mais affirmer que Potter choisirait la facilité serait certainement lui faire un faux procès.

La blessure au genou d’Edouard Mendy a relancé Kepa Arrizabalaga, englué dans l’ombre du Sénégalais depuis maintenant deux saisons. L’Espagnol venu de l’Athletic Bilbao avait pourtant coûté 80 millions d’euros aux Blues en 2018, devenant le gardien le plus cher de l’histoire, avant que sa fébrilité entre les perches ne poussent les dirigeants londoniens à faire venir Mendy de Rennes. Le Basque a semblé transfiguré avec l’arrivée de Graham Potter et a signé de solides prestations entre les perches. Malgré le rétablissement de son rival sénégalais, il a continué à bénéficier de la confiance de son coach. Ce soir, pour le dernier match de poule, il n’est cependant pas impossible que Potter fasse tourner son effectif et que Mendy soit aligné entre les perches. Mais une chose est sûre, il existe désormais une véritable concurrence pour le poste de gardien numéro 1 du temple Blue. « Quand on regarde tous les matchs lors des six semaines à venir, on a un calendrier incroyable, donc je n’ai pas hâte de mettre une étiquette de numéro un ou numéro deux. On veut que Kepa prenne du plaisir et rejoue à son meilleur niveau et aider Édouard (Mendy) à être prêt pour jouer. Quand ce sera le cas, on aura deux bons gardiens », a confié le technicien anglais. « Idéalement, on voudrait que le football décide, mais on aura deux gardiens dans lesquels on croit et ce sera une bonne situation pour nous« , a ajouté le technicien anglais.

Son retour à Brighton dans le costume d’entraîneur de Chelsea ne fut pas une réussite et un premier revers cinglant sur le banc de sa nouvelle formation. (Photo by Darren Walsh/Chelsea FC via Getty Images) © belga

Chelsea n’est pas Brighton

Graham Potter a coûté 20 millions d’euros à Chelsea qui a tenu absolument à le dévisser de son banc de Brighton pour qu’il prenne en main l’équipe d’un club qui a changé de visage au sommet depuis le départ de Roman Abramovitch.

En nommant Potter entraîneur principal, le nouveau propriétaire du club de Londres opérait une rupture avec un Tuchel nommé par son prédécesseur. Certains partisans de Chelsea espéraient voir leurs couleurs évoluer avec le même allant que les mouettes de Brighton. On n’y est pas encore tout à fait, car pour l’heure le natif de Solihull a privilégié le pragmatisme à la magie. Il sait qu’il lui faut du temps pour appliquer ses idées footballistiques offensives et que son nouvel employeur n’a pas autant de patience que son ancien si les résultats ne suivent pas alors que le jeu proposé est séduisant.

Pour l’heure, le bilan du nouveau T1 est de six victoires, 3 partages et une seule défaite, soit une moyenne de 2,1 points par rencontre. Avec 17 buts marqués, la moyenne n’est que de 1,7 par rencontre et défensivement, les Blues ne concèdent que 0,8 pions par match. C’est évidemment meilleur que pendant ses années du Sud-Est de l’Angleterre, mais le matériel était évidemment bien différent.

Cependant, en début d’exercice, après 7 rencontres, les Seagulls version Potter avaient empoché 2,26 points par rencontre. Elles carburaient à une moyenne de 2 buts par duel pour 0,71 encaissé. Tous des chiffres qui montrent que les potions magiques de Graham Potter ne fonctionnent pas encore totalement à l’ombre de Stamford Bridge. Mais évidemment, une révolution de palais ne s’opère pas en un coup de baguette magique.

Le numéro neuf, un problème récurrent

Offensivement, Chelsea n’a pas réglé son problème au poste de numéro 9. Romelu Lukaku est reparti à l’Inter en prêt et Timo Werner en a fait de même en retrouvant la formation qui l’avait cédée à Londres: le RB Leipzig. Pour compenser ces départs de joueurs qui ont coûté très cher (166 millions à eux deux !), les vainqueurs de la Ligue des Champions en 2021 ont tenté les paris d’Armando Broja et de Pierre-Emerick Aubameyang.

Le premier, formé au club et loué avec succès à Southampton la saison dernière, ne manque pas de bonne volonté mais semble un peu limité techniquement pour un niveau plus intense (1 but en 14 apparitions, toutes compétitions confondues). Le second est moins intéressant quand il bénéficie de moins d’espaces, ce qui est plus le cas depuis la prise en main de Potter que pendant l’ère de Tuchel. Le bilan du Gabonais n’est d’ailleurs que 3 pions en dix rencontres et l’on attend mieux de la part d’un joueur qui facturait 92 buts en 163 apparitions sous le maillot des rivaux londoniens d’Arsenal. Buteur pour sa première en championnat contre Crystal Palace, PEA n’a depuis lors plus trouvé la faille. Titulaire seul en pointe ou aux côtés de Sterling, l’attaquant était sur le banc lors de la déroute à Brighton où Graham Potter avait choisi d’aligner Kai Havertz en pointe. L’Allemand, tout comme Mason Mount, demeure l’un des joueurs les plus efficaces de Chelsea. Il a marqué 3 fois en championnat.

Graham Potter continue de défendre un Raheem Sterling plutôt décevant depuis son arrivée à Stamford Bridge. (Photo by Robin Jones/Getty Images) © belga

Un autre élément offensif est aussi à la peine depuis son arrivée l’été dernier à Stamford Bridge. Recruté pour près de 60 millions, Raheem Sterling, annoncé comme le premier gros coup de Todd Boehly, peine à justifier les attentes placées en lui. En Premier League, il n’a marqué que 3 buts et délivré une passe décisive en 11 sorties. Et en Champions League, son bilan est à peine meilleur avec une seule rose plantée et un assist. Une mauvaise passe qui pourrait même le priver d’un voyage au Qatar si l’on en croit certains bruits, Gareth Southgate n’étant pas du genre à protéger ses cadres quand ceux-ci déçoivent en club.

Graham Potter est cependant venu au secours de son ailier avant le déplacement européen à Salzbourg. « Comme je l’ai dit, je pense que c’est plus une question d’équipe. Nous devons essayer d’améliorer notre jeu offensif d’un point de vue collectif. Et si nous faisons cela, alors les individualités au sein de l’équipe fonctionneront mieux. Donc plutôt que de me concentrer sur un joueur (Sterling), j’aime toujours regarder comment mon équipe joue et fonctionne. Et il y a beaucoup d’améliorations à réaliser dans ce domaine, ce qui peut aider tout le monde, y compris Raheem », estimait l’ancien coach de Brighton.

Trossard, le nouvel Hazard de Chelsea ?

Cette progression collective de l’animation offensive passera-t-elle par un recrutement ciblé au coeur de l’hiver. S’il dispose déjà de Cucurella comme ancien des Seagulls dans ses rangs, Potter ne serait pas contre le fait de retravailler avec un de ses anciens protégés, Belge de surcroît : Leandro Trossard. L’ancien joueur de Genk peut-il rallumer la flamme noire-jaune-rouge éteinte à Stamford Bridge depuis les départs de Thibaut Courtois et surtout d’Eden Hazard ? « Je pense qu’il n’a encore reçu aucune offre pour quitter Brighton, mais je ne serais pas surpris que son ancien entraîneur Graham Potter le prenne dans ses valises à Chelsea », affirmait l’ancien défenseur international Rio Ferdinand dans le podcast Vibe with Five.

« Il est difficile de dire quoi que ce soit à ce sujet maintenant, cela dépend entièrement du club qui viendrait aux nouvelles. Mais je sais aussi à quel point je suis bon à Brighton. Avec le nouveau coach, Roberto De Zerbi, les choses semblent prometteuses », répondait le Diable rouge au Monday Night Club de la BBC, quand cette dernière évoquait les rumeurs de départ le concernant.

Une bonne Coupe du monde de l’attaquant qui carbure à un rythme de sept buts et deux passes décisives en Premier League pourrait certainement donner un coup d’accélérateur dans le dossier.

Leandro Trossard peut-il être la pièce manquante qui libérerait l’animation offensive du Chelsea de Graham Potter ? (Photo by Steve Bardens/Getty Images) © belga

Un trio défensif globalement solide malgré les blessures

Défensivement en revanche, le Chelsea de Potter est plus consistant que le Brighton du même entraîneur (l’équipe encaissait 1,28 buts par match pendant toute la durée de son mandat). Malgré de nombreuses absences majeures, comme celles de Reece James ou des très onéreux transferts Wesley Fofana et Kalidou Koulibaly, Chelsea encaisse peu et a même retrouvé le goût de la clean sheet.

Depuis l’arrivée de son nouveau guide, les Londoniens ont préservé leur filets inviolés par cinq fois sur leurs dix joutes disputées. Cela fait cependant trois rencontres que ce n’est plus le cas et contre Brighton, Kepa a été recherché le ballon au fond de ses filets plus d’une fois, ce qui ne lui était pas encore arrivé depuis son retour entre les perches. Il faudra observer attentivement les prochains matches des pensionnaires de Stamford Bridge pour voir si la faillite défensive de Brighton n’était qu’un simple accident de parcours qui s’explique par un adversaire connaissant le coach de Chelsea sur le bout des ongles et sûrement extrêmement motivé à lui prouver sa valeur.

Trevor Chalobah a coulé à Brighton, mais il réalise de bonnes prestations depuis l’arrivée du nouvel entraîneur. (Photo by Robin Jones/Getty Images) © Reuters

Le trio composé de Trevor Chalobah, de l’expérimenté Thiago Silva et de Marc Cucurella n’est pas parvenu une seule fois à garder le zéro derrière. La dernière fois que cela s’était produit pour Chelsea, c’était contre Brentford où le trident défensif était composé de César Azpulicueta, Thiago Silva et Kalidou Koulibaly. Depuis lors le premier et le troisième ont rejoint les rangs de l’infirmerie, même si l’Espagnol pourrait retrouver les terrains contre le Dinamo Zagreb. Mais comme le soulignait l’entraîneur des Blues quand il évoquait les problèmes offensifs de son équipes: seule une amélioration collective dans la manière de défendre permettra de résoudre les problèmes et d’aider les individualités à hausser leur niveau de jeu.

Graham Potter, version Chelsea, définitivement plus pragmatique que magique.

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