Premier League: la muraille de Newcastle

Si le FC Barcelone s’appuie sur la meilleure défense d’Europe à l’heure actuelle, les Magpies arrivent juste derrière. Une métamorphose complète pour un club, certes regonflé par l’arrivée d’un milliardaire saoudien, mais qui jouait encore le maintien en Premier League pendant une grosse partie de la saison écoulée.

C’est un véritable tremblement de terre qui avait secoué la Perfide Albion en ce début de mois d’octobre 2021. Le fond d’investissement saoudien PCP Capital Partners et les frères David et Simon Reuben rachètent Newcastle à Mike Ashley pour une somme avoisinant les 350 millions d’euros. Le nouvel acquéreur ne fait pas l’unanimité auprès des défenseurs de droits de l’homme étant donné la peu flatteuse réputation en la matière du prince héritier Mohammed ben Salmane. Mais qu’importe, l’aspect financier a primé sur tout autre et désormais entre les mains de propriétaires dont la capacité financière est estimée à 400 milliards d’euros, Newcastle, alors dernier de la Premier League avec seulement 3 unités sur 21 possibles et aucune victoire en sept duels, va entrer dans une nouvelle dimension. Mais avant de rêver plus grand, mes Magpies doivent d’abord assurer leur survie parmi l’élite anglaise.

La nouvelle direction se sépare alors de Steve Bruce et de ses préceptes à l’ancienne pour apporter plus de modernité dans le coaching avec la nomination d’Eddie Howe. Le quadragénaire a obtenu de très beaux résultats sur le banc de Bournemouth avant de devoir quitter celui-ci quand le club a été relégué en Championship. Grâce à des transferts bien ciblés pour aborder cette lutte si particulière pour le maintien, Newcastle va finalement assurer son avenir au sein de la plus haute division anglaise. Ils termineront onzièmes avec quatorze unités d’avance sur Burnley, premier descendant de l’exercice écoulé.

En 38 rencontres, les Magpies ont vu leurs filets trembler à 62 reprises, soit 1,63 but encaissé en moyenne toutes les 90 minutes. Difficile d’imaginer à l’époque que cette même équipe deviendrait tout simplement la meilleure arrière-garde de la Perfide Albion après 21 journées de compétition cette saison. En effet, Newcastle n’a concédé que 11 buts et devance de cinq buts Manchester City, deuxième défense la plus imperméable de Premier League.

Ce week-end, Nick Pope a de nouveau conservé ses filets inviolés lors du déplacement à Crystal Palace. Cela fait désormais 241 minutes que cela dure puisque la dernière fois qu’il a dû s’incliner remonte au 6 novembre face à Southampton. C’est le Français Romain Perraud qui avait surpris sa vigilance et celle de sa défense.

Devant Pope, qui a enfilé les gants du NUFC cet été après la relégation de Burnley, on retrouve désormais un quatuor d’expérience puisque ses membres ont 29 ans de moyenne d’âge et comptent 521 rencontres de Premier League à leur actif, gardien compris. A droite de l’échiquier se trouve Kieran Trippier, un international anglais qui était revenu l’hiver dernier dans le nord-est du Royaume-Uni, alors qu’il défendait les couleurs de l’Atlético Madrid. L’axe central est formé par la paire Helvetico-néerlandaise Fabian Schär et Sven Botman. Si l’international suisse avait traversé la Manche lors de l’été 2018, en provenance du Deportivo La Corogne, le jeune Néerlandais a attendu le mois de juillet dernier pour effectuer le trajet entre Lille et Newcastle. Formé à l’Ajax, il avait vraiment lancé sa carrière pro dans le Nord de la France et avait préféré rejoindre l’Angleterre et un club ne disputant pas la Coupe d’Europe, plutôt que d’enfiler le maillot rossonero de l’AC Milan, fraîchement sacré champion d’Italie. Les 37 millions investis dans le gaucher s’avèrent un placement judicieux vu l’importance qu’il a pris et la stabilité qu’il a conféré à la défense de Newcastle.

Le poste de latéral gauche a lui été dévolu à Dan Burn, arrivé on the buzzer chez les Magpies juste avant la fermeture du mercato d’hiver 2022. Le joueur de Brighton était déjà âgé de 30 ans mais n’a pas tardé à apporter une plus-value à son nouvel employeur qui venait de mettre 15 millions d’euros sur sa tête.

Un gardien et un défenseur central qui changent tout

A l’exception d’un Trippier, qui a porté à 40 reprises la liquette des Three Lions, disputé une finale de Ligue des Champions avec Tottenham en 2019 et s’est offert une Liga à l’Atlético, on ne peut pas dire qu’il s’agit de recrues bling bling auxquelles on aurait pu s’attendre de la part d’un nouveau riche. Mais ces achats ciblés et pertinents ont permis à Newcastle de s’appuyer sur une muraille pratiquement infranchissable, qui lui permet de s’installer sur le podium de la Premier League en compagnie d’Arsenal et de Manchester United. A côté de cela, les Magpies viennent de s’offrir depuis ce mercredi une finale en Carabao Cup. La perspective d’un premier trophée en vue pour les propriétaires saoudiens et la première marche vers un avenir plus glorieux à l’ombre de St James’ Park.

Sven Botman, 37 millions judicieusement investis dans la défense de Newcastle. (Photo by Serena Taylor/Newcastle United via Getty Images) © belga

La saison dernière, Trippier avait été rapidement blessé pendant que Dan Burn était aligné dans l’axe central défensif. Le 8 mai dernier, les Magpies repartaient avec cinq buts dans leurs valises de Manchester City, futur champion. En août dernier, ils n’en ont plus pris que trois dans leurs installations, mais cette fois les Geordies ont su répondre aux réalisations des Magpies. C’est d’ailleurs la seule fois cette saison, avec la défaite concédée à Liverpool, que Newcastle a pris plus d’un but cette saison. La Toon Army a même réussi à garder la clean-sheet lors des matches contre Chelsea, Manchester United et Arsenal.

Par rapport à la déroute subie à City quelques mois plus tôt, trois hommes ont changé. Le portier Martin Dubravka a préféré enfiler les gants du voisin de Manchester United,dans l’ombre de David De Gea tandis que le Suédois Emil Krafth et les Anglais Jamaal Lascelles et Matt Targett sont depuis lors rentrés dans le rang pour laisser place à d’autres hommes.

Il faut cependant apporter quelques nuances à cela. Si Schär se trouvait sur le banc à l’Etihad, il était cependant déjà l’un des tauliers défensifs sur lesquels s’appuyait Eddie Howe. Cette saison, le Suisse n’a d’ailleurs manqué qu’une seule rencontre de Premier League. Capitaine de Newcastle jusqu’en février dernier, Lascelles a depuis lors perdu son rang. Il n’a plus été titularisé que quatre fois jusqu’à la fin de l’exercice écoulé avant de rester définitivement vissé sur le banc de St James’ Park cette saison puisqu’il n’a disputé que 105 minutes de jeu, dont une seule titularisation contre Liverpool. Pour sa part, Krafth a logiquement été victime du retour de Trippier qui aurait été incontournable dans le onze sans sa blessure. L’arrière gauche Targett fut en revanche la principale victime de l’arrivée de Botman dans le nord-est de l’Angleterre puisque que Howe a directement installé le Néerlandais aux côtés de Schär, dans son axe central défensif. C’est donc Burn qui a glissé à gauche dans la ligne arrière.

Malgré des possibilités financières devenues illimitées, Newcastle n’a pas pu se permettre un mercato aussi extravagant que celui de Chelsea par exemple. Les Blues aussi ont changé de propriétaire l’an dernier, mais ils ont certainement pu utiliser l’argument de la Ligue des Champions pour pouvoir dépenser à tour de bras et recruter pour 460 millions d’euros de nouveaux joueurs. Dans le Tyne and Wear, l’on n’a pu se permettre que d’en dépenser 136 pour embrigader cinq recrues, dont 70 rien que sur le seul Alexander Isak.

A titre de comparaison, Arsenal a dépassé les Magpies en actant les arrivées de Leandro Trossard et Jakub Kiwior pour un peu plus de cinquante millions d’euros. Mais les actuels leaders de la compétition anglaise ne sont pas les seuls à devancer Newcastle au niveau des dépenses de recrutement. En plus des deux formations londoniennes déjà citées, Manchester United (240,32 millions), West Ham (194), Nottingham Forest (181,95), Tottenham (169,9), Wolverhampton (158,35), Manchester City (150,5), Leeds (144), Liverpool (137) ont tous plus fait chauffer la carte de banque qu’un Newcastle, qui n’arrive donc qu’à la 11e place. Un rendement efficace au vu de la 3e place provisoire au classement du championnat anglais. Cinq des formations ayant investi plus que les Magpies doivent se contenter d’une place dans la seconde moitié de tableau (Chelsea, Nottingham, Leeds, West Ham et les Wolves). Autant dire que malgré son statut de nouveau riche, le club cher à Philippe Albert a su choisir la qualité à la quantité.

La recrue la plus coûteuse n’est pas la plus performante

Au final, c’est l’arrivée la plus onéreuse qui s’est pour l’instant avérée la moins rentable. Isak n’a encore joué que 284 minutes en championnat depuis son arrivée dans le nord-est du Royaume Uni. Ecarté pendant de nombreuses semaines par une blessure à l’ischio, le Suédois de 23 ans a cependant trouvé le chemin des filets à trois reprises, la dernière remontant à l’unique but lors du succès contre Fulham où il était monté à 20 minutes de la fin. De nouveau remplaçant lors du déplacement à Crystal Palace, qui s’est terminé sur un score de parité nul et vierge, l’ancien artificier de la Real Sociedad a parfaitement servi Joelinton pour que ce dernier n’offre à ses couleurs une finale de Carabao Cup. Quand il aura retrouvé toutes ses capacités physiques, Alexander Isak pourrait être l’une des armes qui aidera Newcastle à conserver son billet qualificatif pour la prochaine édition de la Ligue des Champions. Et ainsi, il justifiera le montant de son transfert, tout en permettant à ses nouvelles couleurs de se montrer plus actives et dépensières lors du prochain mercato d’été. Attention cependant à ne pas succomber à la fièvre acheteuse, vu que l’histoire récente a démontré à la perfection qu’il convenait avant tout de réaliser les bons choix plutôt que d’empiler les noms ronflants.

Kieran Trippier, un homme de grande expérience qui dynamise le couloir droit de Newcastle. (Photo by Alex Dodd – CameraSport via Getty Images)

Comment la défense de Newcastle a-t-elle pour sa part évolué par rapport à la saison dernière ? Elle concède déjà beaucoup moins de tirs. De 13,9 lors de l’exercice 2021-22, ce qui en faisait la 7e équipe la plus canardée de la ligue, la Toon Army n’en subi plus que 10,6 par tranche de 90 minutes aujourd’hui. C’est la cinquième formation de l’élite qui en concède le moins, le podium étant composé par deux premières du classement, Arsenal et Manchester City, et l’étonnant Brighton. Plus dominants dans le jeu, les Geordies taclent légèrement moins, même s’ils ne sont passés que de 17,3 tacles en moyenne par match à 16,9. Ils effectuent aussi logiquement moins d’interceptions par rapport à la saison dernière. L’agressivité reste un atout important par rapport à d’autres équipes plus huppées de la compétition.

Au niveau des fautes commises, les Magpies en sont à 10,6 toutes les 90 minutes, ce qui leur donne la 11e place en Premier League. Ils en commettent donc un peu plus que lors du dernier exercice 2021-22 (10,3). Manchester City est logiquement l’équipe la plus « propre » de la compétition avec seulement 8,5 fautes de moyenne par rencontre. Les champions en titre devancent de manière surprenante Brentford et Everton, la lanterne rouge. En contre-partie, les joueurs de Newcastle subissent un peu plus de coups que la saison dernière. Par match, on siffle en moyenne 10,5 fautes en leur faveur pour seulement 9,6 lors l’exerice précédent. Les équipes les plus matraquées de la Premier League sont Aston Villa, Crystal Palace et Chelsea. Ce sont les équipes qui ont le plus souvent le cuir dans leurs pieds qui subissent le moins de fautes.

Eddie Howe, le brillant tacticien qui a changé la face de Newcastle

Sur le banc de la Toon Army, Eddie Howe a de nouveau confirmé tout son sens tactique. Réputé pour faire progresser des équipes du bas de tableau, cet adepte du pressing haut demande à ses joueurs d’aller chercher le ballon le plus loin possible à l’intérieur du camp adverse. Fini le Newcastle arc-bouté devant ses cages des dernières saisons. Désormais, les pensionnaires de St James’ Park sont autoritaires et ambitieux dès qu’ils montent sur la pelouse. Ils sont d’ailleurs ceux qui récupèrent le plus souvent le ballon dans le dernier tiers adverse. Une statistique qui souligne le vent nouveau qui souffle en bordure du Tyne, alors que le Manchester City de Pep Guardiola continue de séduire et que l’Arsenal de Mikel Arteta propose un football soigné et agréable pour les yeux.

Howe est aussi parvenu à bonifier certains joueurs relativement inconnus du grand public comme Miguel Almiron. Ce Paraguayen, venu de MLS où il avait conquis le titre national à Atlanta United, ne s’est pas pris les pieds dans le tapis au moment d’effectuer le grand saut entre les compétitions nord-américaine et anglaise. Il a même été désigné joueur du mois en Premier League, en octobre, grâce à ses sept roses plantées en autant de sorties. Newcastle est aussi une équipe redoutable sur les phases arrêtées qui lui permettent régulièrement de faire la différence.

Eddie Howe a démontré toutes ses qualités tactiques sur le banc de Newcastle. (Photo by Robin Jones/Getty Images)

Pep Guardiola méfiant

Pep Guardiola, le technicien de Manchester City qui côtoie cet invité surprise dans les hauteurs du classement, commence à se méfier. Il souligne aussi cependant un point qui explique cette bonne tenue des Geordies . « Pour moi, ils sont candidats au titre car ils possèdent un avantage que les autres équipes en lice pour les lauriers n’ont pas », commence l’ancien guide du FC Barcelone et du Bayern Munich. « Ils peuvent se concentrer à 100% sur la compétition nationale. Ils ne doivent pas voyager aux quatre coins de l’Europe et, toute cette énergie que l’on dépense sur la scène européenne, ils la gardent pour se reposer », affirme-t-il.

En voyant le joli parcours de Newcastle, l’Angleterre se souvient alors qu’en 2016, une équipe qui ne disputait pas les compétitions continentales ne s’était pas contentée de son statut de révélation. Leicester City avait été au bout de son rêve pour offrir l’une des performances les plus improbables de l’histoire de la Premier League. A l’époque, les « Renards » (Foxes) n’avaient jamais remporté les lauriers nationaux dans leur histoire. Les « Pies » (Magpies) peuvent se targuer de les avoir décroché à trois reprises dans leur histoire. Mais la dernière fois remonte à… 96 ans. La même éternité qu’une équipe au palmarès vierge finalement.

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